Saisissant instantané du monde

La démesure du nouveau film de Ron Fricke¹ garantit au spectateur qu’il en aura pour son argent. Des pagodes de Bagan en Birmanie aux folies architecturales de Dubaï, d’une tribu Mursi d’Éthiopie aux bikinis japonais, des chutes d’Epupa (Angola) aux échangeurs autoroutiers de Los Angeles et aux élevages super-industriels chinois, Samsara² nous entraîne dans un singulier tour du monde, époustouflant de bout en bout.

Challenge artistique, technologique et logistique, tourné en 70 mm dans 25 pays pendant quatre ans, ce film sans paroles s’est donné l’image comme personnage principal. Frontale, léchée, éloquente, surprenante, quelquefois dérangeante, elle transfigure notre perception usuelle du monde (notamment par d’extraordinaires séquences tournées en time-lapse³).

Méditation visuelle sur l’homme à l’échelle planétaire, le film dévoile en musique les splendeurs séculaires (paysages naturels, sociétés primitives) comme les dérives actuelles (hypertechnicité productiviste, dépersonnalisation, consumérisme, inégalités, violence). La beauté des images suscite l’éblouissement, mais parfois aussi la réprobation. Sans commentaires, Samsara n’est pourtant pas sans discours. Sous-tendu dans les associations de plans, opposant aux dérèglements de la modernité sa foi dans la transcendance spirituelle, il est permis d’y voir un moralisme new age un brin grandiloquent.

Samsara de Ron Fricke, produit par Mark Magidson, musique de Michael Stearns, Lisa Gerrard et Marcello De Francesco, États-Unis (2011), sorti le 27 mars 2013.

• 1 Réalisateur de Baraka (1992) et Chronos (1985), deux précédents films sans paroles. Il a aussi signé l’image de Koyaanisqatsi (1983) de Godfrey Reggio.

• 2 Samsara est le mot sanskrit pour désigner la “roue de la vie” (ronde des naissances, des morts et des réincarnations), notion centrale de nombreuses religions asiatiques.

• 3 Prise de vue image par image, au ralenti, permettant de restituer en des temps très courts une scène se déroulant sur une longue période.