« La phagothérapie est une stratégie antibactérienne en voie d’exploration » - La Semaine Vétérinaire n° 1574 du 28/02/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1574 du 28/02/2014

Entretien avec Magali Berger-Savin

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Auteur(s) : Frédéric Decante

Alors que la phagothérapie devient à la mode, une jeune consœur vient juste de soutenir sa thèse sur ce sujet1.

D’où vous vient l’idée de choisir la phagothérapie comme sujet de thèse ?

> J’ai découvert la phagothérapie au niveau secondaire, en classe de première, alors que je lisais un article dans la revue Science et vie. J’ai tout de suite trouvé le thème passionnant. Dès mon entrée à l’école d’Alfort, j’avais du coup un sujet de thèse. La phagothérapie est un domaine vaste, qui n’est pas encore suffisamment développé dans le monde vétérinaire. Il m’a semblé évident de commencer par un état des lieux bibliographique. C’est l’objectif que je me suis assigné.

Pourquoi croire en la phagothérapie ?

> Le point fort de cette thérapie réside dans la perspective d’apporter une solution aux infections à germes multirésistants. La présence naturelle et spontanée de si nombreux virus bactériophages dans la nature apparaît particulièrement prometteuse. Ces phages auraient la capacité de s’attaquer au biofilm par l’action d’une glycanase qui leur permet de traverser la capsule mucoïde, ce qui est porteur d’espoir.

Ils ont en outre bien d’autres qualités : ils ne présentent presque pas d’effets secondaires en raison de leur bonne tolérance par l’organisme et sont sans conséquences sur la flore commensale ; ils ne se multiplient pas s’ils ne rencontrent pas leur bactérie cible ; des échanges de phages spécifiques d’une bactérie pathogène sont possibles entre les patients en cas d’épidémie. Enfin, outre leur grande accessibilité – il suffit de récupérer un échantillon d’eaux usées, riche en bactéries donc en phages –, les techniques modernes permettent aujourd’hui de les isoler et de les purifier.

Quelles en sont les limites ?

> Seuls les phages lytiques sont intéressants. Les phages dits tempérés, qui s’intègrent au génome sans détruire la bactérie infectée, peuvent potentiellement augmenter la pathogénicité de cette dernière. Ensuite, il existe des résistances aux phages. Cependant, ceux-ci évoluent en même temps que leurs bactéries cibles et peuvent ainsi passer outre ces résistances. De plus, les bactéries devenues phagorésistantes perdent généralement une grande partie de leur pathogénicité. En théorie, le système immunitaire pourrait réagir face à l’introduction de phages puisqu’il s’agit de virus mais, en pratique, cela n’est généralement pas observé. Les phages n’infectent que les bactéries, pas les cellules de l’organisme ni, de ce fait, les bactéries intra­cellulaires.

Peut-on imaginer à terme une utilisation en médecine vétérinaire ?

> La phagothérapie est ancienne et je rappelle dans ma thèse que Félix d’Hérelle, découvreur un peu oublié des phages et qui pourtant a eu son heure de gloire, a débuté ses expériences avec la typhose aviaire (Salmonella enterica). Encore aujourd’hui, la recherche travaille beaucoup sur des modèles expérimentaux animaux. J’ignore si, en Europe de l’Est où la phagothérapie persiste, elle est utilisée en médecine vétérinaire hormis pour les animaux de rente. En revanche, je sais que les phages sont employés en hygiène alimentaire dans le cadre de la conservation des denrées. J’attends beaucoup de l’expérimentation Phagoburn (voir encadré). Le frein n’est pas uniquement technique, mais également réglementaire. Nous nous dirigeons vers l’agrément de cocktails de phages qui devront en permanence être modifiés selon les données de terrain et les résistances constatées. Cela ne va certainement pas simplifier l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Une chose est certaine, maintenant que j’ai soutenu ma thèse, s’il faut un jour des volontaires pour expérimenter la phagothérapie en médecine vétérinaire, je serai en première ligne !

  • 1 Magali Berger-Savin. « La phagothérapie : historique et potentielle utilisation contre les infections à bactéries multirésistantes », thèse vétérinaire, Alfort 2014.

Phagoburn, une étude clinique à l’échelle européenne

Depuis juin 2013, un projet collaboratif européen a pour objectif l’évaluation clinique de la phagothérapie dans la prise en charge des infections à Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa multirésistantes aux antibiotiques chez les grands brûlés. Cofinancé par l’Union européenne et la Direction générale de l’armement français, il s’étend sur 27 mois. Le projet Phagoburn prévoit une première expérimentation sur le modèle animal murin, puis l’évaluation scientifique de l’efficacité de l’application de cocktails de phages lors d’infection à E. coli ou P. aeruginosa. L’entreprise française Pherecydes Pharma, spécialisée dans les biotechnologies et les nanotechnologies, est chargée de fournir les cocktails de phages lytiques utilisés.

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