La cancérologie vétérinaire, un enjeu majeur pour les deux médecines - La Semaine Vétérinaire n° 1540 du 17/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1540 du 17/05/2013

Dossier

Auteur(s) : Agnès Faessel

La prise en charge de l’animal cancéreux se démocratise. Toutefois, le coût et les contraintes liées aux traitements demeurent, dont parfois la distance : trois sites seulement proposent des soins de radiothérapie vétérinaire en France. L’étude des cancers chez les carnivores domestiques, comme modèles animaux de leurs cousins humains, ouvre également de nouvelles pistes de progrès. Même si la finalité des recherches cible l’homme avant tout.

La cancérologie vétérinaire avance. La maladie aussi : le cancer provoque la mort d’un chien sur deux en France. Comme chez l’homme, cette évolution est sans doute à rapprocher des progrès médicaux. Les animaux de compagnie sont mieux médicalisés. Ils vivent plus vieux et survivent plus longtemps aux maladies chroniques telles que l’insuffisance cardiaque ou rénale, le diabète, etc. Ils meurent donc plus souvent d’affections tumorales, malgré les franches avancées dans leur prise en charge.

Des trois grands volets thérapeutiques du cancer, le premier est sans conteste la chirurgie. Car souvent, l’exérèse est une solution réalisable et efficace. Outre l’expertise du chirurgien, le succès de l’intervention repose sur la qualité du bilan d’extension de la tumeur, sans cesse améliorée par l’évolution des moyens d’investigation (en imagerie médicale notamment) et leur accès pour les vétérinaires. Vient ensuite la chimiothérapie, pratiquée par un nombre limité de cliniques en raison d’un cadre réglementaire plus contraignant depuis 2009. Enfin, la radiothérapie est réservée à une poignée de structures. Trois centres la proposent aujourd’hui en France.

MICEN-VET GRANDIT ET SE MODERNISE À CRÉTEIL

Micen-Vet, ex-Centre de cancérologie vétérinaire (CCV) de Maisons-Alfort, est le seul à pratiquer les trois types de radiothérapie : externe par méga­voltage, interstitielle par curiethérapie, et métabolique. Son déménagement coïncide avec la volonté des trois associés (Patrick Devauchelle, Françoise Delisle et Pauline de Fornel) d’étoffer leur activité (voir aussi article en page 18). « Être novateur a toujours dirigé nos choix d’évolution, précise Pauline de Fornel. Le premier scanner, la première scintigraphie vétérinaire de France ont équipé le CCV ! Nous sommes également impliqués de longue date dans la recherche sur le cancer, dans des travaux de pathologie comparée comme dans l’étude de nouveaux protocoles de traitement, à l’exemple des vaccins thérapeutiques. »

La localisation au sein de l’école d’Alfort ne pouvait plus satisfaire les besoins de modernisation et de maintenance de l’existant. Le centre s’est donc déplacé à Créteil et propose désormais des activités complémentaires en neurologie et en médecine interne. Il continue de travailler en collaboration avec l’école vétérinaire, où la consultation de cancérologie est animée par Françoise Delisle. Dans ses nouveaux locaux, Micen-Vet est en outre adossé à la nouvelle clinique Michel Baron où les interventions chirurgicales sont facilement référées en cas de besoin.

Les nouveaux appareils et leur couplage à de nouvelles technologies permettront d’affiner les bilans d’extension et d’optimiser les traitements par radiothérapie, en atteignant des sites à toute profondeur et en préservant plus précisément les tissus périphériques.

ONCOVET S’ENRICHIT D’UNE ACTIVITÉ DE RECHERCHE CLINIQUE

À côté de Lille, la structure Oncovet est également née de la passion de sa fondatrice, Dominique Tierny, pour la cancérologie. « La transversalité de la discipline, mais aussi le challenge qu’elle représentait au début des années 90 et l’émergence d’une demande insatisfaite des clients ont dirigé mon choix d’une pratique exclusive en cancérologie. » Le projet fut toutefois long et complexe à finaliser, notamment pour obtenir le financement des investissements nécessaires aux examens d’imagerie médicale et de traitement par radiothérapie externe et curiethérapie. Après quelques années, son bon fonctionnement a permis d’élargir l’équipe vétérinaire et d’enrichir le plateau technique.

En parallèle, Dominique Tierny a récemment créé une société dédiée à la recherche clinique en pathologie comparée. La société OCR réalise ainsi des essais cliniques dans le cadre du développement de nouvelles thérapies du cancer. « Ces travaux sont à visée humaine, mais notre participation permet à nos patients animaux de bénéficier de traitements novateurs, car la recherche purement vétérinaire en cancérologie est exceptionnelle. »

L’ÉVOLUTION D’ALLIANCE S’INSCRIT DANS UNE COURBE LOGIQUE

L’histoire de la clinique Alliance à Bordeaux est encore différente. La cancérologie s’y est presque naturellement installée, dans la continuité de l’activité polydisciplinaire de la structure. « Nos compétences en chirurgie et notre équipement en imagerie médicale ont attiré chez nous un grand nombre de cas référés de cancer, pour des bilans d’extension ou des exérèses compliquées, explique Franck Crouzet, l’un des associés. J’y ai en outre trouvé un intérêt intellectuel personnel et j’ai décidé de me former, via un diplôme universitaire de radiothérapie. » La clinique a alors réalisé les acquisitions nécessaires au déploiement de la cancérologie, avec un appareil de curiethérapie et le recrutement d’un confrère praticien exclusif dans la discipline, Didier Lanore.

« Chaque cas fait l’objet d’une discussion collective qui ouvre sur une décision collégiale quant à sa prise en charge, car la démarche thérapeutique n’est jamais préétablie et intègre des contraintes médicales, mais aussi éthiques et financières », précise Franck Crouzet. Aujourd’hui, la cancérologie occupe entre deux et trois vétérinaires à temps plein (tous actes confondus). Alliance participe également à des études cliniques pour l’évaluation précoce de nouvelles pistes de traitement avant leur développement (pour l’homme). Et ses chirurgiens sont membres de la Veterinary Society of Surgical Oncology (VSSO1), une plate-forme d’échanges entre les diplômés des collèges européen et américain de chirurgie autour des traitements chirurgicaux du cancer.

DE NOUVELLES STRUCTURES À VENIR ?

Quelle évolution peut-on désormais attendre du paysage de la cancérologie vétérinaire en France Une autre structure vétérinaire est sur le point de proposer, elle aussi, la curiethérapie. Et l’accroissement des ressources des ENV, en vue de devenir de véritables centres de référence contre le cancer, est en marche (voir article ci-contre). Pour Dominique Tierny, l’avenir verra effectivement la création de grands centres anticancéreux vétérinaires, à l’image de ceux de médecine humaine. Ces structures associeraient une large plate-forme technique à des expertises pointues dans tous les domaines qui intéressent l’oncologie, y compris l’anatomo-pathologie.

Toutefois, Franck Crouzet reste prudent quant à l’expansion de tels centres exclusivement dédiés à la cancérologie vétérinaire : « Face au coût de l’équipement, le “marché” de la seule cancérologie permet-il d’être autosuffisant ? » La discipline requiert en outre des compétences multidisciplinaires, ce qui inciterait davantage au développement de polycliniques proposant un service de cancérologie.

Pour Pauline de Fornel, la demande des vétérinaires référents sera double : les petites structures solliciteront une prise en charge globale des cas, et les plus grandes cliniques rechercheront plutôt les actes spécialisés et le conseil, ou simplement l’accompagnement du client (la présentation des options thérapeutiques, leurs effets indésirables et le pronostic associé). « Pour les propriétaires, les traitements de chirurgie et de chimiothérapie sont plus simples à organiser chez le vétérinaire de proximité, lorsque c’est possible. »

DES PROPRIÉTAIRES AVERTIS ET RÉCEPTIFS

En tout cas, les progrès en cancérologie vétérinaire conservent, de l’avis de tous, un grand potentiel. Des innovations techniques sont escomptées. Et malgré les freins évidents en termes de coût des traitements et de contraintes pratiques, la demande des propriétaires va plutôt croissant. L’expérience de la maladie chez l’homme, que tout un chacun côtoie désormais lui-même ou dans son entourage, favorise l’information et la motivation pour une prise en charge comparable de l’animal cancéreux. Vouloir traiter son chien, son chat, voire son furet ou son lapin contre le cancer surprend moins.

L’oncologie médicale est d’ailleurs une spécialité vétérinaire européenne. Et la France compte, à ce jour, deux diplômés du collège européen de médecine interne, option oncologie : Frédérique Ponce (VetAgro Sup) et Patrick Devauchelle (Micen-Vet). L’essor de la spécialité est ralenti par le faible nombre de résidences ouvertes en Europe (neuf, dont une à l’école de Lyon). Son existence devrait toutefois encourager l’évolution des soins faisant appel à des outils ou à des gestes spécifiques. Mais en amont comme en aval, le vétérinaire traitant conserve une place primordiale. Car au vu de sa fréquence, le cancer fait partie du quotidien du praticien canin. Son rôle dans le diagnostic précoce et la caractérisation des tumeurs, puis dans le dialogue avec le propriétaire et le suivi de l’animal, est fondamental et le restera.

L’ESVONC ENTRETIENT LA DYNAMIQUE EUROPÉENNE

Pour Frédérique Ponce (VetAgro Sup), la mission d’un spécialiste en oncologie, qui plus est universitaire, est aussi d’exister sur le plan international, de valoriser les travaux effectués, et de partager avec la profession les progrès de la discipline.

Dans ce cadre, elle s’apprête à prendre la présidence de l’European Society of Veterinary Oncology (Esvonc) dont elle est l’actuelle vice-présidente.

Le bureau compte d’ailleurs un second Français parmi ses membres, en la personne de Didier Lanore (clinique Alliance).

L’Esvonc œuvre pour le perfectionnement scientifique de l’oncologie vétérinaire et comparée et le développement de la spécialité en Europe. Ce réseau d’experts favorise les échanges et la collaboration européenne. L’édition 2013 de son congrès annuel se tiendra à Lisbonne (Portugal), du 30 mai au 1er juin1.

1 Voir aussi sur www.esvonc.org

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