Gérer la fin de vie de l’animal - La Semaine Vétérinaire n° 1516 du 16/11/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1516 du 16/11/2012

Éthique

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Auteur(s) : MARINE NEVEUX

La Société d’ethnozootechnie, sous l’impulsion de notre consœur Anne-Claire Gagnon1, a organisé une journée autour du thème des pratiques de fin de vie des animaux, le 8 novembre dernier au Sénat.

Cette journée d’étude consacrée à la fin de vie a per­mis d’aborder les spécifi­cités de toutes les espèces, de l’animal de rente ou de laboratoire à celui de compagnie, en passant par la faune sauvage. L’expérience de la présence animale dans une unité de soins palliatifs en médecine humaine a complété le tableau.

La fin de vie des animaux dans la pratique vétérinaire est un sujet auquel notre profession est confrontée au quotidien. Les familles vétérinaires se sont d’ailleurs penchées sur la problématique et un consensus devrait voir le jour prochainement. Outre-Atlantique, on assiste actuellement à un mouvement d’accompagnement de la fin de vie. L’American Veterinary Medical Association (Avma) a mis en ligne sur son site cette année, des recommandations établies par les praticiens.

Les vétérinaires au carrefour de la fin de vie des animaux

« Notre profession doit à tout moment mettre fin à la vie d’animaux. On n’a pas idée de la densité et du poids que cela représente, il y a un risque de fatigue compassionnelle. Il existe une vraie fragilité du vétérinaire sur ce point », souligne Anne-Claire Gagnon. Si les cadres juridique et éthique de la fin de vie de l’animal sont importants, les aspects culturel et confessionnel ne sont pas à négliger, selon les croyances de chacun. « Nous sommes des passeurs, l’essentiel est de garder la juste mesure », estime notre consœur.

L’animal de compagnie : marqueur d’étapes de vie

« L’euthanasie est la fin du parcours, mais avant, il y a l’accompagnement du patient et du client, qui nous aide aussi nous, explique Anne-Claire Gagnon. Les animaux sont des marqueurs d’étapes dans l’existence, c’est tout un pan de vie dont il va falloir faire le deuil. » La plupart des clients font reposer la décision d’euthanasie sur leur vétérinaire. « Nous devons conseiller le propriétaire, non pas en nous impliquant, mais en lui fournissant les éléments pour qu’il puisse faire son choix. » Il convient de demander au maître ce qu’il veut, étape par étape, pour prévenir toute incompréhension. Quel niveau d’em­pathie adopter ? « D’une façon générale, selon mon expérience en pratique féline, les propriétaires de chat attendent que nous manifestions nos émotions. » En outre, pour les personnes âgées, l’animal est souvent le dernier lien avec leur vie “d’avant”.

« Évoquer la fin de vie sera très différent selon chaque propriétaire, estime pour sa part notre confrère Thierry Bedossa, praticien et responsable du refuge Aide aux vieux animaux. Chaque situation est unique, il est impossible de parler de façon standardisée. » Il souligne d’ailleurs que les Anglo-Saxons font même appel à des pet lost therapists.

Animaux de rente : la réalité de terrain aussi

Selon Jean-Pierre Kieffer, président de l’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), les évolutions des conditions de mise à mort sont certes nombreuses depuis un demi-siècle, mais la réalité ne rejoint pas toujours les obligations réglementaires. Il cite en exemple l’élevage des porcs : « C’est effrayant, car jusqu’à maintenant, les truies étaient enfermées dans des stalles. Or la date butoir de la directive sur leur logement en groupe est fixée en 2013, mais elle ne sera pas respectée partout. » Or cet élevage industriel représente 90 % des exploitations françaises. Autre exemple, celui de l’élevage des canards à foie gras : « Les épinettes sont interdites depuis 2011, mais la moitié des exploitations fonctionnent encore avec ces cages individuelles de gavage », constate sur le terrain le président de l’OABA.

En outre, les animaux ne sont jamais abattus à l’endroit où ils sont nés, ce qui pose le problème de leur transport, avec ses incohérences, voire ses scandales : en novembre 2011, le Groupement pour l’export français a trouvé le moyen de valoriser la viande bovine hexagonale en transportant les animaux vivants durant de longues heures vers les clients du pourtour méditerranéen. « C’est un réel scandale », s’insurge notre confrère.

De récentes avancées ont eu lieu, comme la directive 1099/2009 qui sera applicable à partir du 1er janvier 2013 et qui prévoie la formation du personnel, la nomination d’un responsable protection animale, des modes opératoires normalisés.

De même, tous les abattoirs qui veulent désormais pratiquer l’abattage rituel sont tenus d’obtenir un agrément préfectoral : ils devront montrer qu’ils ont des commandes spécifiques, justifier d’un matériel adapté et du personnel nécessaire. « C’est une avancée, certainement pas suffisante, mais intéressante. » Mais au final, « en dépit d’un encadrement de plus en plus strict, nous assistons à une dérive inacceptable de cet abattage sans étourdissement, on peut donc s’interroger sur la réalité de la volonté politique ».

Jocelyne Porcher (Inra) a abordé la spécificité du cochon. Dans cet élevage industriel, le porc n’est même pas perçu comme un animal vivant. Alors, « pas mort, car pas vivant… ». D’un autre côté, certains éleveurs porcins aimeraient maîtriser les conditions de l’abattage. « Ce souhait, face à l’inertie des industriels et des administrations, est devenu une revendication. »

Les chevaux : l’émergence de solutions

« Des champs de course à la mai­son de retraite, on n’achève plus les chevaux ?, s’est interrogé Vincent Boureau, président de la commission “bien-être et comportement” de l’Association vétérinaire équine française (Avef). Selon notre confrère, « le taux de renouvellement des chevaux de cour­ses est estimé à 20 % ». 9 449 chevaux réformés des courses sont ainsi abattus chaque année. Les trotteurs sont majoritaires, en raison de la prime à l’abattage qui fait vivre la filière du trot. Cette dernière est donc très attachée au statut d’animal de boucherie concernant le cheval.

Notre confrère, par ailleurs administrateur de la Ligue française pour la protection du cheval (LFPC), est revenu sur le rôle de cette association et sur le partenariat établi avec France Galop pour disposer d’un fonds de reconversion des chevaux de courses en fin de carrière. La fin de vie des chevaux de courses n’est pas seulement un problème éthique, mais aussi sociétal.

Les spécificités de la faune sauvage

Jean-François Courreau, professeur à l’école d’Alfort et responsable du centre de sauvegarde de la faune sauvage, a développé plusieurs exemples de la gestion des animaux. « L’approche des espèces sauvages nécessite une synthèse entre les soins et la prévision des chances de survie de l’animal, et demande des connaissances de naturaliste. Nous respectons la vie quelle qu’elle soit, et il n’y a pas de différence entre soigner un faucon et un pigeon. »

Claude Andrillon, vice-président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), s’est attaché au difficile exercice d’expliquer comment un vétérinaire peut concilier carte ordinale et permis de chasse ou de pêche. « Le praticien rural a un rapport à la mort différent de son confrère urbain. Le vétérinaire donne davantage la vie (vêlages) qu’il ne la retire, donc il voit plus la mort comme la partie d’un cycle. » Selon notre confrère, pour le vétérinaire rural, la plupart des animaux périssent avant leur heure et de la main de l’homme, « donc comme à la chasse, qui est peu différente de la fin des animaux de rente ». De plus, la chasse et la pêche sont d’abord des activités tribales. « Ce sont aussi des facteurs d’insertion sociale pour le vétérinaire. »

  • 1. Soutenue par Axience et Mars Pet Care.

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