Plan EcoAntibio 2017 : utiliser « moins et mieux » les antibiotiques - La Semaine Vétérinaire n° 1517 du 23/11/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1517 du 23/11/2012

Dossier

Auteur(s) : Éric Vandaële

La filière porcine, fortement consommatrice d’antibiotiques en tonnes, décroche une double médaille d’or. Elle a divisé par deux en un an l’usage des céphalosporines de dernière génération, et c’est la seule qui consomme moins d’antibiotiques en 2011 qu’en l’an 2000, grâce à la dégringolade des aliments médicamenteux. Chez les bovins, les chiens et les chats, « les progrès régressent », indique le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll. Il menace d’inscrire dans la loi, à la fin de l’an prochain, un « découplage total de la prescription et de la délivrance » du médicament vétérinaire.

Le « découplage total de la prescription-délivrance » peut-il faire utiliser « moins et mieux » les antibiotiques par les vétérinaires, les éleveurs et les propriétaires d’animaux de compagnie ? La question est posée par le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, « sans tabou ni a priori ». Il l’a répété, le 14 novembre 2012, lors du colloque organisé à son ministère sur le plan EcoAntibio 2017 et l’« évaluation de la consommation d’antibiotiques vétérinaires »1.

Il martèle devant son auditoire un message « simple » et « clair » : « Utiliser moins en utilisant mieux les antibiotiques. » C’est son leitmotiv. Faire « mieux » dans la prévention et l’hygiène pour prescrire « moins » d’antibiotiques. « Il faut sortir de la logique de la prévention par les antibiotiques pour aller vers une logique de précision. Les antibiotiques ne doivent être utilisés que quand c’est nécessaire, uniquement quand c’est nécessaire. »

LE DÉCOUPLAGE TOTAL : UNE MENACE SIMPLE ET CLAIRE

Mais le message « simple et clair » du ministre sonne aussi comme une menace pour les vétérinaires. Car « s’il faut aller jusqu’au découplage total de la prescription et de la délivrance, cela sera inscrit dans la loi d’avenir de l’agriculture », qui sera déposée au Parlement à l’automne 2013. Le Conseil général de l’agriculture examinera ce scénario parmi d’autres (interdiction des contrats commerciaux, encadrement des marges de revente, etc.). « Je suis décidé à ouvrir toutes les hypothèses. Je prendrai ensuite une décision, au printemps 2013. Je sais aussi que les éleveurs ont besoin d’un réseau de vétérinaires compétents. » C’est une contrainte mais, pour le ministre, l’antibiorésistance reste « la pire chose » qui puisse arriver aux antibiotiques.

UNE NOUVELLE TAXE SUR LES MÉDICAMENTS

Stéphane Le Foll veut aussi donner aux antimicrobiens un statut juridique et spécifique de « bien public ». Il envisage ainsi « d’encadrer la prescription des antibiotiques critiques et d’interdire leur utilisation préventive pour préserver leur efficacité ».

Le ministre a dégagé un budget de 2 millions d’euros en 2013 pour ce plan contre l’antibiorésistance. Pour le budget 2014, il souhaite ouvrir, avec le ministère des Finances, une « réflexion sur la réforme de la fiscalité des médicaments vétérinaires, avec pour objectif de favoriser leur utilisation responsable et de contribuer au financement du plan EcoAntibio 2017 ». Là aussi, cela devrait être inscrit dans les projets de lois d’avenir et des finances de la fin 2013.

DE LA MESURE N° 29 D’INTERDICTION DES REMISES À LA MENACE DU DÉCOUPLAGE

Au ministère de l’Agriculture, la question du découplage était jusqu’à présent « un tabou ». Tous les ministres avant Stéphane Le Foll avaient réaffirmé leur attachement au couplage prescription-délivrance. Il y a un an, Bruno Le Maire était toutefois inquiet. Il « comptait préserver le système, mais pour autant qu’il soit crédible ». Car, pour « défendre » le couplage, il avait proposé d’interdire les remises arrière et « toutes les formes de pratiques commerciales qui lient les vétérinaires aux laboratoires pharmaceutiques ». C’était la fameuse mesure n° 29 du plan national contre l’antibiorésistance.

Dans le même temps, le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) venait de créer, non sans polémiques, une nouvelle filiale commerciale, Isovet, la plus grosse centrale de négociation des remises arrière, avec 1 200 praticiens adhérents. Pourtant, Bruno Le Maire soulignait déjà « le risque que le système implose de lui-même, avec des conséquences bien plus graves sur le lien entre les vétérinaires et les éleveurs ». Il avait alors proposé au Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires de s’atteler, avec toutes les parties concernées, à la « construction d’un modèle irréprochable, transparent, acceptable par tous ». Il lui demandait « de bâtir une logique de long terme pour préserver les relations commerciales entre laboratoires et vétérinaires de toute forme de critique ».

L’Ordre a échoué dans cette mission de « construire » un nouveau système « sans aucune remise ni contrat commercial ». D’ailleurs, tous les vétérinaires ou presque y étaient opposés. Seuls les industriels, à travers leur syndicat, y étaient favorables.

