Aspergillose chez un Ara ararauna - La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1530 du 08/03/2013

Formation

NAC

Auteur(s) : MARIANNE VERRY*, SAMUEL SAUVAGET**, EMMANUEL RISI***

Fonctions :
*praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique).
**praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique).
***praticien au CHV Atlantia à Nantes (Loire-Atlantique).

CAS CLINIQUE

Un Ara ararauna femelle de deux ans est référé pour des crises de dyspnée, une anorexie et une apathie d’apparition brutale deux semaines plus tôt, coïncidant avec une baisse des températures et un épisode pluvieux. Son alimentation habituelle se compose d’un mélange de graines, de fruits et de légumes. Il dispose d’une pièce donnant sur une volière extérieure et vit avec d’autres perroquets.

Anamnèse

Le perroquet est vu en consultation chez un confrère lors de la première crise de dyspnée. Des radiographies thoraciques révèlent une masse radio-opaque située caudalement au cœur, au niveau des bronches souches. Son opacité est similaire à celle des graines présentes dans le jabot. Une endoscopie trachéale permet d’observer une masse dans la bronche souche gauche. Une fausse déglutition est alors suspectée et justifie un traitement à base de dexaméthasone et d’enrofloxacine.

Une légère amélioration est notée, suivie d’un épisode de diarrhée et de l’apparition d’une toux. Du méloxicam et des fumigations à base d’huiles essentielles de girofle et d’eucalyptus sont ajoutés au traitement. L’appétit et la respiration sont temporairement améliorés. Après une nouvelle rechute et une anorexie, l’oiseau est gavé à la seringue (Harrison’s Recovery®). Comme les crises ne rétrocèdent pas au traitement et que l’oiseau ne pèse plus que 750 g au lieu de 1,2 kg quelques semaines auparavant, il est référé.

Examen clinique

À son arrivée, après un trajet de plusieurs heures, l’oiseau est placé en cage à oxygène. L’examen clinique à distance met en évidence une toux, ainsi qu’une position d’orthopnée, ailes écartées et bec légèrement ouvert. L’examen rapproché, réalisé sous anesthésie (induction à l’isoflurane au masque, puis intubation), met en évidence une inflammation de l’orifice trachéal, une cachexie extrême et des crépitements à l’auscultation respiratoire. Le perroquet est cependant normotherme (40 °C).

Les radiographies thoraciques (voir photos 1 et 2) montrent une opacification nodulaire des poumons et généralisée des sacs aériens, surtout à gauche. L’oiseau présente donc une bronchopneumonie et une aérosacculite dont les répercussions sur l’état général sont marquées.

Hypothèses diagnostiques et traitement

Chez ce perroquet, vu l’aspect radiographique et l’atteinte simultanée des poumons et des sacs aériens, l’hypothèse d’une aspergillose respiratoire est privilégiée par rapport à celle de fausse déglutition. Cependant, une pneumonie et une aérosacculite d’origine bactérienne ou virale ne peuvent être écartées.

L’oiseau reçoit de l’itraconazole (10 mg/kg, deux fois par jour) et de l’enrofloxacine (15 mg/kg, deux fois par jour). Des fumigations d’antiseptique (chlorure de benzalkonium, F10®) dans une caisse hermétique sont réalisées trois fois par jour. L’animal, qui refuse toujours de s’alimenter seul, est gavé à la sonde directement dans le jabot (Harrison’s Recovery®, 15 ml, quatre fois par jour).

Une endoscopie avec voie d’abord par le sac aérien thoracique caudal, accompagnée ou non de biopsies, est programmée dans les jours suivants, le temps que son état général s’améliore. Cependant, l’oiseau meurt 24 heures après son arrivée.

Autopsie

L’autopsie confirme la cachexie. Le cœur, l’appareil digestif, les reins, le foie et l’ovaire ne présentent pas d’anomalies macroscopiquement visibles. La muqueuse trachéale est irrégulière et blanchâtre. Les sacs aériens, en particulier abdominaux et thoraciques caudaux, sont recouverts de plaques exsudatives blanchâtres et feutrées. Un nodule d’environ 1,5 cm de diamètre, de coloration blanc jaunâtre, à centre nécrotique, est découvert dans chaque poumon. La bronche souche gauche est également obstruée par un nodule similaire à ceux observés dans les poumons. Ces lésions de l’appareil respiratoire (poumons, bronches, sacs aériens) sont pathognomoniques d’une aspergillose respiratoire sévère. La capacité pulmonaire du perroquet était considérablement réduite par les nodules fongiques, probablement à l’origine de sa mort soudaine (voir photos 3, 4 et 5).

