Lymphadénite caséeuse ou maladie des abcès : aspects cliniques et lésionnels - La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/PETITS RUMINANTS

Auteur(s) : KARIM ADJOU*, CLÉMENCE GUINARD**

Corynebacterium pseudotuberculosis est responsable d’infections chroniques chez un certain nombre d’espèces de mammifères, en particulier les ruminants. La plus répandue de ces maladies est la lymphadénite caséeuse, aussi appelée maladie caséeuse, qui est observée chez les petits ruminants, les ovins et les caprins.

PROPRIÉTÉS

Cette bactérie est un bacille Gram positif de l’ordre des Actinomycetales, assez court : 1 à 3 µm de long pour 0,5 à 0,6 µm de large. En culture artificielle, elle peut être coccoïde. Elle est immobile, aérobie facultative ou anaérobie, non encapsulée et non sporulée. La forme bacillaire présente des granules métachromatiques qui sont absents dans les formes coccoïdes. Il s’agit d’un parasite intracellulaire facultatif qui a la capacité de survivre dans les macrophages.

En raison de ses propriétés particulières, Corynebacterium pseudotuberculosis est parfois qualifiée de « parasite idéal ». En effet, une fois l’hôte infecté, un mécanisme lui permet d’échapper au système immunitaire, ce qui a pour conséquence une chronicité de l’infection. Celle-ci est rarement létale, l’animal continue à vivre en excrétant la bactérie. S’il n’est pas dépisté, une large part du troupeau peut être rapidement contaminée, ce qui entraîne des pertes économiques non négligeables.

Les infections à Corynebacterium pseudotuberculosis sont d’importance variable selon les pays. Le parasite y est parfois peu présent. Ces différences viennent aussi d’un intérêt trop récent pour cette bactérie, ce qui est notamment le cas en Amérique latine. Le sujet est de nouveau d’actualité dans les pays où l’élevage ovin est répandu, en particulier en Nouvelle-Zélande où ces infections sont décrites depuis longtemps, mais aussi en Grande-Bretagne où la bactérie a fait son apparition beaucoup plus récemment.

Le diagnostic différentiel concerne toutes les affections bactériennes à l’origine d’abcès : Staphylococcus aureus (dont Staphylococcus aureus subsp anaerobius, ou microcoque de Morel, qui touche plus particulièrement les animaux âgés de 6 à 18 mois), Arcanobacterium (Actinomyces) pyogenes, Actinobacillus spp, Fusobacterium necrophorum, Pseudomonas pseudomallei.

Chez les caprins, des abcès sont observés avec Rhodococcus equi.

D’autres atteintes nodulaires (hématome, tumeurs leucosiques, tuberculose, etc.) et/ou une maladie cachectisante peuvent également évoquer une lymphadénite caséeuse.

SIGNES CLINIQUES

Chez les petits ruminants, les infections par C. pseudotuberculosis se traduisent par des lésions pyogranulomateuses, qui se déclinent en deux formes, cutanée ou viscérale. La première semble plus répandue que la seconde.

Forme cutanée

Cette forme est aussi qualifiée d’externe, ou de superficielle. Elle se caractérise par le développement d’abcès dans les nœuds lymphatiques superficiels et le tissu sous-cutané. Ces abcès grossissent lentement et finissent par se rompre, parfois longtemps après leur apparition. Souvent, une dépilation localisée est observée en regard de ces abcès, quand ils en sont à un stade de maturation avancé.

Chez la chèvre, les nœuds lymphatiques de la tête et du cou sont le plus souvent touchés, en particulier le préscapulaire. C’est aussi le cas pour les ovins au Royaume-Uni. Mais ailleurs dans le monde, ce sont les nœuds lymphatiques thoraciques qui sont majoritairement atteints chez les ovins.

Une étude réalisée en Égypte par Al-Gaabary et ses collaborateurs, en 2009, montre une atteinte majoritaire du nœud lymphatique parotidien, suivi par le nœud lymphatique préscapulaire chez les ovins. Pépin et ses collaborateurs ont cependant constaté, en 1994, une atteinte majoritaire des nœuds lymphatiques précruraux et supra-mammaires chez un groupe d’ovins. De plus, l’atteinte des nœuds lymphatiques inguinaux et scrotaux n’est pas rare chez les béliers. Cependant, ces lésions n’ont aucun lien avec les testicules et l’épididyme.

Les nœuds lymphatiques superficiels touchés dépendent du point d’entrée de la bactérie. Ils résultent de la migration de celle-ci jusqu’aux nœuds lymphatiques de drainage régionaux.

Forme viscérale

Cette forme est caractérisée par la présence de lésions internes, non détectables lors d’un examen clinique. Comme pour la forme cutanée, des abcès encapsulés, contenant un pus caséeux, sont observés. Cette forme touche le plus fréquemment les nœuds lymphatiques internes, la cavité thoracique et les poumons (voir photos 1 et 2), mais d’autres organes sont parfois atteints. Les lésions concernent alors en premier lieu le foie (voir photo 3), les reins et les glandes mammaires, et plus rarement le cœur, le cerveau, la moelle épinière, les testicules, l’utérus et les articulations.