Le discours de Stéphane Le Foll n’est finalement pas si éloigné de celui de Bruno Le Maire. Mais il prend acte de l’échec de son prédécesseur d’avoir projeté d’interdire, par décret et non via la loi, « toute forme d’incitation commerciale ». Le ministre privilégie donc désormais la loi, qui lui permettra de proposer au Parlement des modifications des pratiques commerciales beaucoup plus significatives. Cela introduit aussi une inconnue, donc un risque supplémentaire, lié au débat législatif et au vote d’amendements incontrôlés. La menace se précise pour les vétérinaires.

DISCOURS DE STÉPHANE LE FOLL LES 4 POINTS FORTS

« Un examen sans tabou ni a priori du découplage prescription-délivrance, afin de supprimer toute forme d’incitation commerciale. »

« Utiliser moins et mieux les antibiotiques. Uniquement quand c’est nécessaire. D’énormes progrès restent à faire. »

« Donner un statut juridique spécifique aux antibiotiques », notamment critiques, de manière à les interdire en prévention.

« Réfléchir à une taxe sur les médicaments, perçue auprès des industriels, pour financer le plan antibiorésistance. »

MORATOIRES, INTERDICTIONS OU RÉVISION DES MARGES DES VÉTÉRINAIRES À L’ÉTUDE

Le Centre d’analyse stratégique, une institution d’expertise placée auprès du Premier ministre, a également rendu ses propositions au gouvernement, le 15 novembre dernier, pour faire face à l’antibiorésistance. Pour cet organisme d’aide à la décision, « la surconsommation massive des antibiotiques chez l’homme comme chez l’animal depuis 60 ans » est à l’origine de la diffusion des résistances. Il propose donc de « réduire drastiquement la consommation. Restreindre l’usage des fluoroquinolones, des céphalosporines de dernière génération (C3G/C4G) et des carbapénèmes apparaît comme une priorité sanitaire pour limiter les impasses thérapeutiques ».

Dans le domaine vétérinaire, cette institution ne propose pas un découplage de la prescription et de la délivrance, « trop difficile à appliquer à court terme ». Car « les revenus des vétérinaires (surtout ruraux) dépendent trop largement de la vente de médicaments. Toutefois, il serait nécessaire de repenser leurs missions et leurs modes de rémunération, en basculant progressivement les marges du médicament vers le conseil ».

Le moratoire de la filière porcine sur les C3G/C4G est cité en exemple. Le centre « encourage les principales filières d’élevage à adopter des moratoires similaires, surtout pour les fluoroquinolones et les céphalosporines », et à évaluer leur application sur le terrain. « En l’absence de résultats concluants, il sera nécessaire d’avoir recours à une interdiction réglementaire. »

EN BREF

Découplage néerlandais « trop coûteux ». Les Pays-Bas se sont engagés dans une réduction drastique de leur consommation d’antibiotiques vétérinaires : + 13 % en 2010, – 32 % en 2011, – 51 % en 2012 par rapport à 2009. Les objectifs sont atteints et mêmes dépassés. Pour la directrice des services vétérinaires néerlandais, diminuer de moitié la consommation d’antibiotiques ne semble pas si difficile. Il n’y a pas eu davantage de maladies. Ni les bâtiments ni les conduites d’élevage n’ont été modifiés. Mais il sera peut-être plus difficile d’atteindre le nouvel objectif de - 70 % en 2015. En 2009, ramenée au poids des populations animales présentes, la consommation d’antibiotiques aux Pays-Bas (165 mg/kg) était un peu plus élevée qu’en France (141 mg/kg). L’administration néerlandaise a été « désagréablement surprise » par le comportement des vétérinaires qui, comme en France, prescrivent et délivrent les médicaments. Mais le découplage est apparu comme une solution « trop coûteuse ». Désormais, les éleveurs ne peuvent faire appel qu’à un seul vétérinaire pour se procurer des antibiotiques, celui qui réalise le plan sanitaire de l’élevage. En cas de refus de ce système, les antibiotiques ne sont plus délivrés aux éleveurs, mais exclusivement administrés par le vétérinaire.

Antibiogrammes. « Utiliser moins et mieux les antibiotiques » nécessite de faire « plus d’antibiogrammes ». Le Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales (Resapath) de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) collecte les résultats d’environ 30 000 antibiogrammes par an. C’est deux fois moins que ceux réalisés par un seul hôpital de province.

Cartons jaunes ou rouges au Danemark. Le pays a commencé à réduire ses consommations d’antibiotiques dès 1990, en retirant la vente des médicaments aux vétérinaires, comme dans d’autres États scandinaves. Aujourd’hui, il est de nouveau possible au vétérinaire danois de vendre des médicaments aux éleveurs « sous contrat », dont il doit visiter les élevages au moins une fois par mois. Les marges sont plafonnées à un faible niveau. Depuis 2010, le plan danois cible plus directement les éleveurs de porcs, avec un système de cartons jaunes ou rouges. Un quota maximal de jours de traitement antibiotique est fixé par animal. Lors de dépassement, l’éleveur reçoit un carton jaune assorti d’une sanction financière, et la quasi-obligation de mettre en place des actions correctives. Après deux cartons jaunes vient le carton rouge : la densité de l’élevage est réduite, ainsi que son accès aux antibiotiques. En un an, ce système a permis de réduire de 25 % la consommation d’antibiotiques en élevages porcins.

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