Pronostic des tumeurs mammaires de la chatte : actualités

SOUS-TYPAGES MOLÉCULAIRES CHEZ LA FEMME

En cancérologie humaine, le développement de nouvelles techniques thérapeutiques nécessite une compréhension plus précise des processus biologiques impliqués dans la transformation et dans la progression tumorale, aux échelles tissulaire, cellulaire et moléculaire (voies de signalisation hormonale, activation de voie de signalisation oncogénique spécifique, etc.).

Chez la femme, les cancers du sein sont classés par sous-types moléculaires, ce qui permet d’affiner leur pronostic et d’améliorer le traitement. Les sous-types sont identifiés en routine dans les laboratoires d’histopathologie humaine, via l’immunohistochimie, à l’aide d’un panel de marqueurs : ER (estrogen receptor), PR (progesteron receptor), HER2 (récepteur à un facteur de croissance dont la surexpression est oncogénique), CK5/6 (cytokératines 5 et 6), EGFR (epithelial growth factor receptor), index de prolifération Ki67.

Chez la chienne, quelques études montrent que les mêmes marqueurs sont exprimés dans les adénocarcinomes mammaires.

TRANSPOSITION CHEZ LA CHATTE

Objectifs de l’étude

L’unité de recherche AMaROC d’Oniris (cancers animaux, modèles pour la recherche en oncologie comparée), adossée au laboratoire d’histologie animale, souhaite évaluer l’ensemble des facteurs épidémiologiques, cliniques et pathologiques susceptibles d’influencer le pronostic lors d’adénocarcinomes mammaires chez la chatte. Ce travail inclut la recherche de nouveaux marqueurs d’intérêt prédictif, en étudiant l’expression du marqueur p63 qui permet de distinguer les tumeurs in situ (non infiltrantes) et les cancers infiltrants. Les autres marqueurs immunohistochimiques correspondent aux récepteurs hormonaux ER et PR, au récepteur HER2, aux marqueurs CK5/6 et EGFR et à l’index Ki67.

Critères d’inclusion

290 carcinomes mammaires infiltrants de chatte ont été sélectionnés à partir de la base de données du laboratoire d’histologie animale d’Oniris. Tous ont été diagnostiqués entre 2004 et 2009, traités chirurgicalement, chez des animaux sans autre tumeur et qui n’ont pas subi de chimiothérapie postchirurgicale.

Pour chaque tumeur, une relecture histologique en double aveugle est réalisée conjointement par un médecin et deux vétérinaires pathologistes. La nature cancéreuse in situ ou infiltrante de la tumeur, la taille, le type histologique et les facteurs histo-pronostiques classiques sont déterminés. Le panel de marqueurs permettant le sous-typage des cancers du sein chez la femme est appliqué sur ceux de la chatte. Pour chaque animal, plusieurs informations sont recueillies : la date de naissance, la race, la stérilisation éventuelle, l’âge à la stérilisation, l’âge au diagnostic, la localisation tumorale, le bilan d’extension, le type de chirurgie, l’atteinte ganglionnaire, les récidives, la durée de survie, la cause de la mort.

Résultats

Concernant l’épidémiologie de ces cancers, l’étude confirme les caractéristiques connues : ils atteignent préférentiellement les chattes âgées (10 à 11 ans) et non stérilisées.

Les résultats suivants ont été obtenus dans la discrimination des cancers grâce à l’utilisation du marqueur p63 :

> âge moyen des animaux atteints : 10 ans (tumeur in situ) et 11 ans (tumeur infiltrante) ;

> taille moyenne de la tumeur : 13 mm (tumeur in situ) et 19 mm (tumeur infiltrante) ;

> taux de récidives : deux fois plus important dans le cas d’une tumeur infiltrante ;

> survie globale à un an : 60 % des animaux (tumeur in situ) et 20 % (tumeur infiltrante). En outre, lors de tumeur infiltrante, toutes les chattes meurent de leur cancer, même après un traitement chirurgical.

Au final, les facteurs d’intérêt pronostique suivants ont été confirmés :

> taille tumorale ;

> présence de métastases ganglionnaires ou à distance. Celles-ci sont néanmoins difficiles à mettre en évidence lors du diagnostic, car il est parfois délicat d’isoler les ganglions sentinelles ;

> existence d’une récidive ;

> présence d’emboles lymphatiques à l’examen microscopique ;

> infiltration cutanée ;

> grade histologique.

Intérêt des marqueurs moléculaires

Le panel de sous-typage moléculaire réalisé en médecine humaine est applicable aux adénocarcinomes mammaires félins infiltrants. L’expression du récepteur à la progestérone (RP) influence significativement le pronostic postchirurgical. En outre, le récepteur à l’œstrogène (ER) semble être exprimé dans un quart des carcinomes mammaires infiltrants. Une ovariectomie post­exérèse restreinte à cette sous-population donnerait de meilleurs taux de survie, alors qu’elle est sans effet sur la population globale. La détection de ce marqueur pourrait donc être prédictive de la réponse à une thérapie hormono-suppresive.

Ces résultats sont en cours de confirmation sur une cohorte plus importante de chattes et sous la forme d’une étude prospective.