« Je suis d’un naturel optimiste » - La Semaine Vétérinaire n° 1542 du 31/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1542 du 31/05/2013

Dossier

ENTRETIEN

Auteur(s) : Serge Trouillet

Stéphane Martinot, directeur de l’ENV de Lyon depuis 2005, est celui de VetAgro Sup depuis 2010. La Direction générale de l’enseignement et de la recherche lui a confié le pilotage d’une réflexion sur la création d’un pôle national vétérinaire fédérant les quatre écoles françaises. Ses conclusions doivent être présentées au ministère à la fin du mois de mai.

Pourquoi avez-vous accepté cette mission de votre ministère de tutelle ?

Depuis plusieurs années, avec mes trois collègues directeurs d’école, nous réfléchissons aux évolutions et aux projets que nous pouvons développer en commun. Je suis personnellement impliqué dans les réflexions internationales, tant au niveau européen, à travers l’Association européenne des établissements d’enseignement vétérinaire (AEEEV), qu’au niveau américain, par le biais de l’American Veterinary Medical Association (Avma), en relation avec l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Stimuler la production d’idées sur l’évolution de notre formation m’intéresse tout particulièrement.

Quelle méthodologie avez-vous adoptée pour cette mission ?

J’ai souhaité travailler avec mes trois collègues. Nous avons mis en place un groupe de travail dans lequel trois représentants de chaque école apportent leur pierre sur les différents projets. À Alfort, Lyon, Nantes et Toulouse, j’ai rencontré des membres des conseils et des enseignants afin d’échanger des idées. J’ai fait de même avec les membres élus du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agro-alimentaire et vétérinaire (Cneseraav). J’ai développé une boîte mail à destination de l’ensemble des agents des écoles pour qu’ils puissent nourrir la réflexion de leurs contributions : qu’il s’agisse d’enseignement, de recherche, de rayonnement international, de mutualisation, etc. Ainsi, sur la base des projets que nous aurons identifiés, nous proposerons au ministère différents scénarios répondant aux attendus de la lettre de mission, assortis d’une analyse de leur faisabilité.

Quelles sont vos pistes de réflexion concernant l’adaptation de la formation aux besoins des futurs diplômés et de leurs employeurs ?

Le projet, tel que je dois le penser, s’articulera avec d’autres éléments déjà mis en place. Je pense en particulier à l’Observatoire de la profession vétérinaire, qui vient d’être créé. Confié à l’Ordre des vétérinaires, il a pour objectif d’apporter des éléments précis de contexte et d’évolution de la profession. Nous savons d’ores et déjà, quand même, que nous avons des besoins de diversification dans certains domaines d’activité, marqués par une forte décroissance de la présence des vétérinaires. Je prendrai deux exemples : tout d’abord la recherche, pénalisée par un manque de vétérinaires suivant une formation doctorale et intégrant les structures de recherche, ensuite l’industrie agro-alimentaire avec, là encore, une présence trop limitée, ces dernières années, de vétérinaires dans des métiers pourtant demandeurs de ce type de formation.

Quelles sont les marges de manœuvre pour que, dans un environnement économique contraint, la qualité et l’attractivité de l’offre de formation puissent être renforcées ?

Ma mission est de réfléchir dans un environnement constant. Évidemment, nos projets doivent servir autant à améliorer l’existant qu’à faciliter le travail de chacun. Il s’agit en l’occurrence de trouver le moyen de renforcer la spécificité et la qualité de l’enseignement français, qui en fait son attractivité, à savoir son aspect pratique. Il nous faut donc travailler sur la mise en commun d’outils et de méthodes pédagogiques, faciliter les échanges entre les équipes, faire en sorte que chacun n’ait pas à tout réinventer dans son coin afin de se concentrer, en particulier, sur l’encadrement pratique. Cela existe d’ailleurs actuellement dans un certain nombre de disciplines : il faut que cette démarche soit au centre de l’évolution à engager. Nous avons à cœur de conserver nos positions en tête de liste des formations internationales.

L’augmentation du nombre d’étudiants ne rend-elle pas cette équation plus complexe ?

