QUAND LES VACHES TRANSITENT EN UN PORT… EXPORT - La Semaine Vétérinaire n° 1564 du 13/12/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1564 du 13/12/2013

Reportage

Auteur(s) : Frédéric Decante

En fait, nous sommes une entreprise de nettoyage. Nous ne faisons que cela et du bien-être animal », déclare, un peu provocateur, Laurent Tremoulet, agronome de formation et directeur de la Société d’exploitation du parc à bestiaux (Sepab). Sur un port de commerce, les métiers sont sectorisés et leur synchronisation (dockers, grutiers, responsables des parcs à bestiaux, vétérinaires) se fait via le transitaire qui assure, en outre, la traçabilité et les démarches administratives.

Mais pour Laurent Tremoulet, seuls la Sepab et les vétérinaires en charge des visites sont des animaliers : « Mon premier souci est le bien-être animal, et pas simplement pour des raisons de normes ou de contraintes administratives. Mon métier est le dernier d’une longue chaîne de compétences qui commence par le choix des animaux à la ferme et qui se termine par leur montée sur la passerelle. C’est là qu’instantanément, les bêtes sortent du territoire français et deviennent la propriété du pays importateur. Le déchargement et l’embarquement des animaux sont donc au bénéfice de tous les opérateurs en amont. C’est pour cela que mon travail doit plaire au client final, c’est-à-dire à l’importateur des pays tiers méditerranéens. Par exemple, pour des raisons de simplification industrielle et de réduction des coûts, je pourrais remplacer la paille par de la sciure. Mais pour le client importateur, le bien-être passe par de la paille. Soit ! Nous paillons deux fois par jour et notre fumier est tellement pauvre en déjections qu’il ne peut même pas être composté en l’état. Quand nous chargeons nos animaux, nous envoyons les lots en respectant l’homogénéité des couleurs des robes, pour que ce soit plus beau dans le bateau ! Mais attention, il n’y a pas que les importateurs qui sont attentifs aux soins prodigués aux animaux, les chauffeurs aussi. Ils ne souhaitent pas que les bêtes ménagées pendant tout le trajet par leur conduite soient chahutées lors du déchargement. »

Des vétérinaires au cœur du dispositif

La Sepab dispose d’un parc à bestiaux de près de 850 bovins de 550 kg dont la particularité est d’être “sous douane”, donc en zone internationale. Sur le bateau, l’animal est en territoire dépendant du port d’affrètement. La garantie du respect de son bien-être passe par le respect des normes européennes (taille des parcs, respect des temps de transit, etc.) et l’inspection sanitaire.

Les vétérinaires de Frontignan sont chargés de cette inspection. Ils sont prévenus du calendrier d’embarquement sur les navires, mais l’activité portuaire est pleine d’imprévus (conditions climatiques en mer, difficultés administratives, etc.) et ces praticiens ont donc pris l’habitude de passer régulièrement dans la journée. « Nous ne nous occupons pas des papiers d’importation des bovins, qui sont gérés en amont, au niveau du vétérinaire sanitaire et de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de départ. Notre mission consiste à assister et à valider le travail de la Sepab en matière de bien-être animal, explique notre confrère Stéphane Deruaz. Nous regardons si tout se passe bien et, surtout, nous contrôlons chaque animal qui doit être en état de supporter le voyage. Comme nous ne sommes pas présents en permanence, au moindre doute ou simple incident, l’animal n’est pas embarqué et nous sommes prévenus immédiatement s’il y a un problème. Nous passons régulièrement, plusieurs fois dans la journée, parfois plus tard, car un port vit nuit et jour et certains embarquements se font tardivement, voire pendant le week-end. Nos recommandations sont bien suivies, car personne n’a intérêt à ce qu’il y ait un problème. Nous sommes écoutés. Il nous arrive rarement des choses étonnantes, comme des vêlages. Tout le monde sur le port s’arrête alors de travailler pour assister à l’événement ! » Il faut dire que Sète est loin d’être une ville d’élevage et Laurent Tremoulet s’oblige à former son personnel pour ce qui concerne le rapport à l’animal : « À Sète, au départ, le seul parc animal que les gens connaissaient ici, c’était le parc à huîtres ! »

Une activité soumise aux aléas sanitaires et politiques

Vers le Liban, l’Algérie, la Turquie (quand le marché est ouvert) partent des bovins de boucherie. Ceux à l’engraissement (Tunisie, Maroc, Algérie, etc.) et les génisses de reproduction sont soumis au contrôle de la trachéite infectieuse bovine (indemnes ou vaccinés contre l’IBR), ce qui suppose que les candidats à l’export soient efficacement séparés, tant à l’embarquement que lors de leur éventuel stockage “sous douane”. Mais les aléas sanitaires internationaux restent les contraintes majeures et imprévisibles de ce métier : « Nous expédions en moyenne 95 000 bovins par an. Lors de la crise de la fièvre catarrhale ovine, l’interdiction de circulation a stoppé net toute notre activité, ce qui a signifié la mise au chômage technique de l’ensemble de notre personnel. Nous allions déposer le bilan quand les mouvements ont repris. Je me souviens précisément de notre chiffre d’affaires de l’année : 358 €… » Le marché est aussi dépendant des contraintes politiques : en 2005, l’Union européenne a mis fin à l’aide communautaire à l’exportation, ce qui a entraîné un arrêt de l’activité. Elle ne reprendra que quatre années plus tard, avec 53 000 bovins exportés en 2009 pour atteindre près de 150 000 en 2012.

Stéphane Deruaz aime cette activité qui offre quelques surprises et des moments singuliers de convivialité : « Il nous arrive parfois de prendre un café avec le commandant d’un bateau. Nous sommes alors d’un coup au Liban, en Algérie, etc. Cela nous change de nos consultations canines. » Quel métier ! Pour le bien-être animal, il faut que les vétérinaires jouent aux marins perdus…

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