La phytothérapie : une pratique traditionnelle en pleine redécouverte - La Semaine Vétérinaire n° 1564 du 13/12/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1564 du 13/12/2013

Dossier

Auteur(s) : Agnès Faessel

Elle fait encore sourire, intrigue ou interpelle. Elle en passionne quelques-uns. La phytothérapie séduit un nombre croissant de vétérinaires. Furtif effet de mode ou tournant durable des pratiques ? Pour se forger une opinion, il convient d’en connaître l’assise. Réponses à dix questions pour la découvrir et, pourquoi pas, se laisser tenter.

Classée dans le fourre-tout des biothérapies, la phytothérapie ne s’approche sans doute de l’ostéopathie, de l’acupuncture ou même de l’homéopathie que par son caractère non conventionnel. Peut-être aussi par le public qu’elle convainc sans peine. Dans le contexte actuel de remise en cause de certaines pratiques jugées excessives, mais plus globalement d’un questionnement de la société sur son évolution et d’un retour au naturel, cette “médecine par les plantes” séduit. En voici les contours1.

QU’EST-CE QUE LA PHYTOTHÉRAPIE ?

La phytothérapie désigne une technique thérapeutique : le traitement des maladies par les plantes. Elle s’invite dans les pharmacies familiales (avec les pommades à l’arnica contre les hématomes, par exemple), mais aussi vétérinaires. Lespédésia® (diurétique) ou Cothivet® (pour la cicatrisation des plaies) ne sont rien d’autres que des médicaments à base de plantes.

Mais il est loin le temps des “remèdes de grands-mères” dont on louait l’efficacité sans chercher à comprendre le mécanisme. La phytothérapie évolue. Des recherches sont menées pour prendre appui sur des connaissances scientifiques solides : la nature chimique des composés de chaque plante et leurs effets cliniques sur l’organisme, au moins chez l’homme. En pratique vétérinaire subsiste toutefois une grande part d’empirisme, d’où l’importance du partage d’expérience.

QUELLE FORMATION ?

Les diplômes interuniversitaires de phytothérapie (DU ou DIU), délivrés par les facultés de pharmacie, sont ouverts aux vétérinaires. Ils sanctionnent une formation courte (une centaine d’heures en général) destinée aux professions médicales et paramédicales : médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, sages-femmes, etc. À ce jour, le cursus d’enseignement vétérinaire n’inclut pas la phytothérapie dans sa formation de base. Mais plusieurs établissements projettent d’intégrer une initiation à cette pratique selon diverses modalités (cours optionnel durant l’année d’approfondissement, par exemple). L’organisme Avetao propose une formation intitulée « pharmacopée vétérinaire alternative », qui aborde en cinq modules de trois jours une série de thérapies non conventionnelles, dont la phytothérapie.

Au sein de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), le Groupe d’étude en biothérapies (GEB) organise des sessions de formation, notamment des réunions de phytothérapie en région.

Le laboratoire Wamine, branche vétérinaire du groupe Pileje, produit et commercialise des extraits de plantes sous une forme standardisée (EPS). Il organise des séminaires, des réunions et des cours de phytothérapie et micronutrition, et intervient dans plusieurs programmes de formation (universitaires et au sein du GEB). Son équipe de dix vétérinaires animateurs renseigne, conseille et forme les praticiens sur le terrain.

Des formations destinées à un plus large public sont également proposées par diverses structures. Le catalogue de l’école lyonnaise de plantes médicinales comprend, par exemple, une formation d’“herbaliste”, accessible aussi aux particuliers, pour « apprendre à reconnaître les plantes médicinales, les cueillir, les préparer et les utiliser en toute sécurité ».

QUEL ESPRIT ?

La phytothérapie repose sur deux grands principes : l’approche globale de la maladie, voire du patient, et l’efficacité combinée des multiples molécules actives contenues dans chaque plante.

En pratique, l’objectif du traitement est de soigner l’animal, sans se focaliser sur les seuls symptômes. Dans le cas d’une affection digestive, par exemple, le traitement vise certes à stopper sa manifestation clinique (diarrhée, vomissements ou autre) et sa cause, mais il favorise aussi les mécanismes de réparation, rééquilibre la flore digestive, etc.

La plante médicinale, elle aussi, est considérée dans son ensemble. Elle se compose de plusieurs centaines de molécules dont les actions se combinent pour apporter le résultat thérapeutique. Ce totum d’effets est une notion primordiale de la phytothérapie. Et c’est en cela qu’elle diffère fondamentalement de l’allopathie.

Les phytothérapeutes aiment à rappeler que l’étude des plantes médicinales est à l’origine de la plupart des principes actifs des médicaments conventionnels. Leurs effets sont intéressants, mais plus ciblés, et souvent associés à des effets indésirables.

QUELS PRODUITS ?

Les produits de phytothérapie sont issus des plantes entières, réduites en poudres (éventuellement micronisées et conditionnées en gélules ou en comprimés) ou dont les principes actifs sont concentrés suivant divers procédés d’extraction (infusion, décoction, macération, etc., utilisant des solvants aqueux ou alcooliques). Le vétérinaire peut travailler à partir de plantes fraîches, séchées, ou effectuer une préparation magistrale à partir de ces extraits.

Il existe plus de 500 plantes médicinales, et des milliers d’associations possibles. Leur maîtrise nécessite donc des années d’expérience ! Mais il est assez simple de débuter, en privilégiant un ou deux domaines thérapeutiques (le digestif ou le respiratoire, par exemple), ou en se limitant à la dizaine de plantes incontournables qui suffisent à traiter nombre de cas.

