L’excellence technique en élevage est d’abord une question de facteur humain - La Semaine Vétérinaire n° 1533 du 29/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1533 du 29/03/2013

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/PORCS

Auteur(s) : CHRISTINE ROGUET*, LORENZA RICHARD**

Fonctions :
*Institut du porc, Le Rheu (Ille-et-Vilaine). Article tiré de la conférence présentée lors des 45e journées de la recherche porcine, en février 2013 à Paris.

En 2010, les 20 % d’élevages français les plus performants ont produit près de six porcs de plus, par truie présente et par an, que les 20 % les moins performants. Si les capacités de production des seconds étaient aux mains des premiers, la productivité numérique moyenne des élevages hexagonaux serait supérieure de 1,2 porc produit par truie présente et par an.

Cet écart est environ celui qui sépare la France du Danemark et des Pays-Bas, qui l’ont distancée ces dernières années. Cela provient notamment de l’application dans ces pays de plans stratégiques axés sur le développement de grands élevages spécialisés, aux bâtiments modernes, et à l’amélioration des conditions sanitaires. Une sélection s’est ainsi opérée et le niveau moyen global y est plus élevé.

Du bénéfice économique de la performance

Ces résultats proviennent d’une étude menée par l’Institut du porc (Ifip) en 2012. Elle établit un diagnostic précis de l’excellence technique dans les élevages de porcs en France en 2010, identifie les facteurs et les trajectoires de réussite, et évalue le bénéfice économique de la performance technique.

Les élevages excellents techniquement diffèrent peu des autres en termes de structure. Ils sont légèrement plus grands en moyenne (224 truies versus 191), mais près de la moitié d’entre eux n’ont que 100 à 200 truies. Ils exploitent 82 ha de surface agricole utile (SAU) en moyenne et les deux tiers d’entre eux n’élèvent que des porcs. L’atelier porc occupe deux unités de travail humain (UTH), dont 36 % de salariés.

De bons suivis pour de meilleurs résultats

Les éleveurs qui obtiennent les meilleurs résultats sont ceux qui assurent de bons suivis à tous les stades (détection des chaleurs dès le lendemain du sevrage, surveillance assidue en maternité, tri des animaux par poids ou par sexe, etc.). Ainsi, le facteur humain est décisif, et l’excellence technique peut être retrouvée dans tous les types d’élevage, et pas uniquement dans les grandes structures spécialisées.

Les éleveurs les meilleurs techniquement sont davantage formés que la moyenne, ont développé des compétences pluridisciplinaires (techniques, économiques, sociales) et la maîtrise de fonctions technologiques qu’ils internalisent. Ce sont des artisans, passionnés par la productivité numérique des animaux, ou des entrepreneurs, soucieux de l’efficacité du travail, qui mettent en œuvre les mesures techniques et de gestion appropriées à l’atteinte de leurs objectifs. Bien que déjà performants, ils se fixent des objectifs d’amélioration, dans une démarche continuelle de progrès.

L’effet du cercle vertueux

Dans ce contexte et face à la dispersion importante des performances, l’étude s’est penchée sur la notion de « marge de progrès » individuelle par rapport à l’échelle collective. Globalement, la restructuration du secteur se traduit par un progrès moyen des performances en raison de l’arrêt des moins performants, alors que les meilleurs progressent chaque année. À l’échelle individuelle, les élevages identifiés comme les meilleurs en 2010 l’étaient déjà en 2000 et ont progressé plus rapidement que les autres. C’est l’effet du cercle vertueux qu’enclenche un bon niveau technique : il conduit à un meilleur revenu, qui permet des investissements plus conséquents, lesquels assurent en retour une progression des performances plus rapide. En effet, si l’excellence technique s’accompagne de charges de structure par truie plus élevées, le revenu par éleveur est bien meilleur. En moyenne, sur la période 2006-2010, les 20 % d’élevages les plus performants ont dégagé un bénéfice net de 3,6 cts/kg de carcasse, alors que les autres atteignaient à peine l’équilibre. Ainsi, si la rentabilité de la production des meilleurs élevages est positive, elle reste un challenge pour les moins bons. L’enjeu de l’accompagnement technique est de faire progresser chacun de ces élevages selon ses possibilités, via un conseil adapté.

  • 1 Depoudent C., Duflot B., Chauvat S. Lien entre productivité du travail, organisation et sens du métier chez les éleveurs de porcs : analyses de cas. JRP. 2013;45:43-44.

PERFORMANCES INDIVIDUELLES ET MOTIVATION DE L’ÉLEVEUR

La diversité des logiques d’exploitation, des styles et des profils d’élevage est également décrite dans une étude1 présentée par Caroline Depoudent, de la chambre régionale d’agriculture de Bretagne. Toutefois, une forte cohérence est retrouvée entre le sens du métier de l’éleveur, son organisation et les performances à l’échelle de l’exploitation, notamment lorsqu’il atteint une qualité de vie satisfaisante. La délivrance du conseil doit ainsi s’adapter aux objectifs personnels et professionnels des exploitants.

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