La gestion des risques biologiques en voie de formalisation - La Semaine Vétérinaire n° 1527 du 15/02/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1527 du 15/02/2013

Sécurité

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Auteur(s) : Clarisse Burger

Les évolutions de la réglementation et l’émergence de nouveaux dangers poussent toutes les organisations à mettre en place et à formaliser les dispositifs de sûreté.

Les entreprises agro-alimentaires, les laboratoires et bien d’autres structures peuvent être la cible d’actes malveillants, criminels ou encore terroristes. Ces actions et leurs conséquences sur la santé publique (risques de contamination de la chaîne alimentaire, effets de panique, etc.) et sur l’entreprise (réputation aux niveaux local et international, baisse des exportations alimentaires, etc.) sont à prendre au sérieux. En témoigne l’incident survenu en juillet dernier sur quatre vols de la compagnie Delta Airlines entre Amsterdam et les États-Unis : des aiguilles à coudre ont été retrouvées dans des sandwichs servis à bord, blessant l’un des passagers au palais. L’affaire a immédiatement été traitée comme un acte criminel par la compagnie aérienne américaine, en collaboration avec les instances gouvernementales.

Le secteur agro-alimentaire vulnérable

La dernière séance de la Société vétérinaire pratique de France (SVPF), qui s’est tenue ce mois-ci sur ce thème, a permis de rappeler l’émergence des exigences liées au programme américain Food defense (voir encadré) et aux échanges commerciaux, mais aussi la vulnérabilité de certaines organisations face à ces diverses menaces, ainsi que l’intérêt de mettre en œuvre et de formaliser des mesures de sécurité.

Force est de constater que le secteur agro-alimentaire est vulné-rable, et qu’il n’est pas à l’abri du bioterrorisme ou de l’agroterrorisme, deux menaces non négligeables. Cette problématique avait été soulevée en 2004 par Tommy Thompson, ancien gouverneur américain du Wisconsin, secrétaire de la santé et des health and human services : « Je ne peux comprendre pourquoi les terroristes n’ont pas attaqué nos provisions alimentaires, c’est pourtant si facile à faire. » Encore isolées, les attaques qui utilisent des agents biologiques pour tuer ou blesser des êtres humains, des animaux ou des plantes peuvent entraîner, le cas échéant, de graves conséquences.

Dans cette optique, Olivier Boutou, ingénieur et référent “agro-alimentaire” à l’Association française de normalisation (Afnor), est intervenu lors de la séance de la SVPF pour souligner l’apparition des exigences relatives aux échanges commerciaux et l’importance d’adopter une démarche professionnelle de prévention des dangers. Parmi les méthodes destinées à évaluer les risques des actions malveillantes et leurs conséquences, les principales sont l’analyse de vulnérabilité et la maîtrise des points critiques (méthode HACCP) qui permettent de constituer un dossier dans lequel figureront les procédures et les dispositions de mise en application, et l’outil américain Carver-Shock conçu pour les hiérarchiser.

Une autre approche méthodologique, déclinée en quatre phases postérieures aux étapes préalables (diagnostic sûreté et mesures de prévention), est préconisée par l’Afnor Compétences. Elle inclut l’évaluation des menaces (c’est-à-dire la vulnérabilité de l’organisme), les mesures spécifiques de prévention, puis l’anticipation et la gestion d’un acte malveillant, enfin le suivi, la mise à jour et l’amélioration.

Des vétérinaires sapeurs-pompiers en première ligne

Où en est-on sur le terrain ? Dominique Grandjean, vétérinaire colonel à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et professeur à l’ENV d’Alfort, se focalise sur la prévention des risques biologi­ques et sur la gestion de crise en santé publique vétérinaire. Si les scénarios bioterroristes envisagés sont multiples (aérosolisation, dispersion dans des bâtiments d’aliments, nébulisation dans des lieux publics, sabotage, vectorisation, portage, etc.), certains sont peu vraisemblables (épandage). Mais des menaces de contamination (via l’eau, par exemple) ont déjà eu lieu. « Face aux risques biologiques, des efforts de formation ont été effectués pour prendre en compte les éléments auxquels nous serons confrontés », précise Dominique Grandjean, pour qui il est important, au niveau des zones de défense et de sécurité, d’avoir un référent “risque biologique” de préférence vétérinaire.

