Évaluer les risques professionnels - La Semaine Vétérinaire n° 1526 du 08/02/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1526 du 08/02/2013

Dossier

Auteur(s) : HÉLÈNE ROSE*, STÉPHANIE PADIOLLEAU**

Un métier à risques que celui de vétérinaire. Et quels risques ! Justement, c’est bien là que le bât blesse. La réglementation impose aux praticiens employeurs de veiller à protéger la santé physique et mentale de leurs salariés. Souvent vécue comme une contrainte administrative, la démarche d’évaluation des risques, matérialisée par la rédaction du document unique, est pourtant l’occasion de se pencher sur les dangers auxquels peuvent être exposés les vétérinaires et leurs salariés.

La liste des risques auxquels sont exposés les professionnels dans les cliniques vétérinaires est longue. Il y a d’abord les dangers spécifiques à la pratique, liés au contact avec les animaux, les risques physiques (morsures, griffures), biologiques (zoonoses, infections), chimiques, et dus à l’exposition aux radiations ionisantes. S’y ajoutent ceux, plus courants, rencontrés dans d’autres professions : les risques psychosociaux (relation client, horaires, stress), physiques (chute) ou liés à la manipulation d’objets lourds, au travail sur écran, aux tâches répétitives, etc.

En termes d’exposition aux dangers, une enquête menée durant le congrès australien des veterinary nurses à Brisbane, en 2003, montre que 97 % d’entre elles sont exposées aux rayonnements ionisants, 96 % aux anesthésiques, autant aux désinfectants et produits de nettoyage, et 85 % aux vaccins. Les risques liés à la contention et à la manipulation des animaux se traduisent par des morsures ou des griffures chez 98 % d’entre elles, 71 % ont été piquées par des aiguilles et 43 % ont souffert de lacérations. Plus de 50 % parlent de troubles musculo-squelettiques et d’affections douloureuses chroniques, et 39 % d’allergies. 11 % des nurses présentes à ce congrès ont en outre évoqué une contamination par la maladie des griffes du chat.

En 2006, une étude comparable a été menée chez les praticiens australiens. Elle montre que la moitié d’entre eux ont souffert, durant leur carrière, d’au moins une blessure significative (ayant nécessité une hospitalisation ou cinq jours ou plus d’arrêt de travail). 26 % mentionnent un traumatisme au cours des douze mois précédant l’enquête et 49 % déplorent une affection musculo-squelettique chronique.

SE PROTÉGER LES MAINS…

En France, les accidents du travail enregistrés par la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) sont relativement peu fréquents. Ils concernent moins de 2,5 % des salariés chaque année. Toutefois, leur fréquence a grimpé de 50 % entre 2006 et 2011, alors que le nombre de salariés n’a augmenté que de 18 % dans le même temps (voir graphique 1 en page 30). Près d’un accident du travail sur deux déclarés dans une structure vétérinaire implique un vétérinaire salarié, et la fréquence d’accident la plus élevée concerne les jeunes adultes de 25 à 30 ans (voir graphique 3). Le plus souvent (voir graphiques 2 et 5), les mains sont atteintes et les lésions les plus répandues sont les plaies de morsure ou celles liées à une erreur de manipulation d’objets tranchants.

Annuellement, une dizaine de maladies professionnelles sont comptabilisées, essentiellement des atteintes périarticulaires, quelques affections du rachis lombaire (transport de charges lourdes), puis, plus rarement, des troubles respiratoires ou des allergies, et un ou deux cas de zoonose (pasteurellose, spirochétose ou rickettsiose).

Les accidents de trajet, une cinquantaine par an, sont en nombre relativement stable, mais 60 % concernent les jeunes adultes entre 20 et 30 ans (voir graphique 4).

En termes économiques, les pertes liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles ne sont pas négligeables. Chaque année, 15 000 à 18 000 jours d’arrêt sont imputables aux accidents du travail dans les cliniques vétérinaires. Sans compter les petits tracas de la pratique quotidienne, comme les morsures, les égratignures, les douleurs légères qui, sans nécessiter de soins particuliers, ont néanmoins des répercussions sur l’efficacité des vétérinaires et de leurs salariés.

Souvent vécue comme une contrainte administrative, la démarche d’évaluation des risques, matérialisée par la rédaction du document unique, peut être l’occasion de se pencher sur les dangers auxquels sont exposés les salariés (auxiliaires, agents d’entretien, vétérinaires), mais également les praticiens libéraux. Ensuite, chacun est libre de déterminer les procédures à mettre en place ou les adaptations du lieu de travail afin de limiter la casse.

LA FICHE D’ENTREPRISE, UNE BASE DE RÉFLEXION

La fiche d’entreprise est envoyée par le médecin du travail à la suite de son inspection de la structure vétérinaire réalisée dans l’année qui suit sa création (article D.4624-37 du Code du travail). Outre une synthèse des caractéristiques des locaux et des mesures d’hygiène générale (aération, chauffage, etc.), elle détaille les principaux facteurs de risque (physiques, chimiques, infectieux, etc.) et les effectifs de salariés qui y sont exposés. Elle précise les actions mises en œuvre ou conseillées pour les réduire. Elle récapitule aussi le nombre d’accidents du travail et les maladies professionnelles déclarés pour l’établissement.

Cette fiche peut donc guider la réflexion et la rédaction du document unique, comme cela est prévu par les législateurs. En effet, la circulaire de la Direction générale du travail (DGT) n° 13 du 9 novembre 2012, relative à la réforme de la médecine du travail, en rappelle l’importance, « notamment dans les petites entreprises, dans la mesure où elle constitue un des premiers leviers pour mettre en œuvre une démarche de prévention et pour aider l’employeur dans l’identification et l’évaluation des risques présents dans son établissement ». Ainsi, la fiche d’entreprise « constitue un instrument non seulement de repérage des risques professionnels et des populations concernées, qui s’articule avec le document unique d’évaluation des risques réalisé par l’employeur, mais aussi de sensibilisation et d’information de l’employeur sur les questions de santé au travail ».

Dans les structures d’au moins 11 employés, les délégués du personnel sont également à même de procéder à une analyse des risques, qui peut être utile à la rédaction du document unique. À ce jour, les structures vétérinaires ne sont pas concernées par les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), obligatoires dans les entreprises d’au moins 50 salariés, et qui doivent établir un document d’analyse des risques professionnels.

ADAPTER LA RÉDACTION DU DOCUMENT UNIQUE À SON ACTIVITÉ

Différents documents sont disponibles auprès de la médecine du travail ou sur Internet pour guider chaque praticien à dresser le bilan des risques dans son activité.

Le Guide d’évaluation des risques – Structures vétérinaires1, fruit d’une collaboration entre la Caisse régionale d’assurance maladie (Cram) des Pays-de-la-Loire et nos confrères Didier Schmidt-Morand, Vincent Boureau et Jean-Michel Quillet, contient de nombreux exemples issus de la pratique quotidienne, tant en canine qu’en rurale ou en équine. Pour chaque risque (lié à la contention des animaux, à la contamination par des agents pathogènes, mais aussi aux déplacements dans la clinique, à la conduite de véhicules ou à l’accueil des clients, par exemple), les situations dangereuses y sont détaillées, ainsi que des mesures de prévention adaptées.

La rédaction du document unique suppose une concertation entre le ou les vétérinaires employeurs et les salariés, chacun étant le plus à même de décrire ses situations de travail réelles. Six unités de travail peuvent être définies dans une structure vétérinaire : accueil de la clientèle et gestion des stocks, consultation, imagerie, chirurgie (y compris la préparation), hospitalisation et déplacements. Pour chacune, les situations dangereuses sont inventoriées, puis le risque est estimé selon la gravité potentielle des dommages et la fréquence d’exposition. L’Association interprofessionnelle des centres médicaux et sociaux de santé au travail, dans son Guide ACMS pour l’élaboration du document unique disponible auprès des médecins du travail ou des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP), propose une grille d’évaluation qui repose sur trois critères pour évaluer le risque (voir tableaux) :

> la gravité du dommage : d’une simple gêne, liée à une tâche répétitive ou à un bruit persistant par exemple, jusqu’à un accident (ou une maladie) susceptible d’être mortel ;

> la fréquence d’exposition à la situation dangereuse ;

> l’adéquation et l’efficacité des moyens de prévention existants.

Cette grille distingue le risque brut (gravité x fréquence) du risque résiduel, après l’application des moyens de prévention existants ([gravité x fréquence]/prévention). Cela permet de hiérarchiser les risques d’après la valeur du risque résiduel (voir modèle ci-dessous).

Une première hiérarchisation des risques peut être entreprise à ce niveau. Les mesures de prévention mises en œuvre sont ensuite détaillées, ce qui permet d’estimer le risque résiduel, utile pour déterminer quelles seront les situations à améliorer en priorité. Les moyens de prévention à mettre en place sont consignés dans le document unique. Leur réalisation effective est contrôlée lors de la réévaluation de ce document, en particulier à l’occasion de la mise à jour annuelle.

CADRE RÉGLEMENTAIRE

> L’évaluation des risques

> Cette notion apparaît dans le Code du travail en 1991, après la transposition en droit national de la directive n° 89/391/CEE. L’article L.230-2 introduit d’une part l’obligation pour l’employeur d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs, et d’autre part celle de procéder à l’évaluation des risques et de mettre en œuvre des actions de prévention.

Dix ans plus tard, le décret 2001-1016 du 5 novembre 2001 ajoute l’obligation pour l’employeur « de créer et de conserver un document transcrivant les résultats de l’évaluation des risques », associé à une autre disposition réglementaire qui prévoit un dispositif de sanctions pénales en cas de non-respect des obligations relatives à la prévention des risques.

Actuellement, le Code du travail stipule (articles L.4121-1 à L.4121-4) que « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Ces mesures comprennent :

– des actions de prévention des risques professionnels ;

– des actions d’information et de formation ;

– la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

> Les sanctions encourues

Des sanctions pénales (contraventions de 5e classe, soit 1 500 €) sont appliquées à l’employeur par les agents de l’Inspection du travail lorsque le document unique n’existe pas ou qu’il n’est pas mis à jour selon les modalités prévues (article R.263-1-1 du Code du travail).

Les risques identifiés dans le document unique sont de facto considérés comme connus par l’employeur. Dès lors, le salarié victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle dont le risque était connu peut invoquer une faute inexcusable de son employeur (article L.4131-4 du Code du travail), qui s’expose alors à des pénalités.

NEUF PRINCIPES GÉNÉRAUX À RESPECTER

> Éviter les risques.

> Évaluer ceux qui ne peuvent pas être évités.

> Combattre les risques à la source.

> Adapter le travail à l’homme, en particulier ce qui concerne la conception des postes de travail, ainsi que le choix des équipements et des méthodes de travail et de production, notamment afin de limiter la monotonie et les tâches cadencées, et de réduire les effets de celles-ci sur la santé.

> Tenir compte de l’état d’évolution de la technique.

> Remplacer ce qui est dangereux par ce qui ne l’est pas, ou par ce qui l’est moins.

> Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation des tâches, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral tel qu’il est défini à l’article L.1152-1 du Code du travail.

> Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur celles de protection individuelle.

> Fournir des instructions appropriées aux travailleurs.

QUELQUES SITES À CONSULTER

> Le site de l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) contient de nombreuses fiches de synthèse, en particulier sur les maladies professionnelles ou sur les produits toxiques fréquemment rencontrés dans les cliniques (eau de Javel, formol, etc.). De plus, les fiches de données de sécurité des produits toxiques doivent normalement être mises à disposition par les fabricants.

> Un site de médecins du travail bénévoles, Bossons futé1, présente des fiches métier “vétérinaire” et “ASV en milieu urbain” qui listent les dangers et donnent les références des tableaux concernant les différentes maladies professionnelles reconnues par l’administration.

Le Syndicat national des vétérinaires d’exerice libéral centralise certains de ces documents sur son portail Internet (www.snvel.fr).

Des informations sont également accessibles depuis le site de l’Ordre, en particulier un modèle de document unique2 (voir modèle ci-dessous).

1 www.bossons-fute.fr, fiches n° 53 et 287.

2 www.veterinaire.fr/Recherche/onv_recherche_is.asp

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