Applications de la micronutrition lors d’affection digestive

En préambule, Patrick Conesa a rappelé des notions de physiologie intestinale. Les carnivores domestiques présentent un microbiote intestinal composé de 10¹⁴ bactéries, principalement situées dans le côlon. Ce microbiote est en relation symbiotique avec les entérocytes, via les toll-like récepteurs. Leur interaction constante déclenche la synthèse de médiateurs de l’immunité par les cellules intestinales, limitant la prolifération des bactéries pathogènes.

Les bactéries commensales sont aussi capables de réprimer ou d’induire l’expression de gènes de l’hôte qui participent à d’importantes fonctions physiologiques comme le renouvellement de l’épithélium. Ainsi, il a été observé que des cellules intestinales de souris sans microbiote ont une capacité de prolifération faible par rapport à des souris présentant une flore intestinale. Lorsque la flore bactérienne est en équilibre, le microbiote est en eubiose. Lors d’altération de l’équilibre de cette flore, l’état est alors qualifié de dysbiose.

Deux mécanismes complémentaires permettent de soutenir cette flore.

Le premier donne du “carburant” spécifique aux bactéries bénéfiques, notamment avec des fibres fermentescibles : c’est l’action prébiotique.

Le second apporte directement des souches bactériennes bénéfiques pour différents secteurs de l’intestin en utilisant des formes le plus gastrorésistantes possible : c’est l’action probiotique.

RÔLE IMMUNITAIRE DE L’INTESTIN

La santé digestive n’est pas uniquement gérée par l’équilibre du microbiote. Elle est aussi modulée par la fonctionnalité des entérocytes. L’intestin possède un rôle de défense grâce aux nombreuses cellules immunitaires présentes dans la lamina propria, les espaces intercellulaires et les plaques de Peyer. L’intestin joue un rôle de barrière grâce à sa capacité à réguler le passage des macromolécules entre l’environnement et l’hôte. En coopération avec le tissu lymphoïde associé à l’intestin (Galt), la barrière intestinale, avec ses jonctions serrées intercellulaires, contrôle l’équilibre entre la tolérance et la réaction immunitaire face à un antigène. Quand le réglage délicat du passage des macromolécules est déficient, des désordres immunitaires peuvent apparaître dans l’intestin ou ailleurs dans le corps. Mais les jonctions serrées ne forment pas une barrière complètement imperméable, car cela empêcherait l’absorption paracellulaire de nutriments essentiels et d’ions. Ces jonctions sont poreuses et permettent à des molécules d’être transportées en fonction de leur taille et de leur charge. D’abondantes données sont disponibles pour démontrer que les propriétés de barrière des jonctions serrées peuvent être modulées en réponse à des stimuli physiologiques, pharmacologiques et pathologiques. Toute inflammation est susceptible de modifier la structure et la fonction des jonctions serrées intestinales, contribuant non seulement au développement d’affections intestinales chroniques, mais aussi d’affections systémiques.

APPLICATIONS PRATIQUES

Lors d’un dysfonctionnement de l’intestin, des manifestations cliniques apparaissent, qui vont de l’inconfort digestif aux troubles fonctionnels (diarrhée, constipation ou alternance des deux) et peuvent évoluer jusqu’à une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (Mici). L’inflammation intestinale peut provenir d’une alimentation inappropriée, de problèmes vasculaires ou de causes médicamenteuses. Elle entraîne des modifications structurelles de la paroi intestinale et des changements du microbiote. Il faut partir du principe que tout traitement long (soit au-delà de la durée prévue dans l’AMM, soit sous l’influence de sensibilités individuelles) peut avoir un effet sur la perméabilité intestinale.

La micronutrition permet d’apporter des réponses à ce problème de perméabilité intestinale. La modification de la flore bactérienne peut être corrigée par des actions prébiotiques et probiotiques avec l’apport de fibres fermentescibles comme les fructo-oligo-saccharides (FOS) et de souches bactériennes sélectionnées selon leurs différentes propriétés. L’utilisation de la glutamine, une source énergétique pour les entérocytes et le système immunitaire associé à l’intestin, paraît intéressante pour fournir de l’énergie. La réponse inflammatoire engendrée par l’hyperperméabilité peut être contrée par l’utilisation d’acides gras de la série oméga 3 ou par l’utilisation de curcuma dont le principal composant, la curcumine, possède de puissantes propriétés anti-inflammatoires dose dépendantes. L’emploi du zinc peut aussi être intéressant, car ce minéral possède un rôle de stimulation du système immunitaire, avec notamment une capacité à activer les lymphocytes T, et il influe sur la cicatrisation.