Beaucoup de fabricants proposent aussi des mélanges prêts à l’emploi. Et une panoplie de produits nutritionnels associent des extraits végétaux à des vitamines et minéraux. Mais le prescripteur perd alors le caractère individualisé du traitement.

La phytothérapie est à distinguer de ses cousines, l’aromathérapie et la gemmothérapie. Celles-ci utilisent également des préparations végétales : huiles essentielles extraites de plantes distillées pour la première, macérâts de bourgeons pour la seconde. Leur prescription requiert des connaissances spécifiques, car leurs effets sont puissants.

QUELS VÉTÉRINAIRES ?

L’Annuaire Roy recense 116 praticiens qui déclarent recevoir des cas référés en phytothérapie ou qui mentionnent une formation complémentaire dans ce domaine. Ce sont en majorité des femmes (57,1 %, versus 44 % dans la population de référence), essentiellement en activité canine (78, versus 28 ruraux ou mixtes et 6 équins). Leur moyenne d’âge est de plus de 48 ans (voir graphique).

Mais ces chiffres pourraient sous-estimer l’effectif vétérinaire qui pratique la phytothérapie. Le laboratoire Wamine dénombre environ 500 clients réguliers, dont 150 grands utilisateurs.

Dans leur grande majorité, ces praticiens considèrent la phytothérapie comme un outil thérapeutique complémentaire, et non une médecine “parallèle” ou même alternative. Ils continuent de prescrire des médicaments conventionnels, y compris les antibiotiques et les corticoïdes, mais moins souvent, moins longtemps, et en association avec les plantes.

QUELS CLIENTS ?

La demande est là. Elle est évidente lorsque le propriétaire ou l’éleveur s’adresse expressément à un vétérinaire phytothérapeute, par conviction, par économie, ou pour des raisons pratiques (vis-à-vis des temps d’attente ou du délai dopage). En clientèle classique, les confrères sont les premiers étonnés de l’accueil généralement favorable qui est réservé à leur approche. Pratiquer la phytothérapie, même modestement, générerait plutôt une bonne image et renforcerait la confiance envers la prescription (« Puisque mon vétérinaire prescrit (aussi) des plantes, c’est qu’il ne prescrit des antibiotiques que lorsque c’est indispensable… »).

QUELS ANIMAUX ?

Tous ! Des productions animales (volailles comprises) aux nouveaux animaux de compagnie. La phytothérapie est particulièrement intéressante chez les NAC, pour lesquels l’arsenal thérapeutique conventionnel est limité. Avec des traitements essentiellement oraux, les herbivores sont faciles à traiter. Le chat l’est beaucoup moins. Carnivore strict, il accepte mal ces sirops de plantes ! Son odorat est fin et les propriétaires doivent redoubler d’astuces pour parvenir à lui administrer, surtout sur le long terme.

QUELLES MALADIES ?

Toutes… avec humilité. La palette d’effets cliniques des molécules végétales permet d’envisager un traitement de phytothérapie dans tous les domaines pathologiques, mais sans vouloir tout guérir ni renier les autres techniques thérapeutiques, chirurgicales ou médicales.

En pratique, la phytothérapie s’apprécie d’abord sur les maladies métaboliques et chroniques (locomotrices, dermatologiques, tumorales, etc.). Mais les phytothérapeutes aguerris n’hésitent pas à y recourir lors d’affections aiguës, de maladies infectieuses, comportementales ou encore gériatriques. Elle est aussi largement utilisée en soutien de l’immunité et des organes émonctoires (rein, foie) dont le fonctionnement est altéré par la maladie, ainsi qu’en prévention des effets indésirables des médicaments conventionnels.

QUELS RÉSULTATS ?

Beaucoup de succès, et des échecs. Chaque plante présente une constance d’effets, mais les possibilités de formulation sont infinies et les compétences du phytothérapeute progressent avec l’expérience pratique.

Si les confrères s’enthousiasment des résultats qu’ils obtiennent, et dans des domaines toujours plus variés, ils préviennent aussi qu’il n’y a pas de miracle. La phytothérapie ne doit pas être considérée comme une solution de dernier recours, lorsque tout a échoué. Au contraire, c’est un outil de première intention, à envisager d’abord seul ou associé aux traitements conventionnels.

Son coût apparaît souvent avantageux, mais varie selon le type de produit utilisé et le format de l’animal à traiter.

QUEL DEVENIR ?

L’engouement actuel pour le “bio” et le constat d’efficacité de leur pratique laissent présager aux vétérinaires phytothérapeutes un avenir plutôt radieux. Quelques difficultés pourraient toutefois l’assombrir, au premier rang desquelles l’approvisionnement en produits de qualité. Les fabricants se multiplient, mais les conditions de culture et de récolte des plantes, comme les technologies d’extraction, imposent un savoir-faire et une éthique que tous ne possèdent pas. En outre, la phytothérapie n’est pas réservée aux professions médicales et le risque de voir des spécialistes autoproclamés s’en saisir n’est pas anodin. Nos confrères rêvent donc de voir la profession se l’approprier : ils invitent chacun à s’y frotter, même à dose homéopathique !

  • 1 Sincères remerciements aux confrères phytothérapeutes qui ont contribué à ce dossier en livrant leur expérience.

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