L’entérite nécrotique : une maladie émergente chez les volailles - La Semaine Vétérinaire n° 1522 du 11/01/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1522 du 11/01/2013

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/VOLAILLES

Auteur(s) : Karim Adjou*, Khaled Kaboudi**

L’entérite nécrotique est une affection du tube digestif des volailles d’origine bactérienne. Pendant des années, elle est restée une maladie sporadique dont l’impact économique était mineur. Aujourd’hui, elle est considérée comme l’une des affections émergentes qui menacent les élevages avicoles.

Clostridium perfringens type A est le plus incriminé

L’infection par Clostridium perfringens se traduit par différen­tes manifestations cliniques et lésionnelles, dont l’entérite nécrotique, la dermatite nécrosante, la cholangio-hépatite et l’érosion du gésier. C. perfringens est un bacille à Gram positif, immobile, sporulé et anaérobie. Ce germe pathogène fait partie de la flore cæcale des volailles. Il sporule lorsque les conditions du milieu sont hostiles. Cette forme végétative lui offre une grande résistance à la dessiccation et à l’action des acides.

Cinq biotypes (A, B, C, D et E) sont distingués, en fonction de leur capacité à synthétiser ou non les quatre toxines létales majeures α, β, ε, et ι (Songer, 1996). Récemment, une nouvelle toxine (NetB) a été détectée pour C. perfringens type A, isolée à partir de poulets atteints d’entérite nécrotique. Elle est considérée comme un facteur majeur de virulence à l’origine d’une infection grave.

Plusieurs facteurs de risque d’apparition de la maladie

La présence de C. perfringens en nombre élevé dans les intestins des oiseaux ou l’inoculation d’une forte dose de clostridies ne déclenche généralement pas la maladie (Hafez, 2010). à la suite d’un dysfonctionnement du tractus digestif et d’une perturbation de la flore intestinale, plusieurs facteurs favorisants et d’autres prédisposants semblent être à l’origine de l’apparition des symptômes et des lésions.

La nature de la ration alimentaire constitue le principal élément non infectieux qui contribue à l’installation de l’entérite nécrotique. En étudiant l’effet de différentes rations sur la survenue de la maladie, il est apparu que celles à base d’orge ou de blé favorisent la prolifération de C. perfringens dans les intestins des poulets, par rapport à un régime de maïs (Annett et coll., 2002). En effet, la richesse du blé et de l’orge en polysaccharides non amylacés (PSNA) augmente la viscosité du contenu intestinal et crée une anaérobiose bénéfique à la multiplication des clostridies. Par ailleurs, les animaux qui ont reçu des rations à base de blé ou d’orge sont dix fois plus exposés à l’entérite nécrotique que ceux nourris au maïs, avec une mortalité deux fois plus élevée (Kaldhusdal et Skjerve, 1996). De même, des rations riches en énergie et/ou renfermant des taux élevés de protéines, en particulier d’origine animale, favorisent l’apparition de l’entérite nécrotique par l’augmentation du nombre de clostridies dans les intestins.

L’action synergique entre C. perfringens et les coccidies (Eimeria maxima, Eimeria brunetti, Eimeria necatrix) est actuellement bien établie. Les lésions intestinales sont plus sévères chez les poulets inoculés simultanément par Eimeria maxima et C. perfringens, comparativement aux animaux qui reçoivent uniquement de fortes doses de clostridies.

L’utilisation des antibiotiques, facteurs de croissance chez les volailles, avait des effets bénéfiques sur la production des animaux. Mais leur interdiction depuis quelques années s’est accompagnée de l’émergence de plusieurs maladies bactériennes, notamment l’entérite nécrotique.

Les animaux en pleine croissance et élevés au sol davantage touchés

La majorité des cas d’entérite nécrotique s’observent chez les volailles en pleine croissance élevées au sol (surtout chez le poulet sous label en France). En effet, l’affection est souvent diagnostiquée entre deux et six semaines chez le poulet et majoritairement entre six et huit semaines chez le dindon, période pendant laquelle l’alimentation est importante pour satisfaire les besoins de croissance. Mais l’entérite nécrotique peut apparaître chez des volailles plus âgées, de trois à six mois, qui présentent souvent des lésions de coccidiose.

