Quelle feuille de route pour nos écoles vétérinaires ? - La Semaine Vétérinaire n° 1531 du 15/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1531 du 15/03/2013

Futur des ENV françaises

À LA UNE

Auteur(s) : Marine Neveux

Écartelées aujourd’hui entre le souhait justifié de briller dans un cadre international et un malaise profond à plusieurs niveaux, le sort réservé aux quatre écoles vétérinaires demeure incertain.

La pétition signée par les trois écoles vétérinaires françaises, en février dernier, et envoyée à la Direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER)1, reste sans réponse à ce jour. Lors de la dernière réunion du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agro-alimentaire et vétérinaire (Cneseraav), présidée par Mireille Riou-Cnals, le sujet n’a pas été évoqué, aucune réponse directe n’a concerné cette pétition, encore moins écrite. « De manière plus insidieuse, au cours des débats de cette journée du 6 mars, la DGER a fait plutôt ressortir qu’une augmentation à la marge du nombre d’étudiants ne doit pas forcément correspondre à une hausse proportionnelle des moyens calculés à partir du coût moyen d’un élève… Selon elle, il y a sûrement un coût marginal supplémentaire, mais il est alors bien moindre », rapporte un confrère enseignant inquiet.

Un avenir à construire aujourd’hui

L’Ordre s’implique sur le sujet du devenir des écoles, comme en témoigne le dernier éditorial de son président dans la revue ordinale de février. En outre, le directeur de VetAgro Sup, Stéphane Martinot, a reçu pour mission de remettre un rapport sur la mise en place d’un pôle vétérinaire unique, impactant les quatre écoles. La DGER cite déjà, parmi les objectifs de la création de ce pôle, une augmentation du nombre de confrères formés en France et une « restauration de la qualité de l’enseignement vétérinaire », ce qui est fort louable. Mais ce sera à budgets constants, grâce à une meilleure mutualisation des moyens. Or cette dernière orientation suscite des inquiétudes : un certain nombre de personnes présentes à la réunion du 6 mars en ont d’ailleurs conclu que l’accroissement des effectifs étudiants en 2013 ne serait qu’un début.

Des chiffres en question

Pour motiver l’augmentation du numerus clausus, la référence prise par la DGER est le taux de vétérinaires formés en France et nouvellement inscrits à l’Ordre en 2011, qui n’était que de 50 % par rapport à ceux formés à l’étranger. Or pour l’année universitaire 2009-2010, afin de remédier au cafouillage créé par la réforme des études (passage à deux ans de classes préparatoires), et afin de maintenir un cursus eurocompatible, il a fallu abandonner les quatre années d’études en ENV prévues par la DGER de l’époque, et revenir à cinq ans. Donc, à l’issue de l’année 2009-2010, aucun jeune diplômé n’est sorti des écoles françaises. Il n’est donc pas étonnant qu’en 2011, la proportion de nouveaux inscrits formés en France soit faible. « Il est curieux que ce soit l’année 2011 qui serve de référence à tous ceux qui prônent une augmentation des effectifs d’étudiants », s’étonne un enseignant.

Certes, cette hausse du nombre d’élèves n’est pas sans rappeler le rapport de 2011 du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Un projet d’augmentation auquel n’adhère pas la profession, comme en témoigne la position de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF). Cette progression des effectifs dans les quatre ENV est aussi à relier à d’autres projets, qui refont régulièrement surface au gré des vagues politiques, comme la création de l’école de Metz. Finalement, elle n’a pas eu lieu. Les élèves qui devaient y être scolarisés ont-ils donc été saupoudrés dans les écoles actuelles ?

Une mutualisation des quatre écoles

L’heure est à la coordination des quatre écoles nationales vétérinaires au sein d’un même pôle, comme l’a rappelé Mireille Riou-Canals, directrice générale de l’enseignement et de la recherche au ministère de l’Agriculture, dans un article du 21 février publié sur le site Educpros. Notre confrère Stéphane Martinot a la charge de remettre son rapport sur le sujet d’ici à la fin mai. « Les objectifs sont multiples : adapter l’offre de formation aux nouveaux besoins, restaurer la capacité du dispositif à satisfaire les exigences des référentiels internationaux d’accréditation, et développer l’attractivité nationale et internationale de ces écoles », détaille dans l’article notre consœur Valérie Baduel, chef du service de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à la DGER. Des vœux pieux ? Quel sera le détail de leur organisation et de leur financement ? Le changement, soit, mais comment ? La réflexion s’inscrit en effet aussi dans le projet de loi d’avenir agricole du ministre Stéphane Le Foll.