DISCUSSION

Facteurs favorisants

Chez les psittacidés, l’aspergillose est le plus souvent provoquée par l’inhalation des spores du champignon Aspergillus fumigatus. Celles-ci sont présentes partout dans l’environnement, à des concentrations plus ou moins importantes selon les conditions de maintenance de l’oiseau. La contamination directe d’individu à individu est plutôt rare.

Les manifestations cliniques de la maladie se déclarent de façon opportuniste, quand l’oiseau est immunodéprimé ou malade, ou encore que son régime alimentaire est déséquilibré (par exemple chez les perroquets nourris exclusivement à base de graines). Les conditions d’ambiance, comme la qualité de la ventilation de la volière ou la présence d’irritants respiratoires tels que la fumée de cigarette et les vapeurs d’ammoniac, favorisent également l’infection par le champignon.

Diagnostic

Il existe des formes aiguës ou chroniques, extensives ou localisées. Les premiers signes cliniques sont frustes et non spécifiques : baisse d’activité, arrêt des vocalises, anorexie, etc. Aspergillus peut se localiser aussi bien dans la trachée, la syrinx ou les poumons, formant des granulomes aspergillaires de taille variable. Le plus souvent, une aérosacculite est observée conjointement, avec une opacification des parois des sacs aériens et une colonisation plus ou moins importante du volume du sac par le champignon.

La gestion et le diagnostic d’une aspergillose respiratoire sont souvent rendus complexes par la variété des tableaux cliniques et par le stade souvent avancé de la maladie quand les symptômes apparaissent.

Une radiographie de face et de profil est réalisée en première intention. Lorsqu’elle est évocatrice d’une pneumonie et/ou d’une aérosacculite et que l’état général de l’oiseau permet une anesthésie, il est recommandé de réaliser une endoscopie, avec voie d’abord par les sacs aériens thoraciques caudaux. L’aspect de la paroi des sacs aériens et de la partie caudale des poumons (quand elle est encore visible par transparence) est en général pathognomonique d’une infection par un champignon du genre Aspergillus.

En cas de résultat non clairement positif à l’endoscopie, le praticien peut recourir à un faisceau d’outils diagnostiques comme la PCR sur sang, la recherche de l’antigène galactomannane ou d’anticorps par Elisa, la culture sur écouvillon trachéal, ou encore l’électrophorèse des protéines. Leur convergence permet d’émettre une hypothèse plus ou moins probable d’aspergillose. En effet, en raison des sensibilités et des spécificités respectives de chaque test, leurs résultats ne devraient être interprétés qu’en les confrontant. Le titre en anticorps ne permet pas d’établir un diagnostic d’aspergillose, bien que les oiseaux infectés soient davantage susceptibles d’être séropositifs. Des titres significativement plus élevés en galactomannane sont observés chez les oiseaux infectés, bien que les valeurs puissent varier selon les phases de réplication d’Aspergillus. La présence d’anticorps limite la sensibilité du test galactomannane. L’électrophorèse des protéines montre une augmentation caractéristique des β et γ-globulines en cas d’aspergillose. Toutefois, ces changements sont aussi parfois observés au cours d’autres processus inflammatoires ou infectieux.

Traitement

La littérature rapporte de bons résultats en associant l’amphotéricine B1 (1,5 mg/kg deux fois par jour par voie intratrachéale, et 1 mg/kg deux à trois fois par jour par voie intraveineuse pendant les quatre premiers jours) et l’itraconazole (5 à 15 mg/kg, deux fois par jour, per os, pendant les cinq premiers jours, puis une fois par semaine pendant trois ou quatre mois). Le voriconazole1 (12,5 mg/kg, per os, deux fois par jour pendant quatre jours, puis une fois par jour) serait à présent reconnu comme plus efficace que l’itraconazole.

Des fumigations d’antiseptique (F10®, 20 minutes, deux à trois fois par jour), associé ou non à de la poudre de terbinafine, constituent un bon traitement adjuvant. Quand l’aspergillose est diagnostiquée tardivement, le traitement n’est généralement pas assez efficace et l’anorexie associée à la détresse respiratoire peut provoquer une cachexie d’apparition rapide, qui vient assombrir encore le pronostic.

  • 1 Médicament disponible en réserve hospitalière.

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