Mastocytome cutané canin : le consensus du Groupe d’étude en oncologie - La Semaine Vétérinaire n° 1549 du 30/08/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1549 du 30/08/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : DIDIER LANORE*, JÉRÔME ABADIE**, STÉPHANE BUREAU***, HÉLÈNE VANDENBERGHE****

Fonctions :
*Pour le comité de travail du GEO de l’Afvac sur le mastocytome1. Article tiré d’une conférence présentée au congrès mondial d’oncologie vétérinaire, en mars 2012 à Paris
**Pour le comité de travail du GEO de l’Afvac sur le mastocytome1. Article tiré d’une conférence présentée au congrès mondial d’oncologie vétérinaire, en mars 2012 à Paris
***Pour le comité de travail du GEO de l’Afvac sur le mastocytome1. Article tiré d’une conférence présentée au congrès mondial d’oncologie vétérinaire, en mars 2012 à Paris

Plusieurs experts ont répondu à une invitation du Groupe d’étude en oncologie (GEO) de l’Afvac, lors de la journée française du congrès mondial d’oncologie vétérinaire. Ils ont présenté le fruit d’une réflexion commune autour du mastocytome canin. Ce travail1 a permis de repréciser l’état actuel des connaissances sur cette tumeur fréquemment suspectée lors de la découverte d’une masse cutanée chez un chien.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Le mastocytome est identifié chez des chiens adultes matures, dont l’âge moyen est de huit ans. Certaines races (boxer, labrador ou golden retriever, carlin, mastiff et terriers), ou plus généralement celles de grande taille ou géantes, y sont prédisposées. Si la plupart des études n’ont pas établi de lien entre le sexe et la survenue de ces tumeurs, un travail récent sur les mastocytomes de grades II et III montre un facteur de risque accru chez les femelles stérilisées. L’implication du mode de vie, d’antécédents médicaux ou de comorbidité n’est pas prouvée.

ASPECTS CLINIQUES

La tumeur est préférentiellement localisée au niveau du tronc (40 à 60 % des cas), aux extrémités (20 à 40 %), à la tête et au cou (10 %). D’autres localisations, comme la zone périnéale, le scrotum, le dos et la queue, peuvent aussi être atteintes, avec une fréquence moindre.

Le mastocytome est difficilement différenciable macroscopiquement des autres tumeurs cutanées. Un lien peut cependant être établi entre le grade et l’aspect : les tumeurs bien différenciées se présentent sous la forme de nodules uniques, caoutchouteux, de 1 à 4 cm de diamètre, éventuellement alopéciques mais rarement ulcérés, tandis que les indifférenciées tendent à se développer plus rapidement, à s’ulcérer, à induire un prurit et à être accompagnées de nodules satellites. La tumeur, habituellement non pigmentée, est parfois hyperpigmentée ou érythémateuse. La forme viscérale est couramment précédée d’une forme cutanée indifférenciée.

Le choc anaphylactique est un syndrome paranéoplasique rarement identifié en pratique. Des ulcères gastro-duodénaux sont rapportés dans des études nécropsiques. Leur fréquence est difficile à évaluer, mais leurs conséquences, non négligeables, nécessitent de les prévenir ou de les traiter.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

→ Le bilan d’extension du mastocytome peut comprendre :

– un examen tomodensitométrique pour apprécier l’étendue de la tumeur avant d’envisager une intervention chirurgicale ;

– une ponction des nœuds lymphatiques de drainage, réalisée systématiquement, même en l’absence d’hypertrophie ;

– une échographie abdominale (avant l’acte chirurgical en cas de métastase ganglionnaire confirmée, après si l’histologie prouve l’existence d’une tumeur de haut grade) associé à des ponctions échoguidées systématiques de la rate et du foie ;

– un myélogramme, en cas de métastase ganglionnaire ou abdominale, de récidive, de nouvelle lésion ou de tumeur évolutive ;

– des radiographies du thorax, si la tumeur est située sur la zone de drainage du nœud lymphatique sus-sternal ou, plus rarement, en cas de signe respiratoire.

→ La cytologie est utilisée en phase préopératoire pour établir le diagnostic. Elle permet aussi, plus que l’histologie, de détecter les granulations mastocytaires cellulaires. En outre, elle est utile dans l’établissement du bilan d’extension (cytoponction des nœuds lymphatiques, du foie et de la rate).

→ L’histologie permet l’analyse des critères de malignité et l’appréciation des marges d’exérèse. Kiupel et coll. ont récemment défini un système de grading reproductible, qui distingue les tumeurs de bas grade (survie de 100 %) et de haut grade. Il s’affranchit ainsi du grade II intermédiaire précédemment défini par Patnaik et coll., qui était associé à des pronostics variables. La classification décrite par Kiupel repose sur l’analyse conjointe de l’index mitotique, de la caryomégalie et des noyaux atypiques (qui ne sont pas ronds). Néanmoins, cette nouvelle classification nécessite d’être validée par de plus larges études.

