Entamer une démarche qualité d’un pas assuré… - La Semaine Vétérinaire n° 1544 du 14/06/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1544 du 14/06/2013

Dossier

Auteur(s) : Agnès Faessel

La méthode HACCP est un outil qui guide la mise en place d’un système qualité. Bien connue des filières agro-alimentaires, elle peut s’adapter à la pratique vétérinaire et être exploitée par le praticien soucieux d’entamer une telle démarche au sein de son propre établissement.

Dans les entreprises, peu importe leur domaine, le responsable qualité est souvent mal-aimé, car son intervention est synonyme de nouvelles contraintes : procédures supplémentaires, contrôles multipliés, rapports d’anomalies, etc. En résumé, de “l’administratif” qui ralentit le travail ! Pourtant, c’est bien la qualité de celui-ci qui importe au client, quelle que soit la nature de son achat : produit ou service.

Le vétérinaire n’échappe pas à cette attente, face à des clients toujours mieux informés et plus exigeants, mais aussi simplement inquiets de l’état de santé et du bien-être de leur animal. La démarche qualité apporte alors une garantie rassurante.

Elle a également l’intérêt de standardiser et de formaliser par écrit les procédures et les protocoles suivis dans son activité, tous domaines confondus. Ils sont alors aisément communicables à l’ensemble du personnel, à un nouvel entrant ou à un remplaçant.

L’HACCP EST ENSEIGNÉ AUX ÉTUDIANTS VÉTÉRINAIRES

Mener une démarche qualité ne s’improvise pas. Elle s’appuie sur une série d’étapes qui débutent par l’analyse de l’activité et des pratiques afin de les faire évoluer pour mieux en maîtriser les dangers et finalement s’assurer d’un niveau de qualité constant.

Plusieurs méthodes sont disponibles, parmi lesquelles l’HACCP pour hazard analysis critical control point (analyse des dangers et points “critiques” de maîtrise, voir encadré ci-contre). Cette méthode est largement employée dans les filières agro-alimentaires. D’abord suivie par les industriels, elle se décline désormais dans les productions fermières (fromages, par exemple) et même jusque dans les élevages.

L’HACCP est à la fois une méthode de démarche qualité (système d’amélioration continue) et d’assurance qualité (système de garantie d’un niveau de qualité). Elle impose l’enregistrement écrit de nombreuses informations, comme support de contrôle (indicateurs à suivre) ou de traçabilité.

La méthode HACCP est présentée, dans les écoles vétérinaires, sous l’angle de son exploitation dans le secteur agro-alimentaire. La qualité et la sécurité des denrées alimentaires font effectivement partie des disciplines enseignées au fil de la formation de base des étudiants (tronc commun).

DES PROCÉDURES VÉTÉRINAIRES STANDARDISABLES

Pour autant, peut-elle être transposée dans les cabinets et cliniques vétérinaires ? Cette question a fait l’objet d’une thèse d’exercice soutenue en 20091. Et Nora de Swarte, son auteure, en conclut que oui !

Sa réflexion consiste à appliquer les principes et les étapes de la démarche à une prestation de service (médical) plutôt qu’à un produit (voir tableau 1 en page 28). Car si l’exercice vétérinaire s’appuie sur le raisonnement du praticien et la prise en charge individuelle de chaque cas, certains protocoles n’en sont pas moins communs et standardisables, y compris des procédures diagnostiques. Les supports de formation continue ne regorgent-ils pas d’arbres diagnostiques et de “conduites à tenir” face à certains symptômes ? On imagine sans doute plus aisément la standardisation de procédures thérapeutiques et chirurgicales, sans nuire à leur diversité. Et la démarche qualité peut également intéresser l’accueil du client, la gestion des déchets ou celle des approvisionnements, etc. L’essentiel est de débuter par fixer l’objectif qualité recherché, puis de suivre pas à pas les étapes de la démarche.

EXEMPLE PRATIQUE : L’OVARIECTOMIE

Dans sa thèse, notre consœur l’illustre au travers d’un exemple pratique : l’ovariectomie de la jeune chatte, non gravide et non agressive. Dans cet exercice, l’objectif qualité s’est restreint à l’absence de douleur pouvant compromettre la santé de l’animal, et le danger étudié s’est limité au traumatisme douloureux.

Une enquête téléphonique, réalisée auprès d’un échantillon de 25 confrères, a d’abord permis d’en évaluer le risque, au travers de l’identification, de la caractérisation et de la hiérarchisation des stimuli douloureux (intubation, incision, traction des pédicules ovariens, suture, etc.). L’objectif poursuivi (l’absence de douleur) se caractérise finalement par l’absence de signes de douleurs préopératoires et périopératoires, et une note inférieure à 3 sur la grille d’évaluation de la douleur 4AVet durant les 24 premières heures postopératoires. Toutes les causes possibles du danger à chaque étape de l’intervention sont ensuite scrupuleusement identifiées, en balayant successivement la “matière première”, c’est-à-dire l’animal (sensibilisé à la douleur, obèse, en chaleur, etc.), le milieu (environnement stressant), le matériel (l’usage d’une aiguille émoussée !), la main-d’œuvre (manque d’expérience ou de formation de l’opérateur) et la méthode (contention, anesthésie, surveillance, etc.).

