Hémopéritoine : démarches diagnostique et thérapeutique - La Semaine Vétérinaire n° 1574 du 28/02/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1574 du 28/02/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Odile Senecat*, Pierre Guillaumot**, Isabelle Goy-Thollot***, Françoise Roux****, Hélène Vandenberghe*****

Fonctions :
*maître de conférences à Oniris. Article tiré de conférences présentées au congrès de l’Afvac 2013 à Nantes.
**praticien à Ollioules. Article tiré de conférences présentées au congrès de l’Afvac 2013 à Nantes.
***directrice du Siamu (VetAgro Sup). Article tiré de conférences présentées au congrès de l’Afvac 2013 à Nantes.
****maître de conférences à Oniris. Article tiré de conférences présentées au congrès de l’Afvac 2013 à Nantes.

Les hémopéritoines sont soit traumatiques (l’accident de la voie publique en constitue la cause la plus fréquente), soit spontanés (hémorragie de la rate, du foie, des reins, des glandes surrénales, coagulopathie, torsion splénique ou de lobe hépatique).

SYMPTÔMES

La présentation clinique dépend de l’importance de l’épanchement et de la présence ou non d’un état de choc hémorragique. Une distension abdominale (signe du flot) n’est présente que lorsque le volume de l’épanchement est élevé (de l’ordre de 40 ml/kg). Les hémopéritoines “graves” se traduisent par des signes cliniques d’état de choc, avec une pâleur des muqueuses, une augmentation du temps de recoloration capillaire, une tachypnée, une tachycardie, voire des troubles du rythme cardiaque et une douleur abdominale. En début d’évolution, des mécanismes compensateurs du choc hypovolémique peuvent néanmoins masquer les symptômes (muqueuses roses, temps de recoloration capillaire court).

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Échographie Fast

L’examen radiographique n’est pas suffisamment sensible pour confirmer la présence d’un hémopéritoine et l’échographie demeure l’examen de choix. L’échographie focused assessment with sonography for traumas (Fast) est effectuée lors de suspicion d’hémopéritoine traumatique1. Elle permet d’attester de la présence de liquide dans l’abdomen, d’apprécier son volume, voire l’origine du saignement. En cas d’hémopéritoine spontané, il convient de rechercher la cause du saignement. La rate est le premier organe exploré. L’échographie permet en outre de réaliser un bilan d’extension tumoral.

Analyse de sang

Si aucune anomalie n’est visible à l’échographie, une analyse sanguine peut permettre de diagnostiquer une coagulopathie.

Ponction abdominale

La ponction abdominale (de préférence échoguidée)? à l’aide d’une aiguille montée, en arrière de l’ombilic, est nécessaire pour établir un diagnostic définitif à partir de l’aspect macroscopique du liquide recueilli, d’une comparaison de l’hématocrite de l’épanchement et de celui du sang veineux, afin de confirmer que le liquide est bien du sang (et non un transsudat modifié ou un exsudat).

TRAITEMENT

La réanimation, lorsqu’elle est nécessaire, consiste à restaurer une pression artérielle normale, à oxygéner l’animal, à prendre en charge les troubles du rythme et à contrôler l’hémorragie.

Traitement chirurgical (exemple de l’hémorragie splénique)

Chez le chien, 60 à 90 % des hémopéritoines spontanés sont d’origine tumorale. La rate est le site de saignement le plus fréquent (80 à 90 % des cas), le plus souvent à la suite d’une rupture tumorale (hémangiosarcome dans plus de 90 % des cas). Des hématomes, des torsions ou des ruptures spléniques peuvent aussi provoquer un saignement.

→ Bilan préopératoire : avant toute opération, il convient d’évaluer l’état clinique de l’animal et de traiter un éventuel état de choc. Un bilan biologique, une évaluation des gaz du sang veineux, de la lactatémie (valeur pronostique) et un bilan de coagulation sont à effectuer. La persistance de signes cliniques d’hypoxémie, associés à une chute rapide de l’hématocrite, doit conduire à une transfusion sanguine. Il convient de stabiliser l’animal et d’affiner le diagnostic avant tout acte chirurgical. Une intervention est toutefois pratiquée en urgence lors de détérioration des signes cliniques et biologiques en dépit de la transfusion sanguine.

→ Fluidothérapie, anesthésie et analgésie : l’anesthésie doit être multimodale, fondée sur une combinaison d’agents de prémédication et d’induction rapidement éliminés (valium/ midazolam et propofol/alfaxan), avec un entretien par un anesthésique volatile (isoflurane ou sévoflurane), et idéalement associée à une perfusion continue d’autres agents (lidocaïne, morphine, kétamine). En cas de compression du diaphragme par la tumeur ou l’épanchement, une ventilation assistée peut être nécessaire. Un monitoring complet est indispensable pour déceler très tôt toute complication. Une hypotension a parfois lieu lors de l’aspiration de l’hémopéritoine ou du retrait d’une masse comprimant les vaisseaux abdominaux. Elle peut être prise en charge par l’administration de cristalloïdes, de colloïdes et/ou de vasopresseurs. En outre, l’utilisation d’un tapis chauffant, d’un liquide de perfusion tiédi, d’un rinçage abdominal avec du liquide tiède permet de limiter l’hypothermie. Enfin, des troubles du rythme ventriculaire apparaissent parfois lors de splénectomie et peuvent être contrôlés par l’administration de lidocaïne en bolus, voire en perfusion continue.

