DEUX JEUNES VÉTÉRINAIRES FRANÇAIS EN MISSION AU PÉROU - La Semaine Vétérinaire n° 1522 du 11/01/2013
La Semaine Vétérinaire n° 1522 du 11/01/2013

Reportage

Auteur(s) : Gaël Berthévas*, Élisabeth Kugler**

Lagunas est un village de 10 000 habitants situé dans la province de Loreto, au Pérou. Implanté sur les rives du rio Huallaga, un affluent de l’Amazone, il est accessible uniquement par bateau. Ce bourg est la porte d’entrée de la plus grande réserve nationale du pays, Pacaya Samiria. Avec plus de deux millions d’hectares de forêt primaire, sa faune et sa flore particulièrement riches attisent les convoitises : pêche, braconnage, déforestation, prélèvements sauvages d’espèces pour la revente à l’international, etc.

Les difficultés de l’élevage aviaire favorisent le braconnage

L’isolement de Lagunas contraint les habitants à se nourrir de produits locaux et à élever des poules pour leur consommation, mais aussi pour les vendre sur les marchés. Cependant, chaque année, une épizootie décime ces élevages. Elle est due aux contacts fréquents avec les animaux sauvages et aux conditions d’élevage rudimentaires. Le fragile équilibre alimentaire et économique de Lagunas est menacé. En effet, par manque de gibier, les villageois sont contraints de chasser dans la réserve de Pacaya Samiria. Ce braconnage vise les singes laineux Lagothrix lagotricha dont l’espèce est classée comme “vulnérable” sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Même les enfants les considèrent comme de la nourriture. « Un jour où nous transportions un singe laineux, des enfants l’ont regardé en souriant. Ils l’ont pointé du doigt en disant : “Celui-là, il se mange” », évoque un bénévole de l’association.

L’association protège la faune locale

À Lagunas, l’association franco-péruvienne Ikamaperou recueille les singes laineux saisis par les autorités dans son centre de la Media Luna. Une fois soignés, ils sont placés dans un enclos pour vivre au sein d’un groupe. De là, ils peuvent accéder chaque jour à une forêt surveillée. Les singes ne sont relâchés dans leur milieu naturel, la réserve de Pacaya Samiria, que si des conditions sanitaires et comportementales strictes sont remplies : ils doivent être en bonne santé, socialisés, capables de se nourrir seuls, de vivre en groupe, de se déplacer dans les arbres, être indemnes de tuberculose et d’hémoparasites, et présenter un électrocardiogramme sans anomalie. Par ailleurs, l’association s’occupe aussi d’aras (Ara ararauna, Ara macao). Ceux qui sont domestiqués ne savent pas se nourrir seuls dans la nature et ne peuvent donc pas être relâchés. Ikamaperou leur donne des conditions de vie décentes en semi-liberté. Leurs œufs sont confiés à des programmes d’élevage et de réintroduction.

Des écovolontaires français apportent régulièrement leur aide dans des domaines variés : sensibilisation à la protection de l’environnement dans les écoles, socialisation de jeunes singes laineux, organisation du premier système de collecte des déchets ou étude de la déforestation. La vente de souvenirs à des touristes qui visitent la réserve représente également une source de revenus supplémentaire.

Une organisation vétérinaire prête main-forte

Pour lutter contre le braconnage, Hélène Collongues, présidente d’Ikamaperou, a fait appel à l’organisation vétérinaire française Yaboumba, qui a étudié les méthodes d’élevage aviaire et les difficultés rencontrées. Des dysfonctionnements sont rapidement apparus : « Les animaux divaguaient d’un jardin à l’autre et buvaient l’eau croupie du bord des routes. Aucune mesure de prophylaxie médicale ou sanitaire n’était présente. Un élevage était atteint par la variole. »

Concernant l’épizootie annuelle, « les symptômes et les conditions épidémiologiques ont fait suspecter une maladie de Newcastle. Nous avons remarqué que seuls les élevages vaccinés contre cette maladie étaient épargnés chaque année. Une confirmation par PCR [polymerase chain reaction] n’a, hélas, pas été possible », explique un membre de Yaboumba.

L’association a organisé deux conférences sur la place du village afin d’expliquer aux habitants l’intérêt de séparer les espèces, d’arrêter la divagation (comblement des clôtures) et de vacciner les poules.

Une vétérinaire de Lima a également été contactée. La maladie de Newcastle étant soumise à un plan d’éradication au Pérou, elle projette d’effectuer des prélèvements et d’organiser une campagne de vaccination, en lien avec les autorités sanitaires et l’école vétérinaire de Lima.

L’implication de la population locale est primordiale pour assurer la pérennité d’un projet de protection. Par son action, l’association Yaboumba espère « augmenter les chances de réussite des relâchers de singes laineux par l’association Ikamaperou ».

Peu de moyens, mais une forte implication des étudiants

Outre leur intervention auprès des villageois, les étudiants membres de Yaboumba ont eu l’occasion de soigner les singes du centre : plaies de morsures, troubles dermatologiques et neurologiques. Ils ont aussi nourri, soigné et relâché dans la réserve de Pacaya Samiria, 330 tortues matamata (Chelus fimbriata), sur les 360 saisies à l’aéroport de Lima. Leur transport dans des conditions précaires (en avion, en camion, en moto et en pirogue, dans des boîtes en plastique sans nourriture) avait déclenché une mue précoce et les tortues mouraient une à une. Le centre ne dispose que du matériel minimal pour soigner les animaux qu’il recueille : quelques antibiotiques, antiparasitaires, anesthésiques et désinfectants, des produits topiques, des fils de soie pour les sutures, des gants et du coton. Une table recouverte d’une couverture sert pour les opérations. Il n’y a pas de microscope ni de trousse de base de chirurgie. En cas de nécessité, le matériel chirurgical est emprunté à l’hôpital et les analyses microscopiques sont confiées à son personnel. Pour trouver une paire de ciseaux il faut sortir de l’infirmerie et aller dans les cuisines. Habitué à soigner des singes, le centre ne dispose pas de matériel spécifique à l’hospitalisation de tortues aquatiques. Avec les moyens disponibles sur place, seul un relâcher dans leurs conditions naturelles pouvait sauver une partie d’entre elles.

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