Bientraitance animale : peut encore mieux faire… - La Semaine Vétérinaire n° 1536 du 19/04/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1536 du 19/04/2013

Dossier

Auteur(s) : Marine Neveux*, Charles Touge**

Les scandales autour de la viande ont fleuri ces derniers mois. Sur le terrain du bien-être animal, des dysfonctionnements persistent, et la dernière assemblée générale de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), présidée par notre confrère Jean-Pierre Kieffer, a été l’objet d’un tour d’horizon complet, en France, mais aussi en Europe. Malgré les avancées réglementaires au niveau européen, la réalité sur le terrain révèle encore nombre de pierres d’achoppement. Une mission commune d’information de la filière viande est actuellement menée. À l’issue de ses travaux, les sénateurs veulent apporter des garanties au consommateur et restaurer la confiance.

L’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), fortement engagée dans la démarche scientifique, les réflexions juridiques, la communication et les actions de terrain, a accueilli, lors de son assemblée générale le 6 avril dernier, Sylvie Goy-Chavent, sénatrice de l’Ain. Cette dernière a déposé deux questions parlementaires et deux propositions de loi, en interpellant dans la presse le président de la République. L’une des propositions veut rendre obligatoire l’étourdissement des animaux avant tout abattage. La seconde vise à informer le consommateur quant à l’origine des viandes issues des filières d’abattage rituel.

Sylvie Goy-Chavent est également rapporteur de la mission commune d’information de la filière viande, dont les auditions viennent de commencer1. Au terme de ces travaux, les sénateurs souhaitent apporter des garanties au consommateur.

UNE ÉVOLUTION INQUIÉTANTE

« Fille d’un éleveur respectueux de ses bêtes et de la vie, j’ai l’impression que, dans notre société, nous régressons sous l’influence de certains lobbys, explique-t-elle. Sans tomber dans la sensiblerie, notre société n’évolue pas forcément en bien, poursuit-elle. Derrière l’abattage rituel, on sait qu’il y a des histoires d’argent. J’ai été nommée rapporteur de la mission filière viande, du pré à l’abattage et à la distribution, car beaucoup de questions se posent dans le cadre de cette mission d’information, qui vise aussi à restaurer la confiance du consommateur, qui veut savoir où est né l’animal, où il a été élevé, où et comment il a été abattu. » Le décor est planté. La sénatrice exprime en outre le souhait d’une mission réalisée dans un délai assez court : « Ses résultats doivent sortir avant que l’opinion reprenne ses habitudes et que les politiques oublient… » Ils devraient être présentés lors du Salon des productions animales (Space) de Rennes, du 10 au 13 septembre prochain, « où le gouvernement fera peut-être des propositions. J’espère qu’il aura eu le temps d’en faire durant l’été ».

Selon Sylvie Goy-Chavent, « certains sujets deviennent délicats quand des questions assez précises sont posées : quand je demande combien d’animaux sont abattus sans étourdissement, on me répond de demander à l’interprofession… J’espère que l’administration me fournira d’autres chiffres, je les attends avec grande impatience. J’ai en outre le sentiment qu’à la fois les éleveurs et les consommateurs ne les connaissent pas. »

DES DIFFICULTÉS CROISSANTES

Frédéric Freund, directeur de l’OABA, connaît bien la réalité des dossiers et du terrain. Son constat rejoint celui des services du ministère : un nombre croissant de difficultés. « La loi de finances consacre 131 500 € aux animaux de rente et de compagnie, explique-t-il. Non seulement il n’existe pas de structure d’accueil conventionnée, mais en plus le budget ne suit pas. »

L’OABA reste toujours fortement mobilisée sur le sujet de l’abattage : « Nous avons demandé si le nombre d’animaux non étourdis avait diminué. Mais un an après, le ministre ne sait pas si la nouvelle réglementation (décret du 30 juin 2012, NDLR) est efficace ou non. Il ne suffit pas de contrôler les commandes aux abattoirs, il faut aussi s’assurer que les animaux égorgés vont bien vers les filières auxquelles ils sont destinés. »

LA NÉCESSITÉ D’UN ÉTIQUETAGE INFORMATIF

« Mais si l’information du consommateur est importante (pour bien acheter, encore faut-il être informé), la question de la souffrance animale ne doit pas être oubliée, poursuit Frédéric Freund. C’est la raison pour laquelle nous soutenons, avec nos partenaires du site abattagerituel.com, la proposition de loi déposée le 12 novembre 2012 par la sénatrice de l’Ain, Sylvie Goy-Chavent, qui vise “à rendre obligatoire l’étourdissement des animaux avant tout abattage”. »

En outre, « rappelons que l’OABA a déposé deux recours devant le Conseil d’État, par l’intermédiaire de son vice-président, Me Alain Monod ». Le premier, déposé en juillet 2012, « sollicite l’abrogation du texte réglementaire permettant de déroger à l’obligation d’étourdissement, dans la mesure où il serait contraire aux principes généraux du droit constitutionnel ». Le ministère de l’Agriculture a récemment débouté cette requête. La décision du Conseil d’État est attendue au deuxième semestre 2013.

Le second recours vise l’utilisation du label “agriculture biologique” pour des steaks hachés provenant de bovins égorgés selon le rituel musulman, c’est-à-dire sans étourdissement préalable. « Nos courriers adressés à l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) et au ministère de l’Agriculture sont restés sans réponse, ce qui nous a conduits à déposer ce recours contentieux devant le Conseil d’État, en janvier dernier. » La Haute assemblée devra donc répondre à la question de savoir si le règlement européen sur l’agriculture biologique, qui prône des « normes élevées en matière de bien-être animal », est compatible avec un abattage réalisé sans étourdissement.

Notre confrère Jérôme Languille, chef du bureau de la protection animale à la Direction générale de l’alimentation (DGAL), a remercié l’Oaba pour « les actions menées main dans la main » avec ses services. « Sur l’aspect qui concerne le contrôle des quantités de denrées abattues selon l’abattage rituel, tout un système d’information est en cours de développement pour savoir si le décret a eu un effet, affirme-t-il. Nous allons aussi orienter nos actions pour faire appliquer ces règles de droit. » Mais du côté du recueil des animaux, les promesses ne sont même pas là… « Nous faisons les mêmes constats que vous. »

UNE NOUVELLE ORGANISATION SANITAIRE

Issue des États généraux du sanitaire, la nouvelle organisation a été mise en place par le décret du 30 juin 2012. Ainsi, le Comité consultatif de la santé et de la protection animales (CCSPA) est remplacé par un Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cnopsav). Le président du Conseil national de la protection animale (CNPA) est notre confrère Jean-Pierre Kieffer qui siège ainsi dans ce conseil. Les Conseils départementaux de santé et protection animales (CDSPA) sont, quant à eux, remplacés par des Conseils régionaux d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (Cropsav), placés auprès de chaque préfet de région.

« Le parent pauvre de cette nouvelle organisation, c’est la protection animale, déplore Frédéric Freund. Comment peut-il en être autrement avec un seul représentant des organisations de protection animale dans chaque conseil ? Il est regrettable que le travail fourni par certains CDSPA, qui avaient mis en place des groupes de travail “animaux en difficultés” ou “animaux maltraités” auxquels collaborait l’OABA, ne soit pas poursuivi dans le cadre de ces nouveaux conseils. »

LE TRANSPORT D’ANIMAUX VIVANTS TOUJOURS PRÉCAIRE

Par 555 voix contre 56 et 34 abstentions, les eurodéputés ont adopté, le 12 décembre 2012, une résolution réclamant de meilleures conditions de transport pour les animaux et des sanctions plus strictes à l’encontre des contrevenants. De plus en plus d’animaux sont transportés dans toute l’Union, dans des conditions qui restent précaires, a déploré le Parlement européen.

« L’OABA ne peut qu’appeler la Commission, via l’Eurogroup for Animals, à légiférer sur le sujet. Une limitation de la durée du transport permettra de mettre fin à ce scandale des animaux qui voyagent pendant plus d’une semaine à travers l’Europe, dans des camions et des bateaux, pour aller se faire égorger dans des abattoirs du Maghreb, du Liban, d’Égypte ou de Turquie. D’autant que, dans le même temps, certains de nos abattoirs sont obligés de mettre leur personnel au chômage technique, car il n’y a plus suffisamment d’animaux à abattre en France ! », s’indigne Frédéric Freund.

SCANDALE OU SYMPTÔME ?

Empruntant les passages d’un éditorial récemment publié dans Marianne, sous la brillante plume de Jacques Julliard, Jean-Pierre Kieffer indique que, « jusqu’alors, les animaux que l’homme mangeait étaient les siens, parvenus au terme d’une vie presque normale, en plein air, souvent en semi-liberté. Veaux, vaches, cochons, moutons, poules, canards étaient respectés dans leur humble dignité d’êtres vivants. Mais le xxe siècle a aboli l’animal au profit de la viande de boucherie. Enfin, l’industrie agro-alimentaire lui a donné le coup de grâce, en transformant la viande en “minerai”, un terme révélateur pour désigner d’infâmes hachis anonymes, faits d’on ne sait quoi, venus d’on ne sait où. La viande de cheval s’est retrouvée mêlée à celle de bœuf. À l’animal élevé en batterie dans des conditions barbares, l’homme industriel n’a pas seulement infligé une mort ignominieuse et cruelle, il lui a volé sa vie, il l’a transformé en protéines sur pattes. »

Pour le président de l’OABA, l’affaire des lasagnes au cheval vendues pour des lasagnes au bœuf n’est pas un scandale, c’est un symptôme. Il s’insurge également contre la maltraitance animale infligée lors des abattages dérogatoires : « Si nos ministres ont été prompts à réagir contre la fraude à la viande de cheval, ils se gardent bien de le faire contre la dérive de l’abattage rituel. Il est vrai que les lobbies en jeu, dans les deux cas, n’ont pas la même puissance. ». Et de conclure : « Mais comme disait Coluche, s’il n’y a plus personne pour acheter un produit, il ne se vendra pas… »

  • 1 Voir en page 22 de ce numéro.

LES ENQUÊTES ET LES ACTIONS CONTENTIEUSES

Au cours de l’année écoulée, l’OABA a visité 60 abattoirs, sur un programme de 100 visites : 40 établissements ont ainsi refusé l’accès de leur site. Les délégués de l’OABA ont également visité plusieurs marchés et foires aux bestiaux. Un renforcement de ces visites est d’ailleurs prévu au cours du second semestre 2013, « car nous avons constaté le retour de certaines mauvaises pratiques (animaux maigres et/ou malades présentés sur certains marchés, mauvaises attaches, violences lors du chargement, privation d’abreuvement, etc.) », détaille Frédéric Freund.

Au cours des douze derniers mois, l’OABA est intervenue dans 22 procédures pénales concernant des animaux délaissés ou maltraités par leur détenteur. Dans 12 de ces dossiers, 438 animaux (337 bovins, 99 ovins-caprins et 2 équidés) ont été retirés de leur exploitation pour être confiés à l’association.

Sur le premier trimestre 2013, sept nouveaux dossiers contentieux ont été ouverts. Quatre d’entre eux représentent déjà 190 bovins et 9 équidés, remis à l’OABA dans l’attente du jugement qui doit statuer sur leur sort.

LE CAS PARTICULIER DU TRANSPORT DES CHEVREAUX

L’OABA a participé, durant l’année 2012, à plusieurs réunions tenues à la DGAL en vue d’améliorer le transport des chevreaux. En France, ces derniers sont majoritairement transportés dans des cages à volailles, comme le montre notamment le communiqué de l’association L214 du 10 avril dernier. Ils ne peuvent donc pas se tenir debout, comme l’exige la réglementation européenne sur le transport. D’ici à la fin de l’année, les chevreaux seront transportés soit en groupe, comme les petits ruminants, soit en cages, mais de 65 cm de haut (versus 42 cm actuellement).

« Ces réunions se sont déroulées dans une ambiance constructive. L’OABA a apprécié les bonnes intentions affichées par les professionnels du secteur. Espérons qu’elles se concrétiseront. »

EN BREF

Élections au conseil d’administration de l’OABA

Notre consœur Fanny Allmendinger (L 08) a été réélue au conseil d’administration de l’OABA, de même que Nathalie Melick (A 78) et Eva Souplet (avocate). Jean-Pierre Kieffer (T 75) est également reconduit à la présidence de l’association. Quant à Bénédicte Iturria-Ladurée, elle a été cooptée. Cette consœur, qui réside aux Pays-Bas, est particulièrement active au sein du parti politique qui milite pour la protection animale en Hollande.

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