Chirurgie des fractures de l’aile chez les oiseaux - La Semaine Vétérinaire n° 1527 du 15/02/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1527 du 15/02/2013

Formation

FAUNE SAUVAGE

Auteur(s) : Florine Popelin-Wedlarski*, Nicolas Jardel**

Fonctions :
*praticienne au Bioparc-zoo de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire).
**diplomate ECVS, exercice exclusif de la chirurgie en Bretagne.

Les os des oiseaux sont creux, afin d’alléger le squelette pour le vol. Ils présentent une corticale fine et extrêmement minéralisée. Tous les types de montages chirurgicaux utilisés chez les mammifères ne sont pas indiqués. Les plaques et les vis ne peuvent être employées que chez les oiseaux de grande taille et sur certains os (coracoïde), car la pose des vis fragilise l’os et leur ancrage est souvent insuffisant en raison de la faible épaisseur de la corticale. L’enclouage centro-médullaire et le tie-in sont les techniques les plus courantes et qui donnent les meilleurs résultats chez les oiseaux.

Le tie-in consiste en l’association d’un clou centro-médullaire solidaire d’un hémifixateur externe. Il permet une bonne réduction et un excellent maintien, neutralisant à la fois les forces de flexion, de rotation, de compression et de cisaillement, sans être trop lourd. En effet, un montage de poids excessif risque de provoquer des lésions ligamentaires, condamnant le vol. Au contraire, un montage de poids adapté permet à l’oiseau de voler et autorise une rééducation fonctionnelle précoce.

MATÉRIEL

Les clous et les broches doivent être d’une taille adaptée à l’oiseau. Des broches de Kirschner peuvent être utilisées comme clous centro-médullaires. Leur diamètre doit être d’environ la moitié de celui de l’os à son point le plus étroit (au maximum deux tiers du diamètre de l’os, afin de ne pas gêner la cicatrisation endostée). Les broches requises pour le fixateur externe sont dans l’idéal filetées, afin d’assurer un meilleur maintien dans la fine corticale. La barre de connexion du fixateur externe peut être réalisée avec une résine coulée dans un drain de Penrose (poly-méthylméthacrylate, Technovit(r) par exemple) ou encore à l’aide de résine bicomposite polymérisable de bricolage (Pattex(r)). Ces deux solutions sont peu coûteuses et permettent d’obtenir un montage léger. Il est également possible d’utiliser du ciment chirurgical classique, mais il est plus onéreux.

TECHNIQUE DU TIE-IN

Anesthésie

Idéalement, l’intervention chirurgicale est réalisée sous anesthésie gazeuse, qui offre une bonne myorelaxation et une sécurité d’emploi. L’analgésie assurée par un morphinique (butorphanol, 1 mg/kg par voie intramusculaire ou intraveineuse en prémédication) permet de diminuer la quantité d’anesthésique et offre un meilleur confort à l’oiseau.

Préparation du site

L’aile est préparée chirurgicalement. La voie d’abord est dorsale pour l’humérus et l’ulna, des os pour lesquels la pose d’un tie-in est la plus indiquée. Les plumes de couverture sont arrachées délicatement, afin de ne pas déchirer la peau. Les rémiges, les grandes plumes du vol, ne doivent pas être arrachées, au risque de léser leur insertion sur le périoste et de compromettre leur repousse. La peau est ensuite nettoyée chirurgicalement.

Pose du clou

La réduction de la fracture s’effectue en général à foyer ouvert. Le clou centro-médullaire est posé par voie rétrograde ou normograde. Le point de sortie du clou est proximal pour l’humérus (côté épaule) et l’ulna (côté coude), et distal pour le radius. La courbure naturelle de l’os est mise à profit pour faire ressortir le clou au maximum hors de l’articulation, notamment sur l’ulna, afin d’éviter de léser l’insertion du triceps brachial, tout près du coude (voir schéma). L’autre extrémité du clou est poussée jusqu’à l’épiphyse opposée, sans pour autant blesser l’articulation. L’excédent de la broche qui sort de l’os est replié à 90°, afin d’être solidarisé à la barre de connexion du fixateur externe. En le repliant une seconde fois à 90°, s’il est assez long, il peut être utilisé comme barre de connexion.

Pose du fixateur externe

Les broches du fixateur externe sont ensuite posées, une de chaque côté du foyer de fracture au minimum. Deux d’entre elles peuvent être placées sur chaque segment osseux si la taille de l’oiseau et la localisation de la fracture le permettent.

