La responsabilité disciplinaire du vétérinaire à multiples facettes - La Semaine Vétérinaire n° 1570 du 31/01/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1570 du 31/01/2014

Dossier

Auteur(s) : Marine Neveux

La procédure disciplinaire a fait l’objet d’une attention particulière lors de la journée de l’Institut du droit équin, organisée le 11 décembre dernier à Deauville, dans le cadre du congrès de l’Association vétérinaire équine française (Avef). Le secret professionnel est aussi un sujet qui soulève de multiples questions. Tour d’horizon.

LA PROCÉDURE DISCIPLINAIRE

La procédure disciplinaire suit un protocole déterminé. En pratique et sur le terrain, quelles sont les situations auxquelles les confrères peuvent être confrontés ? « Nous sommes souvent saisis pour un comportement d’omission, témoigne Raymond Lévy, magistrat et président de la chambre régionale de discipline de Picardie. Les clients reprochent au praticien de ne pas leur avoir expliqué de quoi souffrait leur animal, de ne pas les avoir prévenus assez tôt pour éviter ses souffrances, ou de l’avoir laissé sans surveillance dans son local professionnel (un chien peut avoir enlevé son cathéter, par exemple). » Autre cas de figure recensé par le magistrat : des vétérinaires qui s’accusent mutuellement de détournement de clientèle.

« Il est aussi parfois reproché à un praticien de ne pas avoir réalisé un examen assez complet de l’animal et de ne pas avoir procédé à tel ou tel examen complémentaire. » Les confrères peuvent alors arguer qu’ils ont limité le nombre d’examens en fonction du cas, « mais on peut le leur reprocher si cela s’est finalement révélé nécessaire ». Bien entendu, il revient au vétérinaire d’établir le diagnostic lors de la consultation. « En pratique, les moyens diagnostiques sont moins contestés quand le vétérinaire suit habituellement l’animal. Comme il le connaît, on lui reproche moins de ne pas avoir pratiqué tous les examens », précise Raymond Lévy.

Un examen clinique, sans avoir procédé à un diagnostic conforme aux exigences réglementaires, peut également être remis en cause. De même, ne pas répondre à un appel d’urgence ou le manquement aux règles de rédaction d’une ordonnance sont l’objet de litiges, comme pour ce praticien qui rédige une prescription « au nom du chien de sa cliente et non à celui du poney concerné ! », se souvient le magistrat. D’autres cas font état de visites d’un vétérinaire dans des élevages dont il n’est pas responsable, et qui réalise des prescriptions à 200 km de chez lui… Plus ponctuellement, « j’ai eu à juger le comportement perturbé d’un vétérinaire qui avait trop bu d’alcool lors d’une réunion. Son attitude fautive a donné lieu à une suspension : il avait porté atteinte à l’image et à la représentation de la profession. La réunion était organisée en présence de personnalités de la préfecture et il était déjà l’objet de procédures antérieures ».

Quand la sanction est prononcée, il y a un délai de recours pendant lequel une des parties peut s’adresser au Conseil supérieur de l’Ordre (CSO). « De même, la décision que je rends peut faire l’objet d’un appel en chambre nationale de discipline du CSO », précise Raymond Lévy.

ITINÉRAIRE D’UN CONSEILLER RÉGIONAL

Notre confrère Antoine Bayart, membre du conseil régional ordinal de Normandie, a témoigné de son expérience et de son parcours. « Lorsque je me suis installé, le président de la région m’a contacté, il souhaitait qu’un vétérinaire équin fasse partie de l’Ordre régional. » Les CRO regroupent des confrères aux multiples facettes, « des praticiens canins, des ruraux, des experts, des vétérinaires qui possèdent des cliniques secondaires, d’autres qui exercent seul, etc. La profession est plutôt bien représentée. Aucun de nous n’est un ayatollah du Code de déontologie ! », souligne Antoine Bayart.

« En Normandie, nous n’avons en général qu’une seule session de chambre de discipline par an. » Le nombre de cas jugés est réduit, d’abord en raison d’un effort pédagogique et de communication par rapport aux plaintes qui peuvent être déposées. « J’ai eu une seule affaire à traiter concernant des chevaux en huit ans, note notre confrère. Je reçois une demande d’information tous les deux à trois mois, mais peu de litiges, car souvent ceux liés aux chevaux sont réglés via la responsabilité civile professionnelle (RCP). » En outre, dans la filière équine, la valeur vénale des animaux est souvent la motivation première. Lorsque l’Ordre explique ses limites d’intervention, notamment le fait qu’il n’a pas de compétence financière, en général l’affaire s’arrête, car les plaintes ont bien souvent un objectif financier.

L’OBJET DES PLAINTES

Les plaintes ont des motifs divers et variés. Par exemple, des clients mauvais payeurs se plaignent d’avoir essuyé des refus de soins. Des confrères citent l’exemple d’une clinique qui a refusé de prendre en charge une jument en coliques parce que le client ne réglait pas ses factures. Pourtant, au moment des faits, celui-ci ne devait plus d’argent à la clinique. La plainte peut s’appuyer sur le Code de déontologie dans le sens où, lorsqu’il y a une urgence, le vétérinaire doit assurer les premiers soins. Ce client débiteur était connu en équine, le rôle du conseiller ordinal est alors de rendre un rapport objectif. La clinique a été mise en cause. L’argumentaire de la défense a consisté à montrer que le client était effectivement un mauvais payeur. Le débat est complexe, car le Code de déontologie affirme la nécessité de soigner en urgence, et le praticien ne peut pas se dégager de cette responsabilité, même si, par exemple, il prévient l’Ordre au préalable qu’il ne veut plus soigner les animaux de ce client. Dans ce cas précis, la clinique a été acquittée.

« Si vous ne voulez plus répondre à un appel, il faut envoyer une lettre recommandée à l’Ordre avec une copie au client concerné, explique notre confrère. En cas d’urgence, c’est le bien-être de l’animal qui doit primer avant tout. »

« Le Code de déontologie (voir encadré ci-contre) fait mention des impayés, mais ne précise pas s’ils sont actuels ou passés, ajoute notre confrère Philippe Lassalas, expert à la cour d’appel de Versailles. Si le plaignant a déjà été devant le tribunal pour des impayés auparavant, cet argument est recevable devant une chambre de discipline. » La réforme du Code de déontologie devrait permettre de lever ces imprécisions.

Une variante de cette problématique est celle du refus de soins pour des personnes qui ne font pas partie de la clientèle de la clinique et/ou l’exemple du vétérinaire qui n’a pas assuré la continuité des soins. « Si c’est une urgence, et que vous êtes en mesure de vous y rendre, il convient de vous déplacer », rappelle Raymond Lévy.

« Dans les cas où un aspect sentimental entre en ligne de compte, il n’y a quasiment pas de plaintes en équine (elles sont en revanche beaucoup plus nombreuses en canine). Et neuf fois sur dix, c’est davantage un problème de communication et cela ne va pas plus loin », témoigne Antoine Bayart.

En outre, si malgré tout des propriétaires déposent des plaintes, certaines sont abusives, constate Philippe Lassalas. L’Ordre met ainsi l’avance des frais à la charge des plaignants pour freiner les procédures abusives. « Celles-ci sont coûteuses, renchérit Raymond Lévy. Quand il y a un refus de plainte ou un non-lieu, en général l’Ordre ne perçoit rien. »

En outre, Antoine Bayart rappelle que dans l’acte de prescription et de délivrance des médicaments, « il est nécessaire d’être le plus rigoureux possible », de même qu’au niveau de la certification et de la rédaction des ordonnances. La certification des vaccinations en équine est une problématique parfois soulevée par les propriétaires de chevaux. « Attention à la boîte de vaccins laissée au client pour les dix poulains qui sont dans le pré, ou à la vaccination du dimanche matin parce que le cheval va aux courses, ou encore au livret qui passe de date, etc. », met en garde Antoine Bayart. Bien entendu, le vétérinaire ne peut que certifier les actes qu’il a lui-même effectués.

UNE ÉCHELLE EMPIRIQUE DES SANCTIONS

Les sanctions pour les personnes physiques peuvent aller de l’avertissement aux réprimandes accompagnées ou non d’une période d’inéligibilité à une instance ordinale (pour une durée maximale de dix ans) en passant par l’interdiction temporaire d’exercer (au maximum dix ans dans le périmètre de la chambre de discipline) et de faire partie de l’Ordre, ou encore la suspension du droit d’exercer en métropole et dans les départements et régions d’outre-mer (au maximum dix ans). Les peines peuvent aussi comporter l’interdiction définitive de faire partie d’un conseil régional ordinal.

Pour les sociétés, les sanctions vont de l’avertissement à une suspension temporaire d’exercice (qui peut éventuellement avoir un sursis) et à la radiation. Quels que soient les faits reprochés, les conseils régionaux ne disposent pas de grilles de sanctions. Cela explique notamment pourquoi, sur le terrain, pour un fait particulier, il est possible d’être condamné différemment, soit d’une session à l’autre au sein d’un même conseil régional ordinal, soit d’un CRO à l’autre. Au niveau du CSO, il existe une certaine constance au niveau de l’équité des peines.

EXTRAIT DU CODE DE DÉONTOLOGIE

« En dehors des cas d’urgence, il [le vétérinaire] peut refuser de prodiguer des soins à un animal ou à un lot d’animaux pour des motifs tels qu’injures graves, défaut de paiement, ou pour toute raison justifiée heurtant sa conscience ou lorsqu’il estime qu’il ne peut apporter des soins qualifiés. »

Source : « Devoirs envers les clients », article R.242-48, modifié par décision du Conseil d’État n° 343204 du 1er/10/2012.

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