Calculs d’oxalates de calcium chez un furet - La Semaine Vétérinaire n° 1572 du 14/02/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1572 du 14/02/2014

Formation

NAC

Auteur(s) : Lauriane Devaux*, Emmanuel Risi**, Jean-Philippe Billet***

Fonctions :
*praticienne au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne)
**praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)
***praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique)

CAS CLINIQUE

Commémoratifs et anamnèse

Un furet mâle stérilisé d’un an est amené en consultation de référé pour une douleur abdominale, une constipation et une impossibilité d’uriner qui évoluent depuis plus de 24 heures. Il est nourri, depuis son adoption, avec un mélange de croquettes pour chatons et pour furetons achetées en grande surface. Il n’est en contact avec aucun autre animal. Il a été présenté au vétérinaire traitant à la suite de tentatives de miction et de défécation infructueuses. Il est anorexique depuis la veille et son état général se dégrade rapidement, mais il reste alerte.

Examens

L’examen clinique ne met en évidence qu’une douleur à la palpation de l’abdomen, localisée sur la vessie qui semble distendue. Une radiographie permet de visualiser des calculs vésicaux et urétraux. Une échographie confirme la présence d’au moins une vingtaine de calculs dans l’urètre et de multiples microcalculs dans la vessie. Aucune anomalie rénale n’est visualisée. De l’urine est prélevée par cystocentèse. L’analyse urinaire révèle la présence de sang en quantité modérée et une légère acidification des urines. Aucun cristal n’est visible à l’examen entre lame et lamelle et l’analyse du culot urinaire confirme la présence d’hématies dans le prélèvement. Une biochimie sanguine met en évidence une urémie (1,66 g/l) et une créatininémie (9,3 mg/l) modérées. Les valeurs de calcium et de phosphore sanguins sont dans les normes.

Rétropulsion des calculs

À la faveur d’une anesthésie à l’isoflurane, l’urètre est cathétérisé à l’aide d’une sonde urinaire pour chat de 1 mm de diamètre. Comme l’avancée de la sonde est bloquée en arrière de l’os pénien, une rétropulsion à l’aide d’une seringue de 5 ml de sérum physiologique est réalisée. Cet acte permet de rétablir la perméabilité de l’urètre. La procédure est répétée plusieurs fois en pinçant le pénis en arrière de l’os afin d’effectuer une rétropulsion sous pression. Malgré les rétropulsions répétées, la majorité des calculs urétraux restent en place, ce qui laisse supposer qu’ils sont adhérents à la muqueuse urétrale. La sonde urinaire est fixée avant le réveil et le furet est maintenu sous midazolam pendant la nuit (0,3 mg/kg/6 heures). Une urétrotomie et une cystotomie sont programmées pour le lendemain.

Urétrotomie et cystotomie

Le furet est prémédiqué avec du midazolam (0,3 mg/kg) et de la buprénorphine (20 µg/kg) et induit à l’isoflurane au masque. Après l’intubation, il est tondu en vue d’une laparotomie parapénienne et d’une urétrotomie ventrale préscrotale. La sonde urinaire est laissée en place pour l’urétrotomie. L’urètre est ouvert sur 1 cm et les calculs visibles dans la muqueuse sont retirés. La laparotomie parapénienne est effectuée à droite et la vessie est extériorisée. Une cystotomie est réalisée sur la face ventrale de la vessie. L’urine est aspirée dès l’ouverture et les calculs vésicaux sont récupérés à l’aide d’une curette. Le bas tractus urinaire est flushé de façon normograde et antérograde à l’aide de plusieurs sondes afin de déloger les calculs urétraux et vésicaux restants. La vessie est suturée à l’aide d’un surjet apposant non perforant au monofilament résorbable 6-0. Le site d’urétrotomie est suturé partiellement par un surjet intradermique au monofilament résorbable 4-0. Un orifice urétral de quelques millimètres est volontairement maintenu pour une cicatrisation par seconde intention, permettant ainsi l’évacuation d’éventuels calculs néoformés dans les jours qui suivent l’intervention. La sonde est retirée avant le réveil. Les calculs sont conservés en vue d’une analyse.

