Prise en charge de la douleur chez les petits mammifères herbivores - La Semaine Vétérinaire n° 1518 du 30/11/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1518 du 30/11/2012

Formation

NAC

Auteur(s) : MINH-THI HUYNH*, TANIT HALFON**

Fonctions :
*praticien au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne). Article rédigé d’après une conférence organisée par l’Afvac Ile-de-France en janvier 2012.

Points forts

– Les signes cliniques de la douleur sont souvent frustes chez les petits animaux.

– Le premier élément de gestion de la douleur lors d’une intervention est la maîtrise de la technique chirurgicale elle-même.

– La morphine est la molécule de référence pour les douleurs aiguës.

– Une anesthésie locale est préconisée dans le cadre de l’analgésie préopératoire.

– L’usage d’AINS, bien tolérés chez les petits mammifères herbivores, permet la gestion au long cours des douleurs chroniques.

La douleur est définie comme une sensation désagréable face à un stimulus qui est soit direct (traumatisme, chirurgie), soit diffus (douleur digestive, douleur chronique, stress). Un petit mammifère herbivore peut réagir de manière exagérée face à une sensation douloureuse, et son pronostic vital est alors mis en jeu.

Les signes cliniques de la douleur sont souvent frustes. Une anorexie, un grincement de dents ou encore une prostration doivent alerter le praticien. Plusieurs molécules sont utilisables chez les rongeurs et les lagomorphes. Leur usage combiné est indiqué dans de nombreuses situations.

ANALGÉSIQUES

Voie parentérale

La morphine est la molécule de référence pour les douleurs aiguës, à raison de 0,5 à 1 mg/ kg/6 heures. La possible stase digestive secondaire à son emploi est à surveiller.

La buprénorphine est utile lors de douleurs modérées, à la dose de 0,02 à 0,05 mg/kg/ 6 heures Elle ne doit pas être utilisée en première intention, car elle n’est pas dose dépendante : si l’animal ressent toujours de la douleur après son administration, lui en redonner ne changera rien.

Le fentanyl s’utilise à la posologie de 0,025 mg/kg/20 minutes.

Le butorphanol n’est pas intéressant dans le cadre d’une analgésie, mais plutôt pour ses propriétés sédatives.

Voie entérale

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont indiqués pour les douleurs chroniques et ostéo-articulaires. La posologie du méloxicam est de 0,5 à 1 mg/kg/12 heures, celle du carprofène de 4 mg/kg/ 12 heures. La tolérance au méloxicam est bonne chez les petits mammifères, selon l’expérience du conférencier.

Enfin, la gabapentine peut être utilisée à une dose initiale de 10 mg/kg (jusqu’à 50 mg/kg). Elle est anecdotiquement préconisée avec succès par notre confrère.

Patchs

Le système de relargage continu le plus simple est le patch transdermique. La peau de l’animal est tondue sur une face thoracique ou sur le dos. Elle est ensuite préparée avec de l’eau sur un carré correspondant aux dimensions du patch. Le carré de peau est ensuite séché à l’air libre. L’utilisation de l’alcool ou d’un quelconque désinfectant cutané est à proscrire sous peine d’altérer l’absorption du patch. De la même manière, il ne faut pas couper un patch, mais occlure son adhésion sur la peau.

Pour un patch de buprénorphine, un quart de carré à 20 µg/h est nécessaire pour un lapin de 1 à 3 kg.

Pour un patch de fentanyl, un demi-carré de 25 µg/h est requis pour un lapin de 1,5 à 3 kg. Sa durée d’action est de 24 à 48 heures.

L’efficacité du patch sur une douleur aiguë est modérée. Il convient donc de lui associer un autre analgésique dans le cas de traumatismes importants (fractures, procédures invasives, etc.).

Perfusion continue

Il existe des protocoles d’analgésie à perfusion continue (voir encadré), utiles en cas de douleur suraiguë. Ils combinent un opioïde (fentanyl ou morphine), un anesthésique local (lidocaïne) et un bloqueur des récepteurs NMDA (kétamine). Ces combinaisons préviennent également les arythmies. L’idéal est d’administrer le mélange à l’aide d’un pousse-seringue pour ajuster le débit.