→ La détermination de l’indice de prolifération Ki67 en immunohistochimie est une donnée objective, fiable, à valeur pronostique.

→ En biologie moléculaire, une mutation du gène c-kit est fréquemment associée à un taux supérieur de métastases, de récidives, et à une survie plus courte.

L’utilisation croisée des différents outils disponibles, au cas par cas, reste la clé pour définir un pronostic.

TRAITEMENT

Chirurgie

La chirurgie est la pierre angulaire du traitement. Son objectif est une résection complète de la tumeur. Les marges de résection conseillées dépendent du grade, dont la connaissance préalable pourrait donc être intéressante, notamment lorsque la tumeur est localisée dans une région anatomique délicate.

Pour un grade I, les marges à 1 cm sont saines dans l’intégralité des cas. Pour un grade II, elles le sont dans 91 à 100 % des cas. Pour un grade III, les marges de résection ne sont pas encore bien définies, mais doivent être supérieures. Des marges à 3 cm sont souvent contaminées (35 % des cas) et le taux de récidives est élevé (62,8 % des cas). Un traitement adjuvant (reprise chirurgicale ou radiothérapie) est indiqué lorsque les marges ne sont pas saines ou face à un mastocytome multicentrique.

Radiothérapie

La radiothérapie externe est pertinente en raison de la radiosensibilité du mastocytome. Elle peut être utilisée avec une visée palliative ou curative. Une radiothérapie adjuvante (en complément de la chirurgie) est indiquée dans les cas suivants : “assainissement” des marges lors d’exérèse incomplète, traitement de métastases aux ganglions régionaux, mastocytomes de grade II ou à haut risque (grade III, métastases ganglionnaires, localisations défavorables). Une radiothérapie néo-adjuvante est préconisée pour réduire les dimensions d’une tumeur avant l’intervention chirurgicale. Elle est utilisée seule lorsque la localisation de la tumeur compromet l’opération ou lorsque la chirurgie apparaît trop délabrante.

Médical

→ La chimiothérapie est adaptée dans trois cas de figure :

– en traitement palliatif, lors de tumeurs non opérables (inaccessibles ou métastasées). La vinblastine peut être associée à la prednisone (rémissions de 77 à 154 jours). Une polychimiothérapie, associant la vinblastine et la lomustine (voire le cyclophosphamide et la vinblastine), peut être préférée, sans que sa supériorité soit démontrée. L’hydroxyurée a été testée, mais elle est liée à une toxicité importante. La toxicité de la vinblastine est médullaire et modérée, celle de la lomustine est essentiellement hépatique, souvent contrôlable, mais doit être surveillée ;

– en traitement néo-adjuvant avant une intervention chirurgicale pour réduire la taille de la tumeur. Les effets de la prednisone sont satisfaisants, à la dose de 1 à 2 mg/kg/j pendant dix jours. Ce traitement ne doit néanmoins pas faire diminuer les marges d’exérèse prévues initialement ;

– en traitement adjuvant à la suite de l’exérèse d’une tumeur de haut grade (contrôle d’une maladie locale résiduelle lors des mastocytomes de grade II, prévention des récidives et de l’extension métastatique lors des tumeurs de grades II et III contrôlées par la chirurgie et la radiothérapie). Il est possible d’utiliser la vinblastine (médiane de survie de 145 jours à plus de cinq ans), ainsi que la lomustine (traitement adjuvant des mastocytomes de grade II avec 100 % de rémission à un an et 77 % à deux ans).

→ Les thérapies ciblées (qui bloquent les tyrosines kinases, par exemple le récepteur c-kit) permettent d’inhiber la prolifération des cellules tumorales et la néo-angiogenèse.

Le masitinib (12,5 mg/kg/j) est utilisé lors de mastocytomes récidivants, inopérables et/ou métastasés, de grade II ou III, avec une mutation du gène c-kit (62 % de survie à un an, 39,8 % à deux ans, avec une médiane de survie globale de 617 jours). Un suivi sanguin bimensuel, puis mensuel, est nécessaire.

Le toceranibe (3,25 mg/kg tous les deux jours) est employé lors de mastocytomes non résécables, métastasés ou non, de grade II ou III, avec ou sans mutation de c-kit (les données d’études à long terme ne sont pas encore disponibles). Un suivi sanguin hebdomadaire, puis mensuel, est requis.

  • 1 Comité de travail du GEO sur le mastocytome : Françoise Delisle, Jérôme Abadie, Jean-Pierre Armand, Julia Buchholz, Stéphane Bureau, Marie-Christine Cadiergues, Frédérique Degorce-Rubiales, Patrick Devauchelle, Pauline de Fornel, Éric Guaguère, Antoine Hidalgo, Didier Lanore, Claude Muller, Frédérique Ponce, Dan Rosenberg, Cécile Soyer.

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