Traitement des thromboses chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1572 du 14/02/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1572 du 14/02/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Bérénice Conversy

Les thromboses aortiques se forment dans des conditions de haute turbulence qui endommagent l’endothélium vasculaire, exposant ainsi les ligands d’adhésion pour les plaquettes. Ces dernières composent le corps du thrombus aortique. Les chiens sont présentés avec des dysfonctions locomotrices sur l’un ou les deux membres pelviens et des désordres neurologiques (ataxie, monoparésie/paraparésie, déficits proprioceptifs et/ou des réflexes spinaux), un pouls fémoral faible ou absent, une intolérance à l’exercice. Les thromboses veineuses se forment à basse turbulence : le corps du thrombus est alors composé de fibrine et de globules rouges. Les plaquettes s’y ajoutent secondairement. Lors de thrombose portale, des désordres digestifs sont observés. Considérant les compositions différentes des thromboses, la prise en charge thérapeutique repose essentiellement sur l’usage d’antiagrégants plaquettaires (lors de thrombose aortique) ou d’anticoagulants (lors de thrombose veineuse).

ANTIAGRÉGANTS PLAQUETTAIRES

Aspirine

L’aspirine agit en inhibant de façon irréversible l’activité de la cyclo-oxygénase. Cette inhibition prévient la synthèse de thromboxane A2 qui, normalement, amplifie le signal d’activation plaquettaire. Des doses de 0,5 à 1 mg/kg/j sont recommandées, avec des effets variables sur la fonction plaquettaire. Comme en médecine humaine, des résistances à l’aspirine sont décrites dans l’espèce canine. Une étude rapporte un effet d’inhibition de la fonction plaquettaire chez seulement un tiers des chiens à la dose de 1 mg/kg/j. Chez ceux atteints d’anémie hémolytique à médiation immune, l’administration de 0,5 mg/kg/j d’aspirine est associée à un meilleur pronostic dans le cadre de la prévention du développement d’une thrombose.

Dérivés de thiénopyridine : clopidogrel et ticlopidine

Ce sont des prodrogues. Le métabolite actif se lie spécifiquement et irréversiblement au récepteur plaquettaire à l’ADP (P2Y12), empêchant l’action de ce dernier. En temps normal, l’ADP permet le recrutement plaquettaire et l’activation du récepteur GpIIb/IIIa.

Pour le clopidogrel, une administration orale d’environ 1 mg/kg/j provoque une inhibition rapide (dans les trois heures) de l’agrégation plaquettaire chez les chiens en bonne santé. Cette inhibition est irréversible et, chez la plupart des chiens, l’activité antiplaquettaire est maintenue pendant au moins trois jours après l’arrêt du traitement. Cela suggère qu’une administration tous les deux jours est envisageable après une période d’administration initiale quotidienne. Une étude qui évalue le clopidogrel chez les chiens atteints d’anémie hémolytique à médication immunitaire montre que l’administration de 2 mg/kg/j est sûre et permet le maintien de l’activité antiagrégante.

La ticlopidine est bien tolérée chez le chien sain à la dose de 62 mg/kg/j (action sur les plaquettes dans les deux jours qui suivent l’administration). Une thrombocytose est notée lors du recours à ce traitement.

Inhibiteurs du récepteur plaquettaire Gp IIb/IIIa

En temps normal, l’activation du récepteur GpIIb/IIIa est l’étape finale qui permet l’activation plaquettaire. L’usage de ces molécules se fait exclusivement par voie intraveineuse, et les données cliniques manquent chez le chien.

ANTICOAGULANTS

Les anti-vitamine K

Les facteurs de coagulation (II, VII, IX et X) et les protéines C et S (impliquées dans la fibrinolyse) sont synthétisés sous la forme inactive. Ils sont convertis sous une forme active grâce à l’action indirecte de la vitamine K époxyde réductase. Les anti-vitamine K agissent sur cette enzyme, inhibant ainsi l’activation des facteurs de coagulation. L’action débute deux à trois jours après l’administration.

Dans le cadre de la prévention des thromboses, une administration orale initiale de 0,05 à 0,2 mg/kg/j, suivie d’un ajustement de dose pour obtenir un ratio international normalisé (INR) entre 2 et 3, ou une prolongation du temps de prothrombine (PT) de 1,5 par rapport à la valeur de base, semble efficace et bien toléré chez le chien. L’INR est calculé comme suit :

Un suivi (temps de prothrombine ou INR) est recommandé quotidiennement au cours de la première semaine de traitement, puis deux fois par semaine pour les trois semaines suivantes, puis une fois par semaine pour les deux mois suivants, enfin tous les deux mois par la suite. Notons que le suivi du traitement avec le temps de prothrombine est plus rigoureux, car le calcul de l’INR a été déterminé pour l’homme.

L’inconvénient majeur des anti-vitamine K est leur effet variable d’un animal à l’autre, et l’apparition possible d’hémorragies. En outre, l’inhibition rapide de la protéine C (faible durée de vie) mène initialement à un état procoagulable. Il est alors recommandé d’utiliser conjointement de l’héparine lors des trois à cinq premiers jours de traitement, afin de prévenir la survenue de thromboses.

L’héparine

L’héparine non fractionnée correspond à un mélange hétérogène de glycosaminoglycanes (5 000 à 30 000 Da). Environ un tiers des molécules se lient à l’antithrombine et accélèrent la liaison de cette dernière avec les facteurs II et X en particulier, mais aussi avec les facteurs IX, XI et XII. Le mécanisme anticoagulant exercé par l’héparine s’effectue donc de façon indirecte sur les facteurs de coagulation libres.

Les doses rapportées chez le chien sont variables, de 50 à 500 UI/kg par voie sous-cutanée toutes les six à douze heures. Peu de données sont disponibles sur les posologies optimales, à la fois sûres et efficaces. L’administration par voie intraveineuse est également possible.

Le suivi passe par l’évaluation du temps de céphaline activée : une prolongation de 1,5 à 2 fois la valeur de base de l’animal est acceptée, mais reste controversée (variations inhérentes aux laboratoires). L’évaluation de l’activité anti-facteur X est plus précise pour déterminer les concentrations plasmatiques circulantes d’héparine. L’intervalle thérapeutique des concentrations plasmatiques d’héparine, environ quatre heures après l’administration, est de 0,35 à 0,7 UI/ml. Cet intervalle est atteint après l’administration de 250 à 500 UI/kg d’héparine par voie sous-cutanée chez des chiens sains, et des doses supérieures à 300 UI/kg chez des chiens atteints d’anémie hémolytique à médiation immune.

La limite majeure de l’utilisation de l’héparine non fractionnée repose sur sa capacité de liaison à des protéines plasmatiques autres que l’antithrombine (lipoprotéines, facteur de von Willebrand, fibrinogène, protéines de la phase aiguë), aux cellules endothéliales, macrophages et aux plaquettes. Cela rend son effet anticoagulant difficilement prévisible, en particulier lors d’une administration par voie sous-cutanée. Par ailleurs, le recours à l’héparine réduit les concentrations plasmatiques d’antithrombine. Ainsi, afin de prévenir une hypercoagulabilité rebond, un sevrage graduel sur plusieurs jours est recommandé.

Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM)

Issues d’une dépolymérisation de l’héparine non fractionnée, elles permettent l’obtention de chaînes de poids moléculaire d’environ 5 000 Da. Ces molécules se lient également à l’antithrombine. Toutefois, la taille des HBPM ne permet pas la formation d’un complexe ternaire entre l’HBPM, l’antithrombine et le facteur II : par conséquent, le ratio d’inhibition par l’antithrombine du facteur X par rapport au facteur II est de 4/1. Les HBPM se lient peu aux autres protéines et aux cellules de l’organisme.

Chez le chien, la daltéparine a une demi-vie de 123 minutes et une biodisponibilité de 104 % après une administration par voie sous-cutanée.

L’activité anticoagulante des HBPM s’effectue par l’évaluation de l’activité anti-facteur X. La thromboprophylaxie a été définie chez le chien lorsque l’activité anti-facteur X se situe aux alentours de 0,55 UI/ml.

La dose de daltéparine qui peut être utilisée chez le chien est de 150 UI/kg par voie sous-cutanée toutes les huit heures, celle d’enoxaparine est de 0,8 UI/kg toutes les six heures : l’activité anti-facteur X est prévisible trois à quatre heures après l’administration.

Les effets secondaires des HBPM sont moins fréquents que ceux observés lors de l’emploi d’héparine, en raison d’une pharmacocinétique plus prévisible. Le sulfate de protamine antagonise de façon partielle l’effet anticoagulant des HBPM.

Le rivaroxaban

Cette petite molécule inhibe directement le facteur X de la coagulation. Selon des études in vitro et in vivo menées chez le chien en bonne santé, aucun effet secondaire n’est noté à la dose de 2 mg/kg deux fois par jour. D’autres travaux sont nécessaires pour évaluer cet anticoagulant chez le chien malade. Son administration orale constitue un avantage majeur.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur https://www.lepointveterinaire.fr/bdd/164/164_4334

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