Les libéraux révoltés contre la mainmise de l’État - La Semaine Vétérinaire n° 1553 du 27/09/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1553 du 27/09/2013

Réforme des retraites

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Auteur(s) : Serge Trouillet

Les professionnels libéraux s’insurgent contre le projet d’étatisation de la gestion de leurs retraites et l’éventuel détournement de leurs réserves.

Le projet de loi sur la réforme des retraites, présenté en conseil des ministres le 18 septembre dernier, n’a pas vu la suppression de son article 32. Il concerne la gouvernance et le pilotage de certaines caisses, comme celles des libéraux, traditionnellement très autonomes. « Il annonce ni plus ni moins l’étatisation de notre système de retraites, proteste Michel Chassang, président de l’Union nationale des professions libérales (UNAPL). C’est une mise au pas de nos régimes en trois mesures : d’abord la désignation, pour le régime de base, du directeur de la caisse nationale par voie d’arrêté ministériel, avec l’obligation pour cette caisse de signer une convention d’objectifs et de gestion pour quatre ans avec l’État ; ensuite l’obligation d’une convention d’objectifs et de gestion entre chacun des régimes complémentaires et le régime de base de la caisse nationale ; enfin, la réforme des statuts de ces régimes complémentaires via un décret gouvernemental. »

Les libéraux sous la coupe de l’État

Les dix présidents des caisses de retraites des professions libérales, qui bénéficient d’une organisation décentralisée, ont aussitôt réagi. « Nous avons rédigé ensemble une pétition que nous avons communiquée à tous les libéraux dont nous possédions l’adresse électronique. Nous leur demandons, par voie de courriel auprès du Premier ministre et de leur député, de se mobiliser contre cette étatisation, un prélude au pillage de nos réserves qui sont les garanties de nos futures retraites », explique François Courouble, président de la Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV).

Michel Chassang, qui ne décolère pas de la mise à l’écart de l’UNAPL par le gouvernement1 lors de la consultation sur la réforme des retraites, s’interroge sur l’intérêt qu’a l’État à prôner une nouvelle gestion des caisses : « S’agit-il de nous mettre sous tutelle ? Mais qu’avons-nous bien pu faire pour mériter un tel sort ! Lorgne-t-on sur nos réserves, une quinzaine de milliards d’euros, hors les cinq milliards de capitalisation des pharmaciens ? L’État veut-il faire disparaître à terme nos régimes spécifiques, qui obéissent aux caractéristiques propres à chacune de nos professions ? Nous avons l’impression de servir de variable d’ajustement des accords nationaux et interprofessionnels passés entre l’État et les grandes centrales patronales et syndicales. »

Une perte d’indépendance dénoncée

Pour le président de l’UNAPL, l’accord national interprofessionnel (ANI), qui a donné lieu à la loi de flexisécurité dans les entreprises, en est une preuve : « On a échangé de la flexibilité, à la disposition des grandes entreprises, contre des contraintes nouvelles dans les très petites (complémentaire santé, temps partiel, taxation des contrats courts). Nous représentons 25 % des entreprises françaises, nous n’avons pas à être traités ainsi », s’insurge-t-il.

En attendant le débat parlementaire – le projet sera déposé à l’Assemblée nationale le 7 octobre –, François Courouble appelle ses confrères à tout faire pour « convaincre les parlementaires de la majorité du bien-fondé de nos demandes. Perdre ce combat, c’est perdre notre indépendance ». Un appel suivi par Michel Chassang : « Un grand danger plane sur nos têtes. Cette affaire hautement symbolique signifie que l’État n’hésite pas à nous lancer des agressions caractérisées. Nous devons déjouer ce plan. »

Des niveaux de pensions hétérogènes

Qu’en dit la Cour des comptes ? Dans le cadre de sa mission constitutionnelle d’assistance au Parlement et au gouvernement, la juridiction indépendante vient de rendre un rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale. Elle recommande à certains régimes de retraites de fournir des efforts supplémentaires. Les professions libérales ne connaissent pas encore, pour la plupart, de difficultés d’ordre démographique. Leurs régimes reposent sur 800 000 cotisants, pour un peu plus de 200 000 pensionnés (à la mi-2011), soit environ 2 % des actifs cotisants et 1 % des retraités au niveau national. Et les sections sont de taille inégale. Parmi les affiliés à la CARPV, un total de 9935 cotisants et de 3 135 allocataires est recensé en 2012 (versus 123 777 cotisants médecins pour 42 286 allocataires).

