Défense chimique de l’œuf : de nombreuses protéines sont impliquées - La Semaine Vétérinaire n° 1517 du 23/11/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1517 du 23/11/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/VOLAILLES

Auteur(s) : LORENZA RICHARD

L’œuf de poule contient de nombreuses molécules qui possèdent des activités protectrices, physiques (coquille) et chimiques (moléculaires). Elles garantissent le développement optimal de l’embryon et la qualité sanitaire de l’œuf commercialisé.

Les mécanismes de défense chimique reposent sur la présence de protéines dans tous les compartiments de l’œuf, bien qu’essentiellement dans le blanc. Afin d’en établir la liste, Sophie Réhault-Godbert, chercheur à l’Inra de Nouzilly (Indre-et-Loire), a utilisé des outils informatiques de prédiction de fonctions ou de domaines fonctionnels. Elle a analysé par ce biais les activités antimicrobiennes, chaperonnes1, ou celles associées au stress oxydatif de toutes les protéines identifiées par les approches de type transcriptomique2 et protéomique3 publiées.

ACTIVITÉ ANTIMICROBIENNE

→ Certaines de ces molécules ont une action directe et provoquent la lyse bactérienne en altérant la paroi microbienne. Ce sont des hydrolases, des protéases, des peptides antimicrobiens (dont les défensines, qui forment des pores dans la paroi bactérienne), des protéines histones, des protéines qui augmentent la perméabilité bactérienne (LBP/BPI) et les lectines de type C (qui reconnaissent des structures de la surface bactérienne). Elles ont toutes un spectre d’activité large et sont capables d’assurer une immunité contre des agents pathogènes variés. La concentration en certaines défensines dans l’œuf, notamment, varie selon l’âge de la poule ou l’environnement. Cela suggère qu’en fonction des pressions auxquelles elle est soumise, la poule exporte et module les concentrations en molécules antimicrobiennes dans l’œuf, pour le protéger a priori des agressions microbiennes qu’il pourrait subir une fois pondu.

Les immunoglobulines ou anticorps, IgM, IgA et surtout IgY, dont les concentrations sont importantes dans le jaune d’œuf, assurent quant à elles l’immunité passive de l’embryon, dont le système immunitaire ne se met en place qu’après l’éclosion. Cette immunité est spécifique de l’agent pathogène auquel la poule a été exposée. Plusieurs protéines disposent également d’un domaine de type immunoglobuline qui laisse supposer que certaines pourraient contribuer à la défense chimique de l’œuf.

→ D’autres molécules ont une action indirecte : elles sont chélatrices de vitamines et d’ions métalliques comme le fer et diminuent leur biodisponibilité pour les agents pathogènes dont la croissance dépend de ces compléments.

D’autres encore, telles que les inhibiteurs de protéases ou antiprotéases, inhibent l’activité des protéases microbiennes, qui sont des facteurs de virulence majeurs.

Enfin, des médiateurs du système immunitaire (ou médiateurs de la réponse innée) comme les cytokines, possèdent une activité immunomodulatrice et peuvent influer sur le type de molécules protectrices retrouvées dans l’œuf.

RÉPONSE AU STRESS

La plupart des organismes possèdent plusieurs mécanismes pour faire face à divers stress environnementaux. Ainsi, la synthèse rapide de protéines chaperonnes concourt au bon repliement des molécules nécessaires à leurs activités, et les protéines antioxydantes limitent les dommages cellulaires et tissulaires qui résultent de la production de composés toxiques. Certaines d’entre elles pourraient participer au maintien de l’équilibre dynamique et fonctionnel de l’œuf.

Toutefois, des études doivent encore déterminer si ces protéines candidates jouent effectivement un rôle au cours du développement embryonnaire, ou si elles protègent l’oviducte et l’œuf pendant la formation de ce dernier. Leur purification est envisagée, afin de hiérarchiser l’importance de leur activité dans les mécanismes de défense chimique de l’œuf.

Des recherches sont également en cours pour établir si la défense de l’œuf peut être renforcée par certaines conditions d’élevage et/ou de sa conservation, afin de limiter les toxi-infections liées à la consommation d’œufs.

L’étude de ces protéines permet enfin d’envisager leur future utilisation par l’industrie agro-alimentaire ou pharmaceutique, à l’instar du lysozyme, une protéine du blanc d’œuf utilisée actuellement en tant que conservateur alimentaire et comme principe actif de médicaments pour traiter les infections bénignes.

  • 1 Les protéines chaperonnes assistent d’autres protéines dans leur maturation et leur fonctionnalité.

  • 2 Étude de l’ensemble des ARN messagers produits lors du processus de transcription d’un génome.

  • 3 Science qui étudie les protéomes (ensemble des protéines d’une cellule, d’un organite, d’un tissu, d’un organe ou d’un organisme à un moment donné et sous certaines conditions).

Pour en savoir plus

Réhault-Goldbert S., Hervé-Grépinet V., Gautron J. et coll. « Les défenses moléculaires de l’œuf », proceedings des 9es JRA. Tours. 2011:208-216.

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