Deux prescripteurs, un même objectif

Le plan écoantibio 2017 mis en place par le ministère de l’Agriculture vise à diminuer la consommation d’antibiotiques vétérinaires de 25 % d’ici à 2017. Dans un contexte où la lutte contre l’antibiorésistance est un enjeu essentiel et d’actualité, une réunion a été organisée entre des vétérinaires et des médecins, à l’initiative du Groupement technique vétérinaire (GTV) de Bourgogne. Comme le souligne son président, Bertrand Guin, « chacun cherche un bouc émissaire, alors qu’un travail commun s’impose. Sans nous voiler la face, nous devons, en tant que prescripteurs, améliorer ou corriger nos pratiques et être prêts à assumer nos responsabilités… mais seulement les nôtres ».

Des gènes de résistance communs

Il est notamment reproché aux filières de production et aux vétérinaires de consommer trop d’antibiotiques, avec un usage peu raisonné, et d’être responsables de l’antibiorésistance des bactéries rencontrées chez l’homme. Notre confrère Jean-Yves Madec (Anses Lyon) rappelle qu’en 2005, les promoteurs de croissance ont été supprimés parce que certains antibiotiques étaient analo­gues à ceux utilisés en dernier recours pour soigner les af­fections graves en médecine humaine. La mise en évidence d’une exposition alimentaire puis professionnelle de l’homme à certaines bactéries zoonotiques multirésistantes, entre 2006 et 2011, a alerté l’opinion sur ce risque. Récent, ce versant animal de l’antibiorésistance a beaucoup évolué et il s’est diversifié. Actuellement, les publications qui concernent la présence chez l’homme et l’animal de bactéries possédant des gènes de résistance aux antibiotiques communs se multiplient, en raison de leur forte proximité et du partage du même environnement.

E. coli et K. pneumoniae multirésistantes

Le médecin Vincent Cattoir (centre hospitalier de Caen) constate aussi la hausse inquiétante des bactéries multirésistantes dans le monde, notamment d’Escherichia coli, une espèce commune à l’homme et à l’animal. De plus, le taux de souches de Klebsiella pneumoniae résistantes aux carbapénèmes (antibiotiques critiques utilisés chez l’homme en dernier recours thérapeutique) a augmenté de 36 à 68,2 % en Grèce et de 0 à 26,7 % en Italie, entre 2009 et 2011. Ces antibiotiques ne sont jamais utilisés chez l’animal. Pourtant, en mai 2012, des bactéries avec carbapénèmases sont découvertes dans la viande de volailles et, en juin 2013, chez un chien. La forte proximité entre l’homme et l’animal explique cette transmission.

Les plasmides aussi ?

Les antibiotiques n’induisent pas de mutation, mais ils ont tous comme effet indésirable de sélectionner les bactéries qui possèdent la mutation responsable de la résistance. De plus, la proximité des gènes de résistance sur les chromosomes explique pourquoi certaines souches, résistantes à un antibiotique, le sont également à d’autres. Le choix de la molécule à prescrire doit être raisonné selon ces critères.

En outre, certains plasmides porteurs de gènes de résistance ont été retrouvés chez des animaux d’espèces variées ou dans des pays différents, ce qui pose la question d’une résistance des plasmides eux-mêmes, et des risques liés aux voyages à l’étranger.

Un rôle pour chacun

Le plan écoantibio 2017 a notamment pour objectif de sauvegarder nos molécules, dont l’intérêt est commun pour l’homme et l’animal, comme lors des autres plans successifs (2001, 2007 et 2011). D’après les données du Réseau de surveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Résapath¹), supprimer l’usage d’un antibiotique pendant peu de temps a pour effet rapide une chute de la résistance. « Les résultats stagnent chez l’homme, mais dans le domaine vétérinaire, nous n’en sommes qu’au début. L’objectif est réalisable, car la sectorisation des compétences permettra de cibler les pratiques à risque dans chaque filière », espère Bertrand Guin. En effet, les carnivores domestiques seraient, en rapport avec leur masse, davantage exposés aux antibiotiques que les ruminants et les chevaux : tous les praticiens ont ainsi un rôle à jouer. En outre, l’hygiène pourrait être une voie à explorer dans le monde animal pour limiter la diffusion des germes. « C’est par notre implication individuelle et collective, avec le législateur, l’administration, les médecins, les laboratoires, les organisations professionnelles agricoles et les éleveurs, que ce défi pourra être relevé. L’usage des antibiotiques doit suivre la règle des 3M : moins mais mieux. »

Sur le site web de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires², des fiches pratiques de bonne utilisation des médicaments et d’alternatives aux antibiotiques sont proposées (par exemple pour les gastro-entérites néonatales bovines), ainsi que des référentiels de traitement (comme celui des mammites bovines). Des formations d’éleveurs sont également organisées afin de les sensibiliser au sujet.

• 1 www.resapath.anses.fr

• 2 www.sngtv.org