La lutte contre les mouches réclame les moyens d’une gestion intégrée

Il faut avouer un certain “manque de savoir-faire” en Europe contre les arthropodes parasites du bétail, en particulier des mouches, par rapport au reste du monde. À la faveur de la commercialisation¹ d’un pour-on de deltaméthrine (Deltanil®), Virbac a initié l’an dernier un groupe de travail, l’European panel on arthropod pests (Epap) in Livestock. Il fonctionne selon la méthode du processus de consensus formalisé (FCP) dont la base est la bibliographie. Les conclusions de la première année de travail ont été présentées fin novembre, en marge du Forum européen de buiatrie (EBF), à Marseille. Les premières sessions ont été consacrées aux diptères, et en particulier à Stomoxys calcitrans, une espèce hématophage ubiquitaire en élevage bovin.

L’Europe attend du neuf, par manque de traitements

Le cycle de vie du parasite est assez bien connu, mais les études ont rarement lieu en Europe, et les particularités biogéographiques de ce continent sont peu prises en considération, rapporte Luc Durel (Virbac). Or l’Europe fait face à un véritable challenge, avec un arsenal thérapeutique considérablement réduit. Comme les biocides ou les pesticides, les trois quarts des insecticides sont interdits, dans le cadre de la réglementation “pesticides” en Europe (directive 2009/128/CE). La France applique, en outre, un plan “écophyto” qui tend à en réduire l’usage phytopharmaceutique. Mais une bonne approche anti­parasitaire nécessite de disposer de molécules qui agissent d’une façon différente sur le parasite, selon les experts, et permet une prescription intelligente, y compris au regard du bien-être animal.

Des régulateurs de croissance contre les larves, s’ils étaient plus disponibles, pourraient s’utiliser en synergie avec des mesures de gestion des déchets organiques en élevage. Les bouses ne sont pas les seuls lieux de ponte des mouches : les déchets d’aliments sous les auges, les barrières, etc., sont aussi des nids potentiels.

Contrôler les adultes par des topiques garde tout son sens, à condition de traiter tôt au printemps puisque les cycles sont continus. Des moyens de détection du réveil des cycles pourraient être pertinents (notamment avec des pièges ou des rubans collants déroulés sur quelques mètres chaque semaine). L’observation sur les animaux n’est pas encore satisfaisante, car l’infestation dépend, entre autres, des conditions météorologiques.

En hiver, même dans le Nord, les stomoxes ne disparaissent pas

La recrudescence de S. calcitrans au printemps est imprévisible, tant que l’écologie des populations de mouches nuisibles n’aura pas été clairement établie pour l’Europe. Une chose est certaine : les stomoxes ne disparaissent pas pendant l’hiver, ils sont simplement moins actifs. Au printemps, dès que les conditions sont favorables, ils pullulent. Quantifier la pression parasitaire réclame une observation attentive, et des moyens de gestion utilisables au quotidien restent à valider. Divers dispositifs de piégeage ont été testés pour estimer la taille des populations de mouches et prendre une décision de traitement (comme les fils à dérouler enduits de glu). Le dénombrement des mouches sur les animaux n’a pas dit son dernier mot, mais la corrélation avec la charge parasitaire environnementale n’est pas avérée. Leur impact sur le comportement et la physiologique des animaux est bien établi, contrairement à l’impact économique, difficile à quantifier. Estimer les chutes de production imputables aux mouches aiderait à délimiter l’intérêt de traiter. Enfin, les études d’impact des mesures de contrôle, a fortiori sur les populations d’insectes nuisibles, font cruellement défaut. Le regain d’attention des éleveurs pour les traitements contre les insectes est venu de leur rôle vectoriel. Le genre Stomox est un vecteur mécanique, efficace pour transmettre une quantité d’agents pathogènes (besnoitiose, anaplasmose, etc.).

Les recherches se poursuivent

L’étude de la dynamique des populations selon les conditions météorologiques réclame des investissements conséquents. Des corrélations sont recherchées entre les résultats de piégeages ou de comptages sur les animaux et l’usage ou non de topiques.

La résistance aux perméthrines (seule famille commercialisée comme médicament contre les mouches en Europe) est scrutée et ses mécanismes éventuels sont étudiés. Inefficacité ne signifie pas toujours résistance, il peut s’agir d’un emploi inadéquat, par sous-dosage ou mauvais choix du moment d’administration. L’impact technico-économique est en train d’être quantifié, comme pour les anthelmintiques.

Les schémas thérapeutiques (précocité, nombre par an, rythme) restent à établir. Virbac a d’ores et déjà planché sur la simplification d’utilisation de son pour-on de deltaméthrine.

• 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1551 du 13/9/2013 en page 23.