Les mesures préventives associées ayant également été déterminées, la suite de la mise en œuvre de la démarche HACCP sélectionne 12 CCP, associés individuellement à un ou deux dangers (voir tableau 2). Leur contrôle impose de spécifier pour chacun l’indicateur à surveiller, la procédure de surveillance (qui, quand et comment), les limites critiques du résultat mesuré (les bornes à ne pas dépasser) et l’action corrective à entreprendre en cas d’anomalie. Pour le retrait du cathéter, par exemple, la réaction de l’animal est surveillée visuellement par le vétérinaire au moment de l’acte. L’observation est enregistrée sur la fiche de suivi du chat. En cas de réaction motrice ou comportementale excessive, une contention chimique est envisagée.

SURVEILLER LA SURVEILLANCE

La procédure de vérification du système, enfin, est assez simple. Elle repose sur le contrôle mensuel de sa mise en œuvre effective (respect du protocole, actions correctives effectuées, données enregistrées, etc.) et l’évaluation de son efficacité (absence de douleur postchirurgicale). Cette épreuve est elle-même formalisée par l’utilisation de fiches de surveillance.

La démarche HACCP apparaît ainsi transposable à l’exercice vétérinaire. Et si l’exemple est développé en pratique canine, il se déclinerait sans peine dans les autres secteurs d’activité vétérinaire. S’appliquant à un processus unique (ici, un acte chirurgical), la démarche est à renouveler autant de fois qu’il existe de services différents dans la structure. Sa mise en œuvre est spécifique de l’environnement, donc d’un cabinet ou d’une clinique. Une même démarche peut toutefois intéresser toutes les structures qui réalisent un service équivalent (à l’exemple de l’ovariectomie chez la chatte). C’est finalement le principe des guides de bonnes pratiques, dont la construction peut d’ailleurs s’appuyer sur un outil tel que la démarche HACCP.

Celle-ci peut aussi être exploitée dans le cadre d’une approche de qualité globale, menée à l’échelle de l’établissement dans son ensemble. L’objectif peut aller jusqu’à atteindre un référentiel qualité donné, par exemple celui des normes ISO, dont la reconnaissance internationale constitue un véritable atout (voir entretien en page 30).

  • 1 Application de la méthode HACCP à la pratique clinique de la médecine des carnivores domestiques. Thèse pour le diplôme d’État de docteur vétérinaire. École nationale vétérinaire de Nantes, 2009.

ÉTAPES DE LA MÉTHODE HACCP

La méthode HACCP permet d’identifier, d’évaluer et de maîtriser les dangers (biologiques, chimiques et physiques).

En pratique, la mise en place suit douze étapes successives :

→ constituer l’équipe HACCP ;

→ décrire le produit (ou service) ;

→ déterminer son utilisation prévue ;

→ élaborer le diagramme des opérations (schéma) ;

→ valider sur place le diagramme ;

→ identifier et analyser les dangers à chaque étape du diagramme (causes et risques : gravité, fréquence, détectabilité) et définir les mesures à appliquer pour les maîtriser ;

→ sélectionner les points critiques de maîtrise (CCP), impératifs à maîtriser pour éliminer le danger ou réduire son occurrence ;

→ établir pour chacun des seuils critiques (valeur ou fourchette de valeurs d’un indicateur mesurable) ;

→ construire un système de surveillance des CCP qui détecte tout écart, toute perte de maîtrise ;

→ élaborer des actions correctives (pour rectifier le défaut) ;

→ instaurer des procédures de vérification du système (test, audit, contrôle régulier) ;

→ documenter et enregistrer (dossiers de procédures, registres de données).

DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE

Pourquoi un tel sujet de thèse ? « Mon projet initial était d’aborder la qualité du service médical vétérinaire en général, car j’étais convaincue de sa possible amélioration, explique Nora de Swarte. En médecine humaine, les établissements hospitaliers instaurent des systèmes de management de la qualité. Pourquoi pas les vétérinaires ? » La méthode HACCP est connue de la profession dans le domaine de l’hygiène alimentaire, d’où l’idée d’évaluer sa transposition en pratique canine. Exerçant aujourd’hui sous le statut de salariée, notre consœur n’a pas encore eu l’occasion de mettre en pratique l’intégralité de son travail. « Cela nécessite du temps et l’implication de toute l’équipe. » Mais ce qu’elle a appris du concept de l’HACCP trouve des applications au quotidien. « La démarche est protocolaire et rigoureuse. Elle amène à déterminer les points clés sur lesquels porter son attention. Sans suivre le processus de A à Z, je m’en inspire à petite échelle pour construire mes propres protocoles de travail. »

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