Suivi postopératoire

Le furet est hospitalisé pendant 72 heures après l’opération afin de gérer la douleur (buprénorphine à 20 µg/kg deux fois par jour pendant 48 heures ; méloxicam à 0,1 mg/ kg une fois par jour pendant cinq jours) et surveiller la reprise des mictions spontanées. Dès le réveil, des urines claires sont observées dans la cage. L’appétit revient au cours des 24 heures qui suivent l’intervention chirurgicale et une nette amélioration de l’état général est notée. Une antibiothérapie (enrofloxacine à 10 mg/kg deux fois par jour) est mise en place et maintenue pendant une semaine après la sortie d’hospitalisation. Une transition alimentaire vers une ration ménagère est fortement conseillée aux propriétaires ou, à défaut, vers des croquettes adaptées au furet (riches en protéines d’origine animale).

Les contrôles sont effectués chez le vétérinaire traitant. Deux semaines après l’intervention, les plaies sont correctement cicatrisées, l’orifice d’urétrostomie transitoire s’est refermé seul et aucun nouveau signe de troubles urinaires n’est rapporté.

L’analyse morphologique et la spectrométrie à infrarouges ont montré qu’il s’agissait de lithiases formées à 85 % d’oxalates de calcium dihydraté et à 15 % de protéines.

DISCUSSION

Épidémiologie

Des cas d’urolithiases sont rap­portés chez plusieurs espèces de la famille des mustélidés, dont le furet. Le nombre de furets atteints est en constante augmentation en Amérique du Nord et en Europe depuis les 30 dernières années. Plusieurs études montrent que la majorité des calculs rencontrés sont des struvites sans infection urinaire associée (64 %) et des calculs de cystine (16 %). Les calculs d’oxalates de calcium ne représentent que 11 % des cas d’urolithiases. Bien que leur existence soit rapportée dans la littérature, l’épidémiologie et la pathogénie des oxalates de calcium restent mal connues.

Pathogénie

D’une manière générale, les urolithiases sont plus souvent diagnostiquées chez les mâles que chez les femelles. Cela peut être relié à la présence de l’os pénien et à la conformation en J de la portion distale de l’urètre, qui compliquent l’expulsion naturelle des calculs. Chez la femelle, ils sont surtout observés lors de cystites bactériennes ascendantes pendant la gestation. Dans le cas des struvites et des calculs de cystine du furet, la prévalence est plus importante chez les individus stérilisés. Cette dominance existe aussi pour les urolithiases du chat, notamment chez les sujets qui présentent des oxalates de calcium. Dans l’espèce féline, l’âge et la composition du régime alimentaire sont également des facteurs de risque vis-à-vis du développement de ces calculs. Une alimentation riche en protéines, en sodium, en calcium, et dont le pouvoir d’acidification des urines est élevé favorise en effet leur formation. De telles analyses n’ont pas été menées chez le furet dans le cas des oxalates de calcium. En revanche, une étude réalisée avec des loutres cendrées captives normocalcémiques et présentant des calculs d’oxalates de calcium montre que la clairance rénale du calcium durant le repas est plus importante que pendant les périodes de jeûne. Ainsi, chez ce mustélidé, une ration riche en calcium est à l’origine d’une hypercalciurie importante, sans nécessairement d’hypercalcémie associée.

Traitement

Les calculs d’oxalates de calcium ne peuvent être dissous en modifiant le pH des urines. Ainsi, le traitement passe nécessairement par le retrait chirurgical de l’ensemble des calculs. Le pronostic varie selon leur localisation. Il est sombre dans le cas de calculs rénaux ou uretéraux, bon lors de calculs vésicaux et urétraux. Dans tous les cas, des récidives sont possibles.

La modification du régime alimentaire en vue de la prévention des calculs est compliquée chez cette espèce, en raison de sa prédilection fréquente pour un seul type de nourriture. Elle est cependant nécessaire, lorsque l’alimentation est inadaptée (croquettes pour chiens, aliment pauvre en protéines, part de protéines végétales plus élevée que celle de protéines animales). Les aliments visant à prévenir les calculs urinaires du chat sont en général inefficaces. De plus, le taux de protéines de ces rations est insuffisant pour le furet. Une transition vers des croquettes pour furet ou vers une ration ménagère est alors la meilleure option.

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