ANESTHÉSIQUES

Molécules

En phase préopératoire, une anesthésie locale est utile pour prévenir la douleur. Un mélange de lidocaïne (dose maximale de 4 mg/kg) et de bupivacaïne (dose maximale de 2 mg/kg) est alors utilisé. La lidocaïne procure une anesthésie de 1 à 2 heures, la bupivacaïne de 6 à 8 heures.

Applications

→ Bloc sur la ligne d’incision : la ligne d’incision est infiltrée quelques minutes avant l’intervention chirurgicale à l’aide de la solution anesthésique (par exemple dans le cadre d’une ovariectomie).

→ Bloc testiculaire : le mélange est injecté directement dans chaque testicule, en veillant à ne pas léser l’artère testiculaire. Après l’insertion de l’aiguille, le piston est tiré pour vérifier l’absence de retour sanguin. Puis l’aiguille est retirée progressivement, tout en déposant de la solution le long du trajet.

→ Bloc maxillo-facial : il est utile pour les soins dentaires. Il existe 5 types différents de blocs faciaux : infra-orbitaire, palatin, mandibulaire, maxillaire et mentonnier. Le plus simple à réaliser est le bloc infra-orbitaire. Il permet d’isoler la sensibilité des incisives et des prémolaires supérieures. Le praticien palpe le foramen infra-orbitaire en avant de l’orbite, cranialement à l’arcade zygomatique et latéralement au sinus respiratoire. La solution est instillée à quelques millimètres du foramen.

→ Épidurale : l’animal est placé en décubitus ventral, les postérieurs repliés sous son corps. L’aiguille est insérée entre L7 et S1 ou L6 et L7. Seuls les animaux facilement sondables sont concernés par cette technique analgésique afin de surveiller au mieux leur fonction urinaire.

→ Anesthésie locale in situ : lorsqu’une plaie est présente sur un site douloureux (amputation par exemple), un anesthésique local peut être administré en bolus, via un cathéter placé in situ. La tubulure du cathéter est fenestrée et celui-ci est inséré dans la peau saine. Son extrémité est dirigée vers le site douloureux et est enfouie par les sutures sous-cutanées. Un mélange de lidocaïne/bu­pivacaïne, à la dose de 1 mg/kg chacun, est administré. L’ajout de dexmédétomidine (1 µg/kg) potentialise son effet.

QUELQUES EXEMPLES

Analgésie de convenance

L’utilisation d’un bloc (sur la ligne d’incision ou testiculaire) est combinée avec un AINS (méloxicam) ou un opioïde (buprénorphine) en phase préopératoire. Cela permet de diminuer la quantité d’isoflurane par la suite. Attention toutefois, si l’animal n’est pas correctement perfusé au cours de l’intervention, il est préférable d’utiliser l’AINS en période postopératoire.

Analgésie dentaire

Dans ce cadre, le recours à un bloc maxillo-facial est indiqué.

Analgésie médicale

Dans le cas d’une stase gastrique, il est possible d’utiliser le méloxicam et la buprénorphine.

Face à une stase généralisée, notre confrère préconise plutôt une analgésie à perfusion continue (fentanyl, lidocaïne, kétamine).

PROTOCOLE D’UNE PERFUSION CONTINUE D’ANALGÉSIQUES

→ Fentanyl à raison de 1 à 3 µg/kg/h ou morphine à la dose de 0,15 à 0,3 µg/kg/h.

→ Lidocaïne à la posologie de 0,6 à 0,75 µg/kg/h.

→ Médétomidine à raison de 1 à 3 µg/kg/h ou kétamine à la dose de 0,1 à 1 mg/kg/h.

Par exemple, pour une perfusion de 500 ml de NaCl pour un débit de 1 ml/kg/h, il faut les doses suivantes :

→ 12 ml de fentanyl à 0,05 mg/ml (0,0012 mg/kg/h) ;

→ 15 ml de lidocaïne à 20 mg/ml (0,6 mg/kg/h) ;

→ 0,6 ml de kétamine à 100 mg/ml (0,12 mg/kg/h).

Le fentanyl peut être remplacé par 5 ml de morphine à 15 mg/ml (0,15 mg/kg/h).

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