S’il existe une prise de conscience par les différents acteurs du risque lié aux laboratoires (accident et attentat), des améliorations sont encore nécessaires, en France comme en Europe. « La majorité des laboratoires sont situés au cœur de zones très urbanisées, dans des locaux souvent exigus et anciens, avec parfois des consignes de sécurité discutables. Des accidents au sein de ces structures ont eu lieu aux États-Unis comme en France », constate Dominique Grandjean. En témoigne la menace à l’anthrax intervenue dans un laboratoire du campus de Maisons-Alfort en 2009.

Dans ce contexte, les missions de la cellule mobile d’intervention biologique de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris sont utiles : elles consistent notamment à évaluer les risques et à prendre des mesures de protection immédiates, à effectuer des prélèvements et à les conditionner en vue de leur envoi aux laboratoires, à assurer la décontamination ou la désinfection des intervenants, à prendre les mesures pour limiter l’extension d’un foyer. Les sapeurs-pompiers sont les premiers à intervenir sur le terrain lors d’un accident ou d’une catastrophe, donc à faire remonter les premières informations sur les risques encourus.

Une expertise sanitaire pertinente

« Un guide de bonnes pratiques de gestion des secours en laboratoire est en voie de finalisation. Nous y travaillons depuis deux ans, avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, pour définir les mesures à prendre. Nous considérons que, dans un an et demi, nous serons experts en matière de gestion opérationnelle immédiate de crise sanitaire. Dès lors, les vétérinaires sapeurs-pompiers présents dans la plupart des départements français pourront ainsi être mis à contribution en première intention », ajoute Dominique Grandjean. Aujourd’hui, pour intervenir dans des zones contaminées, plusieurs matériels sont utilisés, comme le véhicule d’intervention Biotox-Piratox de la gendarmerie nationale, ou les trois nouveaux camions laboratoires de la sécurité civile basés à Paris, à Lille et à Lyon (voir photo).

Face à ces nouveaux défis, le vétérinaire a un véritable rôle à jouer.

« Aujourd’hui, les confrères peuvent – et, à mon sens, doivent – intervenir à toutes les étapes de la production alimentaire, en particulier au niveau des opérateurs agro-alimentaires, aux côtés d’autres professionnels de la santé publique. Ces vétérinaires prouvent au quotidien la pertinence de leur positionnement dans ce segment d’activité. Du fait des compétences qu’ils y exercent, leur implication dans le dispositif Food defense va de soi. Elle confirme la vocation rappelée par le slogan de l’année mondiale de notre profession : vétérinaire pour la santé, vétérinaire pour l’alimentation, vétérinaire pour la planète », conclut Olivier Faugère, inspecteur général de la santé publique vétérinaire, nouveau président de la SVPF et directeur de l’École nationale des services vétérinaires (ENSV).

Le dispositif Food defense

Face aux diverses menaces terroristes, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a proposé un document d’orientation aux gouvernements et aux industriels de l’agro-alimentaire. En France, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) a confié au Conseil général vétérinaire une mission d’étude sur les agents dangereux pour la santé publique et sur la vulnérabilité de la chaîne alimentaire.

Aux États-Unis, les plans Food defense se sont développés pour tous les acteurs de la filière agro-alimentaire. Leurs objectifs sont les suivants :

→ diminuer la probabilité des attaques malveillantes ;

→ limiter les impacts en cas de survenue d’un incident ;

→ protéger la réputation de l’organisme en cause ;

→ satisfaire aux exigences internationales ;

→ rassurer les clients, les consommateurs, les médias, etc.

Les différents risques biologiques

→ Les risques naturels

– risques constants : grippe, méningite, paludisme, mycoses, envenimations, fièvre aphteuse, carie du blé ;

– risques réémergents et émergents : tuberculose, diphtérie, trypanosomiases, Sida, virus Ebola, virus Nipah.

→ Les risques provoqués

– risques accidentels : encéphalopathie spongiforme bovine, listériose, hépatite C, toxi-infection alimentaire collective ;

– risques intentionnels : chantage, guerre, terrorisme.

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