Forme aiguë ou subclinique de l’entérite nécrotique

La forme classique de l’affection se caractérise par une mortalité brutale, souvent sans signes précurseurs, si ce n’est une diarrhée et une prostration. À l’autopsie, la carcasse montre un état de putréfaction, même chez des animaux morts récemment. Les intestins sont distendus avec une paroi amincie et un contenu en “mie de pain”, renfermant de fausses membranes parfois mêlées de sang et d’aliment intact non digéré. Ces lésions sont surtout localisées au niveau du jéjunum et de l’iléon, mais peuvent toucher également les cæca et le duodénum. Leur étendue et leur gravité font l’objet d’une classification selon différents systèmes (en fonction des auteurs, voir tableau).

À partir de la muqueuse intestinale, C. perfringens peut emprunter la circulation porte et/ou les canaux biliaires pour gagner le foie. À ce niveau, il induit parfois des lésions de cholangiohépatite avec des piquetés hémorragiques et des foyers de nécrose ponctiforme qui envahissent la surface de l’organe (Lovland et Kaldhusdal, 1999). La vésicule biliaire est distendue en raison de l’accumulation de la bile.

Dans la forme subclinique, l’entérite nécrotique se manifeste par une altération des performances zootechniques, résultat des lésions dues à C. perfringens au niveau de la muqueuse intestinale. La digestion et l’absorption des nutriments se trouvent fortement perturbées. À l’autopsie, des lésions de cholangiohépatite peuvent être observées.

Identification de l’agent pathogène et de ses toxines en laboratoire

L’isolement de C. perfringens peut se réaliser à partir de l’intestin ligaturé (germe anaérobie). Cependant, le recours à la bactériologie classique est rendu difficile par les besoins de la culture spécifique, qui exige une utilisation rapide de prélèvements de bonne qualité. Cela rend l’interprétation délicate dans la mesure où C. perfringens fait partie de la flore digestive normale des oiseaux. D’autres tests sont plus efficaces pour établir le diagnostic. Ainsi, l’immunohistochimie (l’immunoperoxydase, par exemple) offre la possi­bilité de détecter le germe en question dans les tissus nécrosés.

Différents tests Elisa sont actuellement utilisés. Un nouveau a été mis en œuvre, afin de pouvoir juger de l’intégrité intestinale chez les volailles. Le Clostridium First-Test® permet le dénombrement des clostridies dans les fèces fraîches des animaux.

Prévention de la prolifération de C. perfringens

Le recours aux antibiotiques incorporés dans l’alimentation est une approche de moins en moins utilisée en raison de l’émergence d’antibiorésistances et de l’inefficacité des molécules destinées au traitement de la maladie (pénicilline, oxytétracycline, lincomycine, tylosine, etc.).

L’exclusion compétitive a été mise en œuvre afin de prévenir l’entérite nécrotique chez les poulets. L’objectif est d’empêcher la prolifération de C. perfringens dans les intestins de poussins contaminés, en leur inoculant une flore microbienne composée de Lactobacillus acidophilus, de Streptococcus feacalis ou de Bacillus subtilis.

L’efficacité des acides organiques contre les salmonelloses aviaires et les infections à Campylobacter est prouvée. De même, leur incorporation dans l’alimentation et/ou l’eau de boisson permet de limiter la prolifération de C. perfringens grâce à la diminution du pH intestinal et à l’inhibition du métabolisme biochimique des bactéries pathogènes. L’ajout de produits tels que le lactose dans l’alimentation des poulets semble réduire l’incidence de l’entérite nécrotique. Cela peut s’expliquer par le germe en question qui est capable de fermenter le lactose, ce qui limite la colonisation des intestins, en faveur de la prolifération de bifidobactéries, bénéfiques pour l’organisme de la volaille.

Enfin, le recours à l’immunisation des poulets par différentes protéines bactériennes, notamment l’-toxine, offre aux animaux une protection significative vis-à-vis des épreuves virulentes par C. perfringens (Kulkarni et coll., 2007). Dans le même contexte, les poulets de chair qui ont reçu une dose de vaccin contenant un toxoïde (une toxine atténuée) de C. perfringens type A présentaient un meilleur poids vif par rapport aux animaux témoins non vaccinés (Delmar, 2010).

Retrouvez sur WK-Vet.fr les diagrammes “Principaux facteurs de risque d’apparition de la maladie”, et “Mécanisme d’action de Clostridium perfringens”, ainsi qu’une bibliographie.

http://www.wk-vet.fr/mybdd/ visu=164&article=164_4115

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