→ Technique chirurgicale : l’incision de laparotomie doit permettre une exploration globale de la cavité abdominale. La splénectomie est évitée lorsque le saignement est iatrogène ou quand l’effraction de la capsule splénique est limitée et que son saignement peut être stoppé lors de l’intervention par une pression digitée longue. Les indications de la splénectomie partielle sont rares : il s’agit des cas où une partie de la rate est dévascularisée à la suite d’un traumatisme. Lors de splénectomie, la mise en place de trois ligatures (artères gastriques courtes, tronc gastro-épiploïque gauche et artère splénique) est suffisante, et ne compromet pas la vascularisation gastrique. Lors de torsion de la rate, le pédicule tordu est ligaturé en masse afin de ne pas relarguer les radicaux libres et les autres médiateurs de l’inflammation qui s’y sont accumulés.

→ Suivi : l’apparition de troubles du rythme cardiaque (extrasystoles ventriculaires, tachycardie ventriculaire) peut avoir lieu au cours des cinq jours qui suivent l’acte chirurgical. Aussi, un monitoring d’électrocardiogramme est nécessaire pendant au moins 24 heures.

Traitement médical

→ Transfusion de sang frais : le sang total frais est prélevé depuis moins de 24 heures et contient des globules rouges, des globules blancs, des plaquettes, de l’albumine et des facteurs de coagulation.

Le donneur de sang doit être consciencieusement sélectionné, après un examen clinique complet, et répond à certains critères. Chez le chien donneur, une sédation suffit (butorphanol à 0,2 mg/kg par voie intramusculaire ou intraveineuse, dexdomitor à 1 µg/kg par voie intraveineuse). Chez le chat, une anesthésie est nécessaire (par voie intraveineuse, midazolam à 0,3 mg/kg, butorphanol à 0,2 mg/kg, alfaxan à 1 mg/kg). Les conditions d’asepsie sont à respecter rigoureusement (tonte, usage préférentiel de chlorhexidine pour prévenir l’apparition de hot spot, usage de gants stériles). Le donneur est installé en décubitus latéral et le sang jugulaire est prélevé dans des poches adaptées, à hauteur de 20 ml/kg.

Il est impératif de grouper le donneur et le receveur chez le chat. Chez le chien, une première transfusion peut être effectuée avec des animaux au statut inconnu, car il ne possède pas d’anticorps natifs pour le groupe sanguin DEA1, le plus immunogène. L’objectif de la transfusion est l’amélioration de l’état clinique de l’animal et la restauration d’un hématocrite supérieur à 20 %. Dans ce but, une transfusion de 20 ml/kg de sang total en moins de quatre heures peut être réalisée. Le débit initial est faible, de l’ordre de 0,25 ml/kg pendant les 30 premières minutes. Le monitoring de l’animal transfusé (paramètres de la volémie, pression artérielle, température, etc.) est alors essentiel. Il convient de cesser la transfusion et de revérifier la compatibilité des sangs si l’animal présente de l’agitation, de l’hyperthermie, une polypnée, de l’hypertension artérielle, ou si des lésions de prurit apparaissent. En l’absence d’anomalie, le débit de transfusion peut être progressivement augmenté jusqu’à atteindre 5 ml/kg/h.

→ Autotransfusion : l’autotransfusion, ou transfusion au patient de son propre sang, est utilisée dans divers contextes (pénurie de donneurs, composante infectieuse, raisons immunitaires) en médecine humaine. Elle permet un apport massif de sang sans utilisation des réserves de la banque. Cette technique est employée lorsqu’une absence de stabilisation de la pression artérielle persiste malgré une fluidothérapie adaptée, en présence d’un volumineux épanchement cavitaire ponctionnable. Le sang est disponible immédiatement, en grande quantité, à la bonne température, n’a pas coagulé ; il est compatible avec le receveur, tout nouveau risque infectieux est absent, et cette solution est peu onéreuse. La ponction de l’abdomen est effectuée au niveau de l’ombilic, et le sang s’écoule par gravité. La ponction du thorax en cas d’hémothorax est également possible. Le sang est recueilli dans un dispositif stérile de récupération et pesé. Il est directement mélangé dans la poche de prélèvement à un anticoagulant (CPDA), à raison d’un volume pour sept volumes de sang. Chez un chien de grande taille, il est possible d’utiliser plusieurs poches en parallèle, transfusées par la suite massivement (apport d’un volume équivalent à la volémie en moins de 24 heures ou de la moitié de la volémie en moins de trois heures, sous couvert d’ECG et de contrôles de la pression artérielle).

  • 1 Voir article dédié à la méthode Fast dans La Semaine Vétérinaire n° 1557 du 25/10/2013.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr