Douleur de la queue : penser à une hernie discale caudale - La Semaine Vétérinaire n° 1534 du 05/04/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1534 du 05/04/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : JACQUES FORGET*, FABRICE BERNARD**

Fonctions :
*praticien au CHV Saint-Martin (Haute-Savoie)
**diplomate ECVS, praticien au CHV Saint-Martin (Haute-Savoie)

POINTS FORTS

– Le diagnostic différentiel des douleurs de la queue devrait inclure les hernies discales caudales.

– De même que pour les hernies discales thoraco-lombaires, le traitement chirurgical est indiqué en cas d’échec de la prise en charge médicale.

CAS CLINIQUE

Une chienne cocker spaniel stérilisée de neuf ans, pesant 11,2 kg, est admise avec un historique de léchage et de grattage de la base de la queue depuis huit semaines. Pendant cette période, la chienne a montré des signes de gêne à la miction et à la défécation. Une douleur intense est mise en évidence par le vétérinaire référent lors de la dorsiflexion de la queue. Ces signes cliniques sont temporairement améliorés par l’administration orale de méloxicam.

Lors de l’examen, la chienne présente un port de queue bas en permanence, même quand elle la remue. L’examen neurologique est normal. Seule une douleur vive à la dorsiflexion de la queue est notée.

Diagnostic

Les résultats du bilan biochimique et hématologique affichent des valeurs normales. Des radiographies sous sédation montrent une minéralisation du foramen intervertébral Cd1-Cd2 et du disque intervertébral Cd2-Cd3.

Un examen tomodensitométrique lombosacré, étendu de L6 à l’extrémité de la queue, est réalisé (coupes de 1 mm d’épaisseur avec un recouvrement de 50 %). Une structure minéralisée bien définie, de 6 mm sur 3 mm, est identifiée au niveau du foramen intervertébral Cd1-Cd2. Elle s’étend du centre du canal vertébral à environ 3 mm latéralement au foramen intervertébral gauche, qui est quasiment totalement obstrué. Cela provoque une réduction d’environ 30 % du diamètre du canal vertébral. Une autre structure minéralisée (3 mm de diamètre) est également présente au niveau du foramen intervertébral gauche Cd2-Cd3. Une spondylose ventrale modérée est observée de Cd2 à Cd5. Une minéralisation des disques intervertébraux Cd1-Cd2, Cd2-Cd3 et Cd4-Cd5 est aussi visualisée.

Dans la même région, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) met en évidence une protrusion modérée du disque lombosacré, sans révéler de compression ou de déplacement de la queue de cheval. Cet examen permet d’établir le diagnostic d’une compression de la racine nerveuse, au niveau du foramen entre les vertèbres caudale 1 et caudale 2 à gauche, par une hernie discale extrusive.

En l’absence d’amélioration après un traitement conservateur de huit semaines associant repos strict et anti-inflammatoires (méloxicam), une décompression chirurgicale est conseillée.

Traitement

Une foraminotomie de l’espace Cd1-Cd2 du côté gauche est réalisée, afin de décomprimer la racine nerveuse. Après une incision dorsale médiane, les muscles sacro-caudaux médiaux et latéraux sont rétractés latéralement, afin de visualiser le processus articulaire Cd1-Cd2. Les attaches musculaires sont réclinées jusqu’au point d’accès à la région foraminale.

La foraminotomie est effectuée à l’aide d’une fraise neurochirurgicale pneumatique. Le matériel hernié est retiré, en utilisant des lunettes grossissantes, jusqu’à ce que la racine nerveuse apparaisse libre et mobile. La visualisation du canal rachidien reste limitée en raison de la préservation des facettes articulaires Cd1-Cd2.

Un scanner postchirurgical confirme le retrait de la masse minéralisée présente sur la gauche du canal vertébral. La faible quantité de matériel discal hernié encore présente dans le canal vertébral ne peut plus occasionner de compression nerveuse. Aucun incident périopératoire n’est noté.

L’analgésie postopératoire consiste en l’administration de méloxicam (0,1 mg/kg per os une fois par jour), de gabapentine (8 mg/kg per os trois fois par jour) et de buprénorphine (0,02 mg/kg par voie sous-cutanée trois fois par jour). La chienne quitte l’hôpital deux jours après l’intervention avec une prescription de méloxicam (sept jours), de gabapentine et de tramadol (5 mg/kg deux fois par jour pendant cinq jours).

Suivi

Douze jours après l’intervention, aucune amélioration des signes neurologiques n’est observée. La manipulation provoque toujours une réponse douloureuse franche. Un mois plus tard, la dorsiflexion de la queue ne génère plus qu’un inconfort modéré. Le suivi à deux puis à sept mois permet de constater la disparition totale des signes cliniques.

DISCUSSION

Anatomie des vertèbres caudales

La moelle épinière s’étend caudalement jusqu’au niveau de la sixième vertèbre lombaire (L6) chez la plupart des chiens de format moyen à grand, et jusqu’à L7 chez ceux de petite taille. Les racines nerveuses sacrées et coccygiennes émergent caudalement à la fin de la moelle et sortent de la colonne vertébrale par leurs foramens intervertébraux respectifs. Le troisième nerf sacré sort du canal vertébral par le foramen intervertébral sacro-coccygien et tous les autres nerfs coccygiens, qui assurent l’innervation motrice et sensitive de la queue, sont présents à hauteur de la première vertèbre coccygienne.

Le canal vertébral au niveau de Cd1 ne contient que des racines nerveuses, beaucoup plus résistantes aux traumatismes que les neurones de la moelle épinière. En outre, le canal est relativement large à ce niveau par rapport au faible diamètre des racines nerveuses.

Ces différents facteurs expliquent que seules des extrusions importantes de matériel discal peuvent être à l’origine de symptômes. Si le scanner a permis de mettre en évidence, comme dans la plupart des situations, une hernie discale, l’examen IRM a présenté l’intérêt, dans ce cas particulier, de pouvoir visualiser la racine nerveuse et de confirmer la compression de celle-ci par la hernie discale, très volumineuse.

Symptômes des hernies discales caudales

Lors d’une anomalie neurologique au niveau de la queue, les signes cliniques comprennent un port bas, une sensibilité diminuée ou absente, une absence de battement et une hyperesthésie lors de la manipulation. À la différence des hernies discales qui touchent d’autres régions du rachis, celles qui affectent la queue n’ont fait l’objet que de deux articles1. Cette description récente peut être liée à leur rareté, à l’absence de manifestation clinique ou à un sous-diagnostic.

Traitement des hernies discales caudales

En cas d’échec du traitement médical, les techniques chirurgicales décrites pour le traitement des hernies discales thoraco-lombaires et lombosacrées latéralisées sont l’hémilaminectomie, la mini-hémilaminectomie (pédiculectomie) et la foraminotomie. Dans le cas décrit ici, compte tenu de la localisation du matériel hernié dans le foramen et le canal vertébral, une hémilaminectomie aurait pu être envisagée pour maximiser la visualisation des racines nerveuses. Cependant, le rôle des facettes articulaires est prépondérant quant à la stabilité du rachis, et aucune étude n’a évalué la potentielle instabilité consécutive à une hémilaminectomie en Cd1-Cd2.

La queue du chien étant soumise à d’énormes contraintes, la préservation des facettes articulaire a été privilégiée. Les deux cas décrits dans la littérature ont été traités par une laminectomie dorsale, avec une attention particulière pour préserver les facettes articulaires afin de ne pas déstabiliser les vertèbres caudales.

La foraminotomie représente une solution alternative intéressante à la laminectomie dorsale dans les cas de lésions localisées au niveau d’un foramen. Cette technique n’entraîne pas de déstabilisation du rachis. Dans le cas présent, tout le matériel compris dans le foramen était accessible par la foraminotomie, et celui situé dans le canal vertébral a été jugé non significatif, car il ne pouvait être à l’origine d’une compression nerveuse.

  • 1 Freeman P. « Sacrococcygeal intervertebral disc extrusion in a daschshund », Vet. Rec. 2010 ; 167 : 618-619 ; Potanas C.P. et coll. « Surgical decompression of a caudal vertebral disc extrusion by dorsal laminectomy », Vet. Comp. Orthop. Traumatol . 2012; 25: 71-73.

  • Voir aussi la bibliographie de cet article sur le site WK-Vet.fr

    http://www.wk-vet.fr/mybdd/?visu=164&article=164_4166

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