La notion de mutualisation est déjà d’actualité dans les écoles, vécue avec ses bénéfices par les enseignants, mais aussi avec son lot d’inquiétudes : « Les écoles devront-elles avoir des dominantes d’enseignement, ce qui nuirait à la diversification des filières qu’elles proposent aujourd’hui ? », s’interrogent-ils. Une menace pour des disciplines où la profession a pourtant toute sa place, comme en productions animales au sens large. Valérie Baduel précise en outre « qu’une réflexion est en cours sur les articulations possibles avec les autres formations de santé ». À quel niveau se situeront-elles, celui des classes préparatoires ou celui des écoles ? Parmi les autres priorités citées par notre consœur, un meilleur usage du numérique est envisagé, pour permettre aux étudiants de bénéficier des dernières technologies dans le cadre de leur enseignement. Certaines écoles disposent déjà de moyens pédagogiques pionniers dans ce domaine. En outre, le développement du tutorat pourrait voir le jour rapidement. Nos organisations professionnelles ont déjà été forces de proposition sur ce point.

La réalité du terrain oubliée

Reste une problématique majeure, celle qui consiste à assurer un enseignement plus performant dans les ENV avec 17 % d’étudiants supplémentaires, dans un premier temps à moyens constants, voire légèrement diminués, comme cette année… Beaucoup d’enseignants-chercheurs ne peuvent matériellement en faire davantage (nombre d’entre eux dépassent déjà largement leurs obligations de service). Cela va se traduire par un gonflement des groupes d’enseignement, du cours aux travaux dirigés ou pratiques en passant par les travaux cliniques.

En outre, les difficultés liées à la taille des locaux, au nombre de postes de travail et au matériel nécessaire ne sont pas résolues. D’ailleurs, à Alfort, les difficultés commencent bien avant l’enseignement : il faut déjà réussir à payer les factures d’électricité ! Cela induit aussi la suppression des ambulantes sur le terrain, faute de moyens. Or ces dernières, outre leur intérêt “d’expérience de terrain”, suscitent parfois des vocations chez les étudiants, qui découvrent des milieux qui leur étaient totalement inconnus.

N’oublions pas non plus le rôle joué par les écoles dans la formation continue des praticiens, via les certificats d’études supérieures ou d’études approfondies vétérinaires. Faute de moyens dédiés à leur organisation, ils risquent fort d’être mis en péril.

  • 1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1529 du 1er/3/2013 en pages 14 et 15.

Réforme du programme des classes préparatoires

Afin de tenir compte de la réforme en amont des lycées, celle des “prépas” est en route (pour les BCPST et TB). Les nouveaux programmes entreront en vigueur à la rentrée 2013, donc pour les concours d’entrée en 2015. Pour le concours C (prépa en un an), la réforme des programmes intervient dès cette année également, donc pour les concours 2014. La réforme des classes préparatoires intervient ainsi dès la rentrée prochaine, et les étudiants du nouveau cursus passeront les concours sur les nouveaux programmes en mai-juillet 2015.

Ce n’est pas sans soulever des interrogations. Notamment, que va-t-il se passer pour les étudiants entrés en septembre 2012 (donc soumis au programme actuel) qui vont passer les concours au printemps 2014 (formule actuelle), mais qui souhaiteront redoubler ? Rattrapés par la réforme, ils devront passer en 2015 le nouveau concours, sans avoir suivi l’enseignement correspondant en 1re année. Faut-il voir un lien entre l’augmentation du numerus clausus et cette réforme des programmes ? « En augmentant, dès la rentrée 2013, les effectifs d’entrants dans les écoles vétérinaires, on limite le nombre de redoublants en 2013-2014, donc celui des candidats en 2014. Là encore, avec plus de places au concours, on assèche les repiquages en 2014-2015, sans soucis de contestation ou de recours par rapport au changement de programme des prépas et des concours… », analyse un enseignant-chercheur.

Une autre modification majeure touche ces cycles de préparation et les concours associés : seul l’anglais est admis comme première langue vivante pour l’enseignement. Il n’y aura plus d’épreuve optionnelle de seconde langue vivante, pour les concours de la filière des ingénieurs comme pour celle des vétérinaires.

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