Les mouvements après l’étourdissement sont des automatismes et des réflexes - La Semaine Vétérinaire n° 1545 du 21/06/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1545 du 21/06/2013

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/BOVINS

Auteur(s) : CLAUDIA TERLOUW*, LORENZA RICHARD**

Fonctions :
*UMRH 1213, Inra de Theix, à Saint-Genès-Champanelle. Article tiré d’une conférence présentée lors des journées 3R, en décembre 2012 à Paris.

Les mouvements des bovins inconscients après l’étourdissement à l’abattoir s’apparentent à des automatismes et à des réflexes, d’après l’étude menée par une équipe de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Theix (Puy-de-Dôme), et présentée lors des dernières Rencontres Recherche Ruminants à Paris.

En France, avant la saignée, les bovins sont généralement étourdis à l’aide d’un pistolet à tige perforante afin de provoquer une perte de conscien­ce immédiate et sans douleur, comme l’impose la réglementation. Cette perte de conscience est due à deux phénomènes. Tout d’abord, l’onde de choc occasionnée dans le cerveau dépolarise une partie des neurones et empêche leur fonctionnement normal. Ensuite, la destruction d’une partie des structures cérébrales crée des hémorragies qui endommagent les structures plus éloignées de la trajectoire de la tige et renforcent l’inconscience. Après l’étourdissement, les bovins ne sont toutefois pas immobiles, car des pédalages des membres antérieurs et postérieurs, ainsi que des mouvements du cou sont souvent observés. Ils apparaissent même dans le cas où tous les indicateurs d’inconscience sont présents (voir encadré).

INDICATEURS DE L’INCONSCIENCE

Pour évaluer l’état d’inconscience des bovins, l’effondrement immédiat, l’absence de respiration rythmique et l’absence de signes oculaires sont notés au cours de trois périodes : l’affalage (jusqu’à l’accrochage du postérieur), le hissage (jusqu’au départ pour le poste de saignée) et la saignée (depuis l’arrivée au poste de saignée jusqu’à 180 secondes après le retrait du couteau).

La première partie de l’étude porte sur 20 taureaux et 20 vaches. Tous les animaux s’effondrent immédiatement après le tir. Les signes indicateurs de l’inconscience ne sont pas tous observés chez 15 des 20 taureaux au cours des trois phases (en particulier 14 d’entre eux présentent des signes oculaires), ce qui n’est pas le cas chez les vaches. Une différence significative entre la profondeur de l’inconscience des mâles et des femelles est ainsi mise en évidence (p < 0,001). Ce résultat est en accord avec celui d’une autre étude, qui montre qu’il est plus difficile d’induire un état d’inconscience profond chez les taureaux que chez les vaches. Toutefois, chez l’ensemble des taureaux, il est noté l’absence du réflexe cornéen, considéré comme un indicateur d’inconscience fiable.

La seconde partie de l’étude porte sur 58 vaches majoritairement de races limousine et prim’holstein. Elles s’effondrent toutes immédiatement après le tir, mais sept d’entre elles ne présentent pas l’ensemble des indicateurs de l’inconscience après l’étourdissement.

LIENS ENTRE MOUVEMENTS ET PROFONDEUR DE L’INCONSCIENCE

Pendant le hissage

Des mouvements du cou, impliquant ou non le dos, ainsi que des pédalages des antérieurs et des postérieurs sont observés après le tir. Lors du hissage, les 14 taureaux qui ont présenté des signes oculaires effectuent plus souvent des mouvements du cou que les six autres, et tendent à pédaler davantage (première partie de l’étude). En revanche, pour les vaches, aucun lien entre la présence de ces indicateurs et le port de la tête désaxé, ni avec les pédalages.

Ces résultats supposent que le positionnement de la tête et les pédalages des antérieurs pourraient être des indicateurs de la profondeur de l’inconscience uniquement chez les taureaux, mais qu’il est nécessaire de les associer à d’autres critères.

Pendant la saignée

La section de la peau et des vaisseaux, préalable à la saignée, provoque des mouvements, en particulier du cou. Une relaxation musculaire progressive est observée pendant l’écoulement du sang. Chez les animaux qui présentent des signes oculaires, les mouvements du cou sont moins nombreux que chez ceux qui montrent l’ensemble des signes d’inconscience (p < 0,04, voir graphique).

Les pédalages chez les bovins profondément étourdis, pendant la période postétourdissement ou durant la saignée, peuvent être liés à l’activité des centres générateurs de mouvements moteurs rythmiques, indépendamment de stimuli sensoriels et de la conscience, situés dans le tronc cérébral et la moelle épinière.

La réaction à la section de la peau et des vaisseaux semble être une réponse arc-réflexe à la stimulation nociceptive, c’est-à-dire une réponse réflexe qui passe par la moelle épinière. Elle est plus prononcée chez les animaux qui présentent tous les signes d’inconscience dès le tir, car le dysfonctionnement du cerveau serait plus avancé et atteindrait les structures, notamment dans le tronc cérébral, impliquées dans l’inhibition des mouvements réflexes de retrait à une stimulation nociceptive.

EFFETS DE LA SECTION DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

La moelle épinière de 24 va­ches issues de la seconde partie de l’étude, qui ont montré tous les signes de l’inconscience, est sectionnée entre la première vertèbre et le trou occipital, après l’étourdissement. Cette section a peu d’influence sur les mouvements musculaires et les postures observées durant la saignée. En revanche, ces vaches ont moins souvent la tête désaxée que celles dont la moelle épinière n’est pas sectionnée.

Ces résultats indiquent que les mouvements musculaires sont possibles en l’absence d’une connexion intacte entre le cerveau et la moelle épinière. Cela confirme qu’ils dépendraient ainsi de circuits nerveux qui n’impliquent que la moelle épinière.

DISCUSSION

Ainsi, chez les animaux qui présentent l’ensemble des signes d’inconscience étudiés, les pédalages sont probablement liés à l’activité des centres générateurs de rythme, donc involontaires. Les mouvements induits par des stimulations nociceptives liées à la saignée semblent être des réponses de retrait de type arc-réflexe. Ils sont plus prononcés chez les animaux qui montrent tous les signes d’inconscience dès le tir, car chez eux, le cerveau n’est plus en état d’exercer un effet inhibiteur sur ces réflexes. En outre, les taureaux qui manifestent des signes oculaires après l’étourdissement présentent davantage de mouvements que les autres, mais leur relation exacte avec la profondeur de l’inconscience nécessite une étude plus approfondie.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur le site WK-Vet.fr http://www.wk-vet.fr/mybdd/? visu=164&article=164_4210

  • 1 Cette étude a été conduite avec V. Deiss (Inra de Theix) et C. Bourguet (bureau d’études et de travaux de recherches en éthologie, Saint-Pierre Roche), en collaboration avec un abattoir industriel.

  • 2 Signe oculaire.

INDICATEURS DE L’INCONSCIENCE APRÈS L’ÉTOURDISSEMENT

L’efficacité de l’étourdissement avec le pistolet à tige perforante peut être évaluée à l’aide de plusieurs indicateurs de l’inconscience :

→ effondrement immédiat de l’animal à la suite du tir (perte de posture) ;

→ absence de réflexe cornéen (en revanche, sa présence ne signifie pas que l’animal est conscient) ;

→ absence de clignements spontanés des paupières1 ;

→ absence de respiration rythmique.

D’autres indicateurs, moins fiables, peuvent compléter cette évaluation, tels que l’absence de nystagmus2 ou de rotation du globe oculaire2.

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