Le ratio démographique moyen (un allocataire pour 3,3 cotisants en 2011) devrait cependant passer de 3 à 2 d’ici à 2020, puis à 1 à l’horizon 2030. Et les pensions servies s’élèvent à 4 milliards, dont 1 milliard par le régime de base, 2,2 milliards par les régimes complémentaires et 800 millions pour les régimes surcomplémentaires, dont bénéficient certaines professions médicales et paramédicales.

Des réserves et de nouveaux efforts

Toujours selon la Cour des comptes, les 20 milliards de réserves des sections professionnelles relevaient pour moitié, en 2011, de trois d’entre elles : celles des pharmaciens (5,8 milliards dont 5 au titre de la capitalisation), des médecins (4,2 milliards), des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (2 milliards). Les autres régimes complémentaires ne disposaient chacun que de moins de 10 % du total (300 millions pour les vétérinaires). L’effort contributif des professions libérales est proportionnellement inférieur à la moyenne de la population salariée, mais le montant moyen de leurs pensions est plus élevé, soit 1 900 € par mois (1 800 € pour les vétérinaires) au lieu de 1 200 €. Cela est dû à des revenus d’activité généralement plus importants. Cependant, des différences significatives de niveaux de retraites existent entre les professions libérales, dont l’âge moyen de départ effectif est de 64 ans (65 ans pour bénéficier du taux plein).

La pérennité des régimes en question

La Cour des comptes considère que « le caractère inachevé de la réforme du régime de base (qui en a fait, en 2003, le premier régime de base par points) et les stratégies autonomes des régimes complémentaires de constitution de réserves ne mettent pas les professions libérales en mesure d’affronter les enjeux démographiques des prochaines décennies ». Pour le régime de base, le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit un déficit de l’ordre de 200 millions par an sur la période 2020 à 2040. Pour les régimes complémentaires, il faudrait que les réserves soient intégrées pour que le déficit consolidé des régimes n’apparaisse qu’en 2025 (au lieu de 2019 dans le cas contraire) et que son montant cumulé ne se limite qu’à 3,9 milliards sur la période 2020 à 2040 (au lieu de 9,8 milliards). La mobilisation partielle des réserves, à hauteur de 6 milliards, permettrait alors d’assurer la pérennité des régimes au-delà de cet horizon (elles se reconstituent en fin de période).

Une organisation plus unifiée ?

Le rapport conclut que « la poursuite d’efforts séparés semble n’avoir que des perspectives limitées… L’absence de vision partagée et la faiblesse institutionnelle de l’organisation de leur système de retraites empêchent les professions libérales d’analyser conjointement les besoins des différents régimes, en vue d’une répartition optimale et équitable des efforts ». Et d’en appeler à la responsabilité de l’État pour évoluer vers « une organisation davantage unifiée. À défaut, le risque serait de devoir solliciter la solidarité nationale pour suppléer, à moyen terme, l’absence de solidarité interprofessionnelle, afin de permettre le règlement des retraites de certains professionnels libéraux ». Or ces derniers en appellent à s’élever contre l’article 32 qui pourrait ne pas répondre à leurs spécificités et toucher à leurs réserves.

  • 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1550 du 6/9/2013 en page 19.

L’article 32 qui dérange

Le projet de loi sur les retraites, dans son chapitre iii article 32, prévoit d’améliorer la gouvernance et le pilotage des caisses de retraite. La Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) – qui assure la gestion du régime de base des professionnels libéraux et la gestion des réserves du régime – serait ainsi dirigée par un directeur nommé par décret, pour une durée de six ans. Dans ce cadre, un contrat pluriannuel (quatre ans au minimum) devra être signé entre l’État et la caisse nationale, avec des engagements réciproques. Les objectifs de gestion, les actions à mettre en œuvre et les moyens de fonctionnement y seront déterminés, dans l’objectif d’aboutir à une organisation centralisée.

Jusqu’à présent, les dix sections professionnelles (médecins, vétérinaires, chirurgiens-dentistes, architectes, experts-comptables, pharmaciens, etc.) gèrent de façon autonome les retraites des libéraux, incluant le régime de base (CNAVPL) et les régimes complémentaires spécifiques à chaque profession.

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