Concernant le volume des enseignants disponibles, nous devons conforter leur rôle dans la partie pratique de l’enseignement. Ils doivent en conséquence gagner du temps partout ailleurs, grâce à la mutualisation. C’est à cela qu’il convient de réfléchir. Par ailleurs, l’utilisation des amphithéâtres est compatible avec les quelques étudiants supplémentaires à accueillir. Je rappelle que les directeurs, après avoir analysé ces contraintes qui ne sont pas nulles, avaient proposé d’augmenter de 20 au maximum le nombre d’étudiants par promotion. Il faut être honnête, ils ne sont pas présents à 100 % dans les amphithéâtres. En outre, il faut voir cette évolution du numerus clausus dans une optique de diversification des débouchés. Il est possible d’imaginer, à court terme, de rester sur le schéma actuel d’étudiants sortant vers la pratique clinique, mais de développer parallèlement les débouchés non cliniques, de type recherche ou industrie.

L’orientation des écoles vers des dominantes d’enseignement est-elle envisagée ?

Dans les réflexions en cours, il n’est absolument pas prévu d’opter pour une spécialisation par campus. D’abord parce que, pour être en phase avec les accréditations internationales, il faut que 80 % de la formation soit polyspécifique. La partie “tronc commun”, c’est-à-dire les quatre premières années, doit donc pouvoir être délivrée de cette manière dans chacun des établissements. Ensuite, cela sous-entendrait que les étudiants tournent dans les différents campus tout au long de l’année. Impossible d’y songer, tant du point de vue pratique que pécuniaire pour eux. Ce tronc commun doit rester dans les écoles, avec une mutualisation entre les enseignants et un travail commun sur les programmes. La 5e année, en revanche, peut être organisée différemment. C’est déjà le cas actuellement avec des filières qui ne sont présentes que dans certains établissements, ou communes à plusieurs d’entre eux. Les étudiants bougent et cela ne pose pas de difficulté.

Les articulations avec les autres formations de santé seront-elles renforcées ?

Il est indispensable de s’articuler avec l’ensemble de ce que l’on appelle la dynamique régionale. Les écoles se sont aujourd’hui fortement rapprochées des facultés de médecine. Avec mes collègues directeurs, nous avons même proposé une expérimentation afin de recruter des étudiants issus du concours de 1re année de médecine. C’est encore plus vrai dans le domaine de la recherche, où la plupart des établissements développent des unités mixtes avec les universités, avec une grande activité autour de la santé animale en relation avec la santé humaine. Il faut conserver, bien entendu, ces dynamiques de sites. Cela ne nous empêche pas de réfléchir à des partenariats cadres, par exemple avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), pour définir en commun la stratégie entre les parties “recherche médicale” et “recherche vétérinaire”. Cela ne signifie pas que les unités de recherche, les articulations avec les écoles doctorales, ne resteront pas sur le site : c’est indispensable.

Qu’en sera-t-il des impératifs d’accréditation internationale ?

La réflexion qui m’est demandée se situe clairement dans ce contexte. Ce dernier impose – c’est un prérequis – qu’il y ait cinq ans de formation dans une école vétérinaire, ou sous son contrôle. Nous devons nous conformer à ces références si nous voulons éviter de nous retrouver en difficulté, avec des accréditations qui ne pourront pas être données. Certaines des réformes mises en place précédemment n’étaient pas pleinement coordonnées sur ces impératifs. Nous devons mettre en œuvre les processus qui y concourent. Actuellement, la position des écoles diffère en la matière : Nantes et Lyon sont sur la liste positive européenne, Alfort et Toulouse sur une accréditation conditionnelle européenne. Lyon recevra sa visite d’accréditation américaine en septembre, tandis que Nantes aura probablement la sienne dans les deux ans à venir.

Comment appréhendez-vous le devenir de l’enseignement vétérinaire ?

Je suis d’un naturel optimiste. Ensuite, je me réjouis que tout le monde ait identifié de nombreux projets sur lesquels l’ensemble de la communauté est d’accord et prête à travailler en commun. C’est un point extrêmement positif. De plus, que le ministère fasse confiance à l’interne, c’est-à-dire qu’il demande à l’un des directeurs de stimuler la réflexion interne, c’est aussi un point qui appelle à l’optimisme. Nous sommes dans un contexte économique national difficile, personne ne le découvre. Mais nous avons des compétences, des savoir-faire. Nous devons les mettre en valeur et, surtout, continuer à les développer. Je suis convaincu que nous y parviendrons.

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