La mise en place des broches requiert une attention particulière. L’os opéré doit être parfaitement maintenu lors de leur insertion. Un rinçage au sérum physiologique stérile est conseillé lors de l’implantation afin de limiter l’échauffement sur l’os (risque de nécrose thermique au point d’entrée). Les broches traversent la première corticale et viennent s’insérer dans la seconde : la profondeur de l’insertion est ainsi contrôlée par palpation (la sortie de la broche est palpée à travers la peau).

L’aile est ensuite repliée en position physiologique avant de mettre en place la barre de connexion. Cette précaution est indispensable afin de prévenir toute rotation anormale des abouts osseux. La barre de connexion peut être réalisée avec un drain de Penrose ou une paille alimentaire en plastique dans laquelle une résine de polyméthylméthacrylate est coulée. Une broche ou l’extrémité du clou centro-médullaire repliée deux fois à 90° conviennent également. Dans ce cas, la connexion entre la barre et les broches est assurée par une résine de bricolage ou du ciment chirurgical. Il est préférable d’utiliser des broches filetées ou de les courber légèrement au site de fixation afin d’assurer une meilleure accroche de la résine et d’éviter les mouvements du montage. Il convient de bien recouvrir les pointes des broches avec la résine pour que le montage ne soit pas vulnérant.

Suture

La peau est suturée, de préférence avec un fil résorbable. Les points en U assurent une meilleure tenue avec moins de risques de déchirer la peau fine.

SOINS POSTOPÉRATOIRES

Une analgésie postopératoire est mise en place, à base de morphinique (butorphanol, toutes les 6 à 12 heures) le premier jour, puis le relais est assuré par un anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam, 1 mg/kg/12 h, par voie sous-cutanée ou per os) pendant quelques jours.

Un pansement en 8 peut maintenir l’aile les premiers jours, notamment en cas de lésions importantes des tissus mous, mais il n’est pas obligatoire. Les soins de la plaie opératoire sont classiques, quotidiens les premiers temps. Ils sont l’occasion de manipuler l’aile, afin d’en entretenir la mobilité, tout en vérifiant la bonne tenue du montage. La plaie chirurgicale peut être laissée à l’air libre.

L’oiseau est hospitalisé dans un contenant dont la taille ne lui permet pas de voler. Un carton ou une cage à parois opaques et lisses sont préférables à une cage à barreaux, car les oiseaux sauvages s’y cassent facilement les plumes, ce qui handicape fortement le vol et compromet donc le relâcher. Il est nécessaire de protéger les extrémités des rectrices (les grandes plumes de la queue) des frottements sur les parois, par exemple en les entourant avec une bande cohésive (jamais de bande adhésive qui abîme le plumage).

RÉHABILITATION ET SUIVI

Dès que la plaie chirurgicale est cicatrisée, l’oiseau peut être placé en volière. C’est le moment de le transférer dans un centre de soins. La reprise rapide de l’activité de vol est possible si le montage est parfaitement stable et assez léger. Outre le fait d’accélérer la cicatrisation et de favoriser un bon remodelage osseux en exerçant rapidement sur l’os les forces à l’œuvre pendant le vol, elle permet une rééducation ligamentaire et articulaire, ainsi que l’entretien de la masse musculaire et le maintien du poids de vol. Tous ces paramètres sont déterminants pour le relâcher de l’oiseau. Les quelques semaines gagnées grâce à une mise rapide en volière sont parfois déterminantes pour le relâcher (espèces migratrices notamment, qui doivent prendre leur envol à l’automne ou passer tout l’hiver en captivité).

Lors de ce passage en volière, il est inutile de protéger le montage avec un pansement. La base des broches peut être enduite de Bétadine(r) pommade. Une surveillance quotidienne à distance et hebdomadaire en main permet de suivre la cicatrisation et la récupération fonctionnelle.

Les premières radiographies de contrôle sont réalisées six à huit semaines après l’opération. Le retrait progressif du montage est envisagé dès qu’un début d’ossification du cal est observé. La diminution graduelle de la stabilité du montage permet de remettre petit à petit des contraintes sur l’os et de stimuler la formation du cal. La première étape (facultative) consiste à désolidariser le clou centro-médullaire de l’hémifixateur externe, en sectionnant simplement la broche. Des radiographies sont réalisées à une semaine d’intervalle. L’enclouage centro-médullaire et le fixateur externe sont enlevés l’un après l’autre.

Après le retrait du montage, au moins six semaines de réhabilitation sont nécessaires, avec un vol forcé et une reprise de la chasse sur des proies vivantes pour les rapaces, avant de relâcher l’oiseau. Cette étape a lieu obligatoirement dans un centre de soins de la faune sauvage.

MISE EN PLACE D’UN TIE-IN CHEZ UN ÉPERVIER D’EUROPE

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