Origine des thromboses chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1571 du 07/02/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1571 du 07/02/2014

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Bérénice Conversy

Fonctions : diplomate Acvim, praticienne à Villefontaine (Isère)

Diverses conditions médicales sont associées au développement de thromboses chez le chien. Il est important d’identifier les animaux qui risquent de développer une embolie afin d’instaurer des mesures prophylactiques. À l’inverse, lors de la mise en évidence d’une thrombose, une cause sous-jacente est à rechercher. Cet article a pour but de présenter les affections à l’origine d’un déséquilibre hémostatique susceptible de conduire à un état d’hypercoagulation.

PROCESSUS IMMUNITAIRE

Anémie hémolytique

Une étude nécropsique rapporte une prévalence de 80 % de thromboses lors d’anémie hémolytique à médiation immunitaire (AHMI). La veine splénique est plus fréquemment affectée. Lors d’AHMI, l’hémoglobine libérée active les cellules endothéliales qui expriment alors le facteur tissulaire nécessaire à l’activation de la coagulation, et piège l’oxyde nitrique qui a normalement des propriétés vasodilatatrices. Cela favorise l’agrégation plaquettaire. De plus, les cytokines libérées par les érythrocytes lysés et l’endothélium endommagé provoquent un état inflammatoire procoagulant. Même si aucune étude n’a pu déterminer si un anticoagulant est plus efficace qu’un autre, un traitement antithrombotique est recommandé chez les chiens atteints de cette affection.

Autres maladies à médiation immune

Des thromboses sont rapportées chez des chiens atteints de thrombopénie ou de polyarthrite à médiation immunitaire, de lupus ou de pemphigus. En plus de l’état inflammatoire associé à ces maladies, les corticoïdes représentent le traitement le plus fréquemment prescrit. Or ils prédisposent à une hypercoagulabilité. Dans le cas d’une thrombopénie à médiation immunitaire, l’état hypercoagulable a été montré avec un traitement corticoïde, malgré un comptage plaquettaire au-delà de 40 x 109/l.

FUITE PROTÉIQUE

Glomérulo-néphropathie

Lors de glomérulopathie, la prévalence des thromboses oscille entre 9 et 25 %. Les mécanismes sous-jacents suspectés sont une hyperagrégabilité plaquettaire secondaire à l’hypercholestérolémie qui accompagne la glomérulopathie, une dysfonction endothéliale et/ou une stase sanguine. La concentration en albumine, l’activité de l’antithrombine et la valeur du ratio protéines/ créatinine urinaire ne permettent toutefois pas, à eux seuls, de prédire cet état d’hypercoagulation, ni l’apparition de thromboses. La réalisation d’un test hémostatique global (thrombo-élastographie1) permettrait de déterminer la nécessité d’instaurer une thérapie anticoagulante.

Entéropathie

La prévalence des thromboses est relativement faible, de l’ordre de 1 à 3 %, lors d’affection intestinale. La perte d’antithrombine explique en partie l’état hypercoagulable : une étude montre que la concentration plasmatique d’antithrombine chez les chiens atteints se situe dans la limite basse, et le degré d’hypercoagulabilité n’est pas associé à celui de l’hypoalbuminémie. La condition inflammatoire sous-jacente à l’entéropathie, documentée par une augmentation du fibrinogène, est alors suspectée de promouvoir l’hypercoagulabilité.

INFLAMMATION ET INFECTION

Syndrome inflammatoire systémique

La prévalence des thromboses portales et spléniques est respectivement de 39 % et 26 % lors de syndrome inflammatoire systémique, qui se définit par la présence d’au moins deux critères parmi : une hypothermie (moins de 37,8 °C) ou une hyperthermie (plus de 39,4 °C), une tachycardie (fréquence cardiaque supérieure à 140 bpm), une tachypnée (fréquence respiratoire au-delà de 40 mpm), une leucopénie (moins de 6 000 cell/µl) ou une leucocytose (plus de 16 000 cell/µl), la présence de plus de 3 % de leucocytes immatures. Cet état induit une hypercoagulabilité via une activation directe de la coagulation (par les cytokines inflammatoires, les leucocytes et les productions hépatiques), une répression des anticoagulants endogènes et une inhibition de la fibrinolyse.

Affections hépato-biliaires et pancréatites

Les maladies hépato-biliaires et les pancréatites sont à l’origine respectivement de 11 % et 18 % des cas de thromboses spléniques, et 42 % et 3 % des thromboses portales.

Lors de maladie hépatique, l’activation et l’agrégation plaquettaire dans le foie entraînent la formation de microthrombi. La production d’anti­thrombine et de protéine C peut être diminuée et contribuer à l’hypercoagulabilité. Mais à l’inverse, un état d’hypocoagulation peut être observé en lien avec un défaut de production d’éléments procoagulants normalement synthétisés pas le foie. La coagulation est à évaluer chez ces animaux avant la mise en place d’un traitement qui affecte l’hémostase. Une étude montre que les chiens atteints d’une obstruction biliaire sont dans un état d’hypercoagulation et que cela contribue à la morbidité/mortalité périopératoire.