Une étude menée en Égypte en 2010 sur des ovins met en évidence la prédominance des abcès hépatiques dans les lésions observées. À l’opposé, les poumons apparaissent dans ce travail assez peu affectés, de même que les nœuds lymphatiques médiastinaux.

Un cas atypique est rapporté chez une brebis. Présentée à l’université canadienne de Saskatchewan, elle présentait de nombreux pyogranulomes dans une glande mammaire, les poumons, le foie, les reins, dans plusieurs des nœuds lymphatiques de drainage de ces zones, et dans la moelle épinière. C’est cette dernière lésion qui a surtout affecté son état général, bien qu’elle ait également développé une mammite.

Complications

Les abcès qui atteignent les nœuds lymphatiques médiastinaux peuvent, en grossissant, comprimer l’œsophage. Cela provoque les symptômes d’une obstruction œsophagienne d’évolution chronique, avec une anorexie, une salivation et une météorisation intermittente.

Dans les cas où les lésions sont localisées près du tractus digestif et viennent à exercer une pression sur cet organe, une dysorexie et une émaciation progressive sont alors observées. Des périorchites suppuratives, des périépididymites et des dégénérescences testiculaires sont également rapportées dans la littérature. Parfois, cela peut entraîner une absence complète de spermatozoïdes dans les tubes séminifères et l’épididyme.

SIGNES LÉSIONNELS

Les abcès rencontrés lors de cette affection sont délimités par une coque fibreuse épaisse. En début d’évolution, le pus est assez liquide, verdâtre, puis il se durcit et s’éclaircit. Quand l’abcès est mûr, le pus a donc une consistance crémeuse, qualifiée aussi de caséeuse. L’intérieur de l’abcès est souvent organisé en lamelles concentriques chez les ovins, ce qui amène à le comparer à une coupe d’oignon.

Une différence d’aspect est notée selon les pays. La structure en couche d’oignon est décrite chez les ovins un peu partout dans le monde, mais elle n’est que rarement observée au Royaume-Uni, par exemple. Les abcès y ont plus souvent un contenu épais, crémeux et sans structuration interne. Leur aspect est semblable à celui des abcès rencontrés chez les caprins.

La disposition en coupe d’oignon observée macroscopiquement est en réalité due à la juxtaposition de couches de cellules parenchymateuses nécrosées à des couches de lymphocytes, de macrophages et de granulocytes.

Comme Corynebacterium pseudotuberculosis n’est pas la seule cause d’abcès chez les ruminants (surtout dans les formes viscérales), le diagnostic clinique ne sera pas toujours suffisant.

Bibliographie

  • → Al-Gaabary M.H., Osman S.A., Oreiby A.F. (2009). Caseous lymphadenitis in sheep and goats : clinical, epidemiological and preventive studies. Small Rumin. Res., 87, 116-121.
  • → Al-Gaabary M.H., Osman S.A., Ahmed M.S., Oreiby A.F. (2010). Abattoir survey on caseous lymphadenitis in sheep and goats in Tanta, Egypt. Small Rumin. Res., 94, 117-124.
  • → Baird G.J. (2003). Current perspectives on caseous lymphadenitis. In Pract., 25, 62-68.
  • → Chirino-Zárraga C., Scaramelli A., Rey-Valeirón C. (2006). Bacteriological characterization of Corynebacterium pseudotuberculosis in Venezuelan goat flocks. Small Rumin. Res., 65, 170-175.
  • → Connor K.M., Fontaine M.C., Rudge K., Baird G.J., Donachie W. (2007). Molecular genotyping of multinational ovine and caprine Corynebacterium pseudotuberculosis isolates using pulsed-field gel electrophoresis. Vet. Res., 38, 613-623.
  • → Fontaine M.C., Baird G.J. (2008). Caseous lymphadenitis. Small Rumin. Res., 76, 42-48.
  • → Serres E., Hehenberger E., Allen A.L. (2011). Multiple pyogranulomas in a Katahdin ewe. Can. Vet. J., 52, 555.
  • → Poncelet J.-L. (2012). Fiche 47 de la commission ovine de la SNGTV.

COMPOSITION CELLULAIRE DES ABCÈS CASÉEUX

Un granulome est composé de phagocytes mononucléaires à différents stades de développement, de lymphocytes et de fibroblastes. Dans les lésions de maladie caséeuse, les macrophages constituent une fine couche autour d’un centre nécrotique.

Rapidement après l’inoculation, quel qu’en soit le site, des lésions sont observées dans la corticale des nœuds lymphatiques de drainage. À partir du 6e jour postinfection, des macrophages et des lymphocytes T sont visualisés, répartis dans des couches distinctes autour du centre nécrotique. Mais l’aspect typique du pyogranulome n’est obtenu qu’à partir du 12e jour, avec la mise en place de la capsule fibreuse. La taille de celle-ci augmente dans les atteintes matures. La plupart des lymphocytes présents dans la lésion sont alors situés entre la couche de macrophages et la capsule fibreuse. Mais certains restent localisés près du centre nécrotique, surtout des lymphocytes T CD4+. De plus, de nombreux macrophages sont visualisés dans la couche de lymphocytes.

Des cellules polynucléaires fragmentées éparses sont parfois observées dans ces lésions. Moins fréquemment, quelques nodules calcifiés y sont aussi rencontrés.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr