Prévention d’une fracture de fatigue… ou d’adaptation - La Semaine Vétérinaire n° 1525 du 01/02/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1525 du 01/02/2013

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : OLIVIER LEPAGE*, SERGE TROUILLET**

Fonctions :
*professeur à VetAgro Sup (Lyon), département hippique. Article tiré de la conférence présentée lors du symposium européen de diffusion des connaissances en sciences équines à Vichy (Allier), le 13 octobre 2012.

La fracture de fatigue concerne au premier chef les galopeurs, à l’entraînement ou en compétition. Les symptômes qu’elle présente reflètent l’état de son évolution. Il est ainsi possible de classer les chevaux qui en sont affectés en trois groupes :

→ ceux qui sont cliniquement sains : ils ne boitent pas, mais un examen par scanner montrerait à l’évidence des lésions osseuses ;

→ ceux qui boitent, avec des lésions osseuses et, parfois, l’apparition de petites fissures ;

→ ceux chez lesquels une fracture sévère est observée.

En l’absence de boiterie, il peut donc ne pas y avoir de symptomatologie. Mais les cavaliers et les entraîneurs qui connaissent bien leur cheval sauront déceler au plus tôt les prémices de cette affection. Ils palperont eux-mêmes la zone la plus sensible : par exemple l’os du canon du membre antérieur, le métacarpe 3. Ils identifieront la douleur en faisant des pressions profondes, le long du canon, le temps que le doigt passe au travers de la peau et révèle la douleur. Selon les cas, un œdème localisé est parfois noté et la boiterie, quand elle existe, est d’intensité variable. Ce type d’affection peut naturellement toucher bien d’autres endroits (humérus, radius, tibia, bassin, colonne vertébrale, etc.).

Des voies de recherche prometteuses

La fracture de fatigue touche essentiellement les jeunes chevaux. Mais il reste à évaluer ses risques de développement. Des travaux prometteurs permettent aujourd’hui d’envisager d’améliorer le diagnostic préventif. Une voie de recherche concerne les biomarqueurs, des substances liées au métabolisme de l’os. Leur niveau de concentration dans les urines, ou dans le sang, pourrait servir à en qualifier l’évolution. Une autre piste concerne l’imagerie médicale. La compréhension de la densité osseuse à partir d’une radiographie est insuffisante. La méthode la plus précise pour l’étudier est la dual X-ray absorptiometry (DXA), par absorption biphotonique à rayons X. L’appareil peut dé­sormais être utilisé de façon mobile chez le cheval, avec une limite cependant : la méthode fonctionne au niveau du canon uniquement.

Chez l’homme, notamment dans les régiments de paracommandos qui souffrent de fractures de stress spécifiques à leur type d’entraînement, il est aujourd’hui possible de prévenir celles-ci grâce à un monitorage non invasif de la structure osseuse, combiné à une adaptation de l’exercice. Chez la femme ménopausée atteinte d’ostéoporose, des corrélations sont aussi établies entre la densité osseuse mesurée à un endroit et ce qui pourrait advenir au niveau de la colonne vertébrale ! C’est loin d’être le cas pour le cheval, mais ce sera peut-être envisagé dans quelques années.

Ne pas altérer le processus naturel de remaniement de l’os

Pourquoi la fracture de fatigue apparaît-elle ? Un os normal vit. Il doit adapter sa structure aux contraintes auxquelles il est soumis. Il est donc en perpétuel remodelage. Les ostéoblastes, qui synthétisent de l’os, travaillent ainsi en synergie avec les ostéoclastes, qui sont capables de résorber l’os. La fracture de fatigue (ou fracture de stress, ou encore fracture d’adaptation, un terme sans doute plus pertinent) engendre une anormalité dans l’équilibre de ce remaniement. Tout le talent d’un entraîneur et d’un cavalier réside par conséquent dans leur capacité à doser l’entraînement de leur cheval, de façon à ne pas altérer ce processus.

La difficulté est d’autant plus grande qu’à la différence du cheval de jumping ou de dressage, le galopeur est un animal jeune, en croissance. La situation se corse également lors­que des médicaments sont administrés. Les bisphosphonates possèdent une action spécifique sur l’os et sur le remaniement, mais quels sont leurs effets réels sur le remaniement d’un animal en croissance auquel, de surcroît, un excès de travail est demandé ? Il manque encore une idée précise de ce phénomène.

La diminution du remaniement peut donc résulter :

→ d’une origine pharmacologique ;

→ d’une activité sportive excessive, non adaptée au cheval ;

→ d’une longue convalescence durant laquelle l’absence de stimuli biomécaniques induit une baisse de la formation osseuse et une ostéopénie de non-usage.

Palpations régulières et entraînement adapté

Prenons le cas du syndrome de la région dorsale du métacarpe. Cette affection douloureuse va d’une tuméfaction des tissus mous et osseux (variante 1) jusqu’à la fracture (variante 2). La variante 1 est surtout rencontrée lors de l’introduction de l’exercice à haute vitesse chez les chevaux immatures. Que se passe-t-il ? L’os essaie de récupérer déjà des premiers traumatismes et il commence à faire un remaniement de renforcement, en déposant de l’os en région corticale et dorso-médiale.

Il convient alors d’arrêter l’entraînement jusqu’à la disparition de la douleur locale, celle générée par la pression avec le doigt, même si la boiterie a déjà disparu. En cas de déformation avec une apposition osseuse, l’arrêt doit durer plusieurs mois. Afin de prévenir cette évolution, l’entraînement est à modifier en introduisant des périodes courtes de travail intense, plus régulièrement et sur un temps plus long. Cela permettra au tissu osseux du cheval d’adapter son remaniement, sa vitesse de cicatrisation des lésions à l’exercice qui lui est demandé.

Arrêt d’office de six mois après une variante 1

La variante 2 affecte généralement un cheval un peu plus âgé. Dans la plupart des cas, il a déjà montré une première fragilité à l’entraînement en développant la variante 1. Il est alors constaté que ce n’est plus la face dorso-médiale qui est touchée, mais surtout la zone dorso-latérale, qui devient davantage susceptible de présenter cette fracture de fatigue. Le cortex du côté médial s’est en effet bien adapté lors de la variante 1. Le remaniement osseux d’adaptation a formé un cortex dorso-médial plus épais et plus solide. Il en résulte une région latérale plus fragile.

Le traitement peut être conservateur, avec du repos et l’utilisation d’ondes de choc, plus ou moins discutée. Il est également possible de recourir à un fixateur interne et à l’ostéostixis. Une vis est placée perpendiculairement à l’axe de fracture, et l’ostéostixis consiste à creuser plein de petits trous autour, dans l’os, afin de créer une inflammation et de chercher les petits vaisseaux sanguins pour constituer un os en région dorso-latérale plus solide. Il apparaît que les animaux qui ont présenté des affections dorsales de variante 1, avec lésion osseuse, sont arrêtés d’office six mois. C’est avec ceux-là que les risques de récidive sous la forme d’une variante de type 2 sont les plus faibles.

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