Le cross linking du collagène, une approche thérapeutique des affections cornéennes - La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : PIERRE-FRANÇOIS ISARD*, THOMAS DULAURENT**, FRANK FAMOSE***

Fonctions :
*praticien au CHV Saint-Martin, à Saint-Martin Bellevue (Haute-Savoie).
**praticien au CHV Saint-Martin, à Saint-Martin Bellevue (Haute-Savoie).
***praticien à Blagnac (Haute-Garonne).

Le cross linking du collagène est une procédure physico-chimique non invasive destinée à améliorer les propriétés mécaniques et biologiques du stroma cornéen, en compactant les mailles de la trame collagène. Il a été développé à l’origine pour le traitement du kératocône évolutif chez l’homme.

PRINCIPE

La procédure repose sur l’imbibition du stroma (après une désépithélialisation) par une solution de riboflavine, suivie par une irradiation par des UVA de longueur d’onde centrée sur 370 nm. L’action des ultraviolets sur la riboflavine produit une libération de radicaux libres qui s’accompagne, au sein du stroma cornéen, d’un pontage biochimique fibrillaire via des liaisons covalentes.

INDICATIONS

L’amélioration des propriétés mécaniques du stroma cornéen rend la technique intéressante dans trois groupes d’affections.

→ Le kératocône évolutif : principale indication du cross linking du collagène chez l’homme, cette affection se manifeste par un amincissement progressif de la cornée qui conduit à une baisse marquée de l’acuité visuelle. Le cross linking stoppe l’évolution de cette affection, qui n’est pas décrite chez les carnivores.

→ Les œdèmes cornéens chroniques : le traitement compacte la cornée et réduit l’imbibition hydrique de façon spectaculaire (l’épaisseur cornéenne diminue parfois de moi­tié en une seule séance).

→ Les kératites bactériennes : le cross linking du collagène a plusieurs actions sur la cornée, sous réserve d’une épaisseur stromale résiduelle suffisante. Il réalise d’abord une barrière mécanique contre la progression microbienne en profondeur, en augmentant la densité des lamelles de collagène et sa résistance à la digestion enzymatique lors de l’action des collagénases. Ensuite, les radicaux libres produits ont une action directe sur les organismes microbiens par la destruction des parois et l’altération de l’ADN. Enfin, la réduction de la densité des kératocytes par le traitement limite la réaction inflammatoire induite par l’infection.

Il reste à évaluer son action lors de dystrophies et de dégénérescences primaires ou secondaires, face aux conséquences d’une kérato-conjonctivite sèche ou aux suites de traumatismes.

RÉALISATION PRATIQUE

L’intervention nécessite une anesthésie ou une tranquillisation afin de garantir l’immobilité de l’œil pendant la durée du traitement. L’animal est couché sur le dos, son œil dirigé vers le haut.

Les paupières sont maintenues ouvertes par un blépharostat et l’épithélium cornéen est retiré au coton-tige après l’imbibition par de l’alcool à 60°.

La riboflavine est ensuite déposée régulièrement, toutes les deux minutes, jusqu’à ce que l’examen biomicroscopique montre une imprégnation régulière du stroma dans son épaisseur. Cette phase prend 20 à 30 minutes.

Le dispositif d’irradiation est mis en place à 4,5 cm de distance de la cornée et la taille du spot de réglage est adaptée à celle de la cornée à traiter.

L’irradiation est alors déclenchée, tandis que l’opérateur continue l’instillation régulière de riboflavine. Selon la puissance d’irradiation utilisée, l’exposition aux ultraviolets dure entre 3 et 30 minutes.

À la fin de la procédure, une pommade protectrice (ou une lentille de traitement) est appliquée sur la cornée pour prévenir les phénomènes douloureux et le risque infectieux, jusqu’à la réépithélialisation.

Au terme de plusieurs mois d’utilisation en France dans deux unités d’ophtalmologie vétérinaire, la technique de cross linking du collagène confirme un apport non spécifique favorable dans le traitement des différentes formes d’affections cornéennes. Les résultats sont rapidement perceptibles et leur rémanence se poursuit généralement à long terme, ce qui devrait être confirmé par une étude statistique en cours. Aucun effet indésirable n’est décrit.

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