Caractérisation des défenses antimicrobiennes de l’œuf - La Semaine Vétérinaire n° 1569 du 24/01/2014
La Semaine Vétérinaire n° 1569 du 24/01/2014

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/VOLAILLES

Auteur(s) : Nicolas Guyot*, Cyril Parachini-Winter**

Fonctions :
*Inra de Nouzilly (Indre-et-Loire). Article tiré de la conférence présentée lors de la journée des professionnels de la poule pondeuse et de l’œuf de consommation, organisée par l’Itavi le 5 décembre 2013 à Pacé (Ille-et-Vilaine).

Le rôle de l’œuf est d’apporter à l’embryon une importante quantité de nutriments et autres molécules nécessaires à son développement, ainsi qu’à le protéger des agressions extérieures. Nicolas Guyot (Inra Nouzilly) a présenté, lors d’une journée nationale Itavi, les caractérisations et les applications des défenses antimicrobiennes de l’œuf, un travail davantage consacré à ses défenses “chimiques” plutôt qu’aux rôles de la coquille ou de la membrane vitelline, qui constituent les remparts physiques de l’œuf.

PROPRIÉTÉS DU BLANC PROPICES À L’ACTION ANTIBACTÉRIENNE

Avant 2006, à peine 50 protéines étaient recensées dans l’œuf. Ce nombre a considérablement augmenté au cours des dernières années, en même temps que se sont affinées les techniques de séquençage génomique, de criblage et d’identification à haut débit. Désormais, plus de 1 000 protéines sont connues dont, selon les estimations, environ 1/5e de molécules potentiellement antimicrobiennes. Parmi les différents compartiments de l’œuf, c’est dans le blanc que se concentre la plus grande quantité de ces molécules antimicrobiennes actives. De plus, celui-ci possède des propriétés physicochimiques bien particulières : un pH basique compris entre 7,5 et 9,5 (d’où des propriétés bactériostatiques et bactéricides), une viscosité importante liée à la présence d’ovomucine (qui perturbe la mobilité des bactéries) et l’absence de fer. Cette structure incarne donc bien la principale ligne de défense de l’œuf après la coquille.

OVALBUMINE X OU OVAX : UNE PROTÉINE “ANTI-LISTERIA

Le lysozyme (découvert en 1922 par Flemming) et l’ovotransferrine sont les deux principales molécules du blanc d’œuf qui possèdent des propriétés antimicrobiennes désormais bien répertoriées.

→ Le lysozyme est en outre exploité dans l’industrie pharmaceutique comme principe actif de médicaments (par exemple pour soigner certains maux de gorge) et dans l’agro-alimentaire comme agent conservateur naturel, plus connu sous le nom d’additif E1105 (utilisé notamment en fromagerie et dans certains processus de vinification).

→ L’ovotransferrine représente quant à elle 12 % des protéines du blanc et agit par chélation des atomes de fer, en inhibant par cette voie la croissance des bactéries Gram – dont font partie les salmonelles. L’Institut national de la recherche agronomique (Inra) cherche, depuis plusieurs années, à identifier de nouvelles protéines antimicrobiennes de l’œuf. Récemment, l’ovalbumine X (ou Ovax, une protéine du blanc d’œuf apparentée à l’ovalbumine) a retenu toute l’attention des chercheurs. Ses propriétés anti-Listeria ont même fait l’objet d’un dépôt de brevet par l’Inra. L’héritabilité de la capacité de croissance (ou d’inhibition de la croissance) des salmonelles dans le blanc a également été étudiée. Estimée à 0,16, cette valeur en fait un caractère faiblement héritable, donc difficile à utiliser en sélection.

DES INTERACTIONS ENVIRONNEMENTALES

L’étude de l’impact de l’environnement de la poule et des conditions de stockage de l’œuf sur la variabilité phénotypique de l’activité antimicrobienne du blanc d’œuf ont également fait l’objet de travaux de recherche. Une fois l’œuf pondu, de nombreux échanges s’opèrent avec l’environnement. Du CO2 s’échappe vers le milieu extérieur et le pH du blanc augmente, en même temps que la quantité d’eau dans le blanc diminue (elle s’évapore via les pores de la coquille ou diffuse vers le jaune) et que des ions comme le Mg2+ ou le Ca2+ migrent vers le jaune. Ainsi, selon une étude belge confirmée par l’Inra, le blanc d’œuf frais possède un pouvoir antimicrobien plus faible que des œufs déjà stockés depuis deux semaines. Par ailleurs, la croissance de Salmonella Enteritidis est favorisée dans le blanc d’œuf entre 10 et 37 °C.

ÉTUDE DES DÉFENSINES : UNE PISTE INTÉRESSANTE

Des travaux ont également cherché à évaluer l’impact d’une stimulation du système immunitaire des poules pondeuses sur le pouvoir antibactérien du blanc d’œuf. Ainsi, après l’injection à une poule d’un composé hautement immunogène (le LPS), les œufs pondus sont collectés et leur blanc inoculé avec différentes bactéries. Les chercheurs ont montré par la suite que Staphylococcus aureus pousse moins bien dans le blanc des œufs pondus par les poules immunostimulées par rapport aux volatiles témoins, tandis que la dynamique de croissance des E. coli n’est, elle, pas modifiée. Des peptides de l’immunité innée (des défensines) sont en outre à l’étude : la galline, par exemple, qui possède un spectre spécifiquement tourné vers E. coli, ou la β-défensine 11 au spectre beaucoup plus large (salmonelles, Listeria, etc.), sont des découvertes relativement récentes.

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