« Le vétérinaire pompier institutionnalisé en France est un modèle qui s’exporte »

Quelle menace représente le bioterrorisme aujourd’hui dans un pays comme la France ?

La terreur associée au bioterrorisme, c’est-à-dire le risque biologique intentionnel avec finalité de nuire, repose surtout sur l’effet d’annonce : l’alerte est donnée à la suite de la revendication de l’acte, avant son résultat. L’objectif poursuivi n’est pas nécessairement de générer une atteinte de large ampleur en termes de victimes ou de périmètre, mais plutôt de déclencher une réaction de panique, souvent démesurée par rapport au danger. Par opposition à ce terrorisme dit ouvert, notre crainte vis-à-vis d’un acte couvert (que ses conséquences feraient découvrir) est finalement plus élevée.

Le risque ne se limite pas au domaine microbiologique (un agent pathogène qui se dissémine dans une population humaine ou animale, ou via la chaîne alimentaire) : lâcher des vipères cornues dans un cinéma ou un train serait aussi un acte de bioterrorisme ! La menace est réelle et il est légitime de l’anticiper.

Quels sont les moyens en place pour contrôler le risque ?

Avant tout, la surveillance : nous bénéficions en France d’un service de renseignements efficace, appuyé sur des hommes de terrain. Ensuite, la formation : les services idoines pour la réaction de premier niveau (police, Samu, pompiers, etc.) sont formés et entraînés. Le risque biologique, invisible et aux conséquences souvent différées, est déstabilisant pour les non-initiés. Il est de notre ressort de les y sensibiliser. Nous disposons enfin d’une expertise humaine et de moyens matériels spécifiques, par exemple un véhicule équipé des technologies les plus avancées pour l’analyse de prélèvements biologiques (notamment génétiques grâce à une PCR embarquée). Les procédures à suivre en cas d’alerte sont connues et répétées. Elles consistent à protéger le personnel d’intervention, à évacuer les personnes touchées vers un site de quarantaine où elles seront prises en charge après une première décontamination sur le site (soins, traitement prophylactique le cas échéant), à effectuer des prélèvements transmis ensuite pour analyse, à confiner la zone, etc.

Quelle est la place du vétérinaire dans cette mission ?

La biologie et ses aléas, mais aussi la médecine des populations, sont des terrains d’expertise de la profession. Les vétérinaires interviennent donc au niveau du cercle décisionnaire, pour l’élaboration de la stratégie et des doctrines d’intervention. Ils sont intransigeants sur le respect de notions comme le confinement ou la quarantaine, par exemple, car ils en connaissent l’importance. Nous avons aussi toute notre place dans le domaine opérationnel, car nos compétences biologiques, notre réactivité et notre adaptabilité (des qualités culturelles dans notre métier) nous permettent d’être immédiatement réactifs. Les étapes ultérieures de communication et de gestion de crise pourront prendre le temps de la réflexion.

Notre participation à l’entraînement des équipes ne fait que croître et s’améliorer. Nous avons développé un cursus de formation à trois niveaux, et les exercices en conditions réelles sont fréquents. Le vétérinaire pompier, une spécificité française, est une grande fierté. Et il s’exporte ! Preuve en est sa présentation toute récente aux décideurs américains du domaine de la sécurité civile, dans le cadre de la prestigieuse université de Californie à Davis.