Lors de pancréatite, les cytokines inflammatoires relâchées (en particulier le TNF-a et l’IL1) entraînent une augmentation de la production des inhibiteurs de la fibrinolyse.

Septicémie

Lors de septicémie (définie par un syndrome inflammatoire systémique et la mise en évidence d’une infection bactérienne, virale, protozoaire ou fongique), une baisse de l’activité de l’antithrombine, une diminution de la protéine C et une augmentation de l’activité de l’inhibiteur de la fibrinolyse activée par la thrombine sont observées.

TUMEUR

Les néoplasies représentent la cause sous-jacente de 54 % des thromboses spléniques, 21 % des portales, 19 % des aortiques et 1,8 % des pulmonaires. Cela concerne aussi bien les tumeurs à cellules rondes que mésenchymateuses ou épithéliales. Les mécanismes sous-jacents sont multifactoriels : les cellules tumorales peuvent elles-mêmes exprimer le facteur tissulaire, produire du fibrinogène, ou réprimer les protéines anticoagulantes endogènes.

DYSENDOCRINIE

Hyperadrénocorticisme

L’hyperadrénocorticisme est responsable de 2,7 % des thromboses pulmonaires, 6 % des portales, 4 % des spléniques et 3,2 % des aortiques. La pathogénie est complexe. Une présence accrue des complexes thrombine-antithrombine, associée à une baisse d’activité de l’antithrombine, suggère la consommation de cette dernière. Une hausse de la concentration des facteurs activés de coagulation II, V, VII, IX, X, XII est également documentée. En outre, une étude montre que le profil hypercoagulable chez les chiens atteints d’hyperadrénocorticisme persiste malgré le traitement, ce qui suggère un possible effet prolongé des glucocorticoïdes endogènes.

Diabète

Le diabète est à l’origine de 3,2 % des cas de thrombose aortique. Plusieurs mécanismes sont en cause :

→ une hyperagrégabilité plaquettaire due à la glycosylation de leur récepteur ;

→ une diminution des niveaux d’héparane sulfate endothélial ;

→ une altération du flux sanguin dû à un défaut de déformabilité des globules rouges ;

→ une activation de la thrombine, une hyperfibrinogénémie, une augmentation des facteurs de coagulation VII, VIII, X, XI, XII et du vWF ;

→ une diminution de la concen­tration des protéines C et S, et de l’antithrombine.

Obésité

L’indice corporel est un critère à prendre en compte dans le risque de développement d’une thrombose. En effet, un lien existe en médecine humaine : les adipocytes sécrètent de nombreuses substances qui favorisent l’angiogenèse, l’activation plaquettaire et le développement d’un état inflammatoire.

IATROGÉNIE

Corticoïdes

L’association entre l’administration de prednisone à une dose anti-inflammatoire ou immunosuppressive et le développement d’un état d’hypercoagulation est démontrée chez le chien. Ce traitement est à l’origine de 42 % des thromboses portales, 43 % des spléniques, 19 % des aortiques, et 35 % des thromboses de la veine cave craniale. Chez l’homme, les glucocorticoïdes provoquent une augmentation de l’activité sanguine des facteurs VII (de 13 %), VIII (27 %), XI (6 %) et du fibrinogène (11 %). Le vétérinaire doit considérer le risque de développement de thromboses chez les chiens qui reçoivent des corticoïdes et présentent une maladie sous-jacente prothrombotique.

Immunothérapie

L’usage d’immunoglobuline G humaine, notamment dans le cadre du traitement de l’anémie ou de la thrombopénie à médiation immunitaire, favorise le développement d’un état procoagulable et inflammatoire chez le chien.

CARDIOPATHIE

L’incidence des thromboses chez les chiens souffrant d’une cardiomyopathie est faible. Dans une étude chez des chiens atteints d’une thrombose aortique, aucun ne présente de maladie cardiaque structurale au moment du diagnostic. Toutefois, des thromboses sont rapportées chez des chiens souffrant de fibrillation atriale (formation du thrombus dans l’oreillette gauche).

Par ailleurs, une étude s’est intéressée à des chiens en insuffisance cardiaque congestive chronique (due à une maladie dégénérative valvulaire ou à une cardiomyopathie dilatée) et elle montre que ceux-ci étaient dans un état de procoagulation. Mais aucun des paramètres hémostatiques évalués n’est associé à la survie. La présence de cet état procoagulable dans la progression de la maladie cardiaque sous-jacente reste à prouver (infarctus microscopique du myocarde).

La connaissance des maladies et des mécanismes qui mènent à une hypercoagulabilité est indispensable pour adopter une approche thérapeutique logique. Toutefois, l’incidence des thromboses est inconnue et imprévisible. Ce risque semble plus élevé quand les chiens développent une manifestation sévère de la maladie et des conditions favorisantes (corticoïdes). Un traitement anticoagulant est mis en place sur la décision du praticien, selon les résultats hémostatiques de l’animal (par exemple thrombo-élastographie) ou l’existence de thromboses.

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