Herpèsvirose chez une tortue des steppes - La Semaine Vétérinaire n° 1511 du 12/10/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1511 du 12/10/2012

Formation

NAC

Auteur(s) : JULIEN GOIN

Fonctions : assistant hospitalier du service AEI d’Oniris (Nantes).

POINTS FORTS

– Les 2 principaux agents d’une rhinite chez la tortue sont les herpèsvirus et les mycoplasmes.

– Un écouvillon des lésions permet de réaliser une PCR, pour identifier l’agent pathogène en cause.

– Le pronostic est réservé lors de rhinite à herpèsvirus.

CAS CLINIQUE

Anamnèse et commémoratifs

Une tortue des steppes (Agrionemys horsfieldii) femelle, âgée de 5 ans, est présentée en consultation pour anorexie, abattement, jetage et blépharospasme de l’œil gauche, remarqués depuis 3 jours environ. Elle est élevée en enclos extérieur et est sortie d’hibernation depuis 1 mois. Elle vivait au contact d’un mâle, mort brutalement sans signes cliniques préalables quelques jours auparavant.

Examen clinique

Afin de faciliter la réalisation des examens clinique et complémentaires, l’animal est anesthésié (propofol, 10 mg/kg, par voie intraveineuse dans le sinus veineux sous-nucal, voir photo 1). Cela permet l’extériorisation complète de la tête et des membres.

Un jetage séreux est mis en évidence par une pression des fosses nasales (voir photo 2). L’examen buccal révèle la présence d’une stomato-glossite caséeuse, caractérisée par la présence de dépôts blanchâtres sur les muqueuses et au niveau des commissures labiales (voir photo 3). Ces dépôts sont retirés à l’aide d’un coton-tige. L’examen oculaire montre la présence d’une kératite (voir photo 4). Face aux signes d’atteinte multiple (rhinite, stomatite, kératite), une herpèsvirose est suspectée.

Examens complémentaires

Un écouvillon des lésions est réalisé pour une recherche d’herpèsvirose par polymerase chain reaction (PCR).

En raison de la présence d’une rhinite, un examen radiographique est pratiqué afin d’évaluer l’intégrité des champs pulmonaires, sous les incidences latérale (profil) et cranio-caudale (face). Aucun signe radiologique de pneumonie n’est décelé (voir photo 5).

Hospitalisation

L’animal est hospitalisé dans un terrarium muni d’une lampe chauffante assurant un point chaud à 30 °C (voir photo 6). Le gavage est réalisé par l’administration quotidienne de 2,5 ml de purée de légumes via une sonde d’œsophagostomie (voir photos 7 et 8). La réhydratation est assurée par 2 bains quotidiens d’eau tiède, d’une durée de 20 minutes.

Traitement

Dans l’attente des résultats de la PCR, un traitement antiviral est prescrit par voies générale (aciclovir1, 80 mg/kg/j per os) et locale (aciclovir1, une application de pommade ophtalmique à 3 % matin et soir). Une antibiothérapie est instaurée par voies générale (enrofloxacine, 10 mg/kg/j, par voie intramusculaire, voir photo 9) et locale, en regard des fosses nasales (enrofloxacine injectable à 5 %, 1 goutte dans les narines matin et soir, voir photo 10) et de l’œil atteint (néomycine et polymyxine B, 1 goutte de collyre matin et soir).

Après 1 semaine de traitement, les résultats de la PCR confirment la suspicion clinique d’herpèsvirose. Le traitement est poursuivi à l’identique. Après 2 semaines de traitement, la guérison est complète. La rhinite, la stomatite et la kératite ont totalement disparu (voir photos 11 et 12). L’état général et l’appétit redeviennent normaux, et l’animal est rendu à ses propriétaires.

DISCUSSION

Étiologie

Chez une tortue terrestre, la présence d’un jetage fait suspecter une rhinite. Cette affection est fréquente, contagieuse et potentiellement mortelle. Toutes les espèces de tortues terrestres y sont réceptives : Agrionemys spp., Astrochelys spp., Eurotestudo spp., Geochelone spp., Gopherus spp., Testudo spp., Pyxis spp., etc. La tortue grecque (Testudo graeca), originaire de plusieurs pays du bassin méditerranéen (Maroc, Tunisie, etc.), est particulièrement prédisposée à cette maladie en raison du climat plus froid et humide de certaines régions françaises. Les facteurs qui favorisent l’apparition d’une rhinite sont tous ceux qui entraînent une fragilisation de l’appareil respiratoire : hibernation, choc thermique, hygrométrie excessive, courant d’air, substrat volatil ou poussiéreux, hypovitaminose A provoquant une métaplasie squameuse de l’épithélium respiratoire, diminution des défenses immunitaires locales par des conditions d’élevage inadaptées, etc.

Agents pathogènes

Les principaux agents responsables de rhinite sont les mycoplasmes et les herpèsvirus.

→ La rhinite à mycoplasmes (Mycoplasma agassizii et M. testudineum) est éventuellement associée à une conjonctivite. Elle évolue de manière chronique et l’animal peut être porteur asymptomatique entre 2 crises.

→ L’herpèsvirose est caractérisée par des atteintes multiples : rhinite, mais aussi stomatite et glossite caséeuses, conjonctivite, kératite, voire pneumonie, entérite, glycogéno-lipidose hépatique et atteinte du système nerveux central. Cette affection évolue de manière aiguë, avec une anorexie, un amaigrissement rapide et une prostration intense. Elle doit être suspectée lors de rhinite associée à une stomatite ou ne rétrocédant pas à l’antibiothérapie. Son traitement est difficile et la mort fréquente.

Diagnostic

Le diagnostic de certitude repose sur la PCR, disponible2 pour l’herpèsvirose des reptiles et pour Mycoplasma spp. La présence simultanée des 2 types d’agents pathogènes est possible.

Traitement

Dans tous les cas de rhinite, le traitement s’étend habituellement sur 10 à 15 jours au minimum et suit le schéma suivant :

→ Mise en quarantaine de l’animal dans un terrarium chauffé entre 30 et 32 °C.

→ Instauration d’un traitement de soutien : alimentation assistée (gavage à l’aide d’une sonde gastrique ou d’œsophagostomie), fluidothérapie (bains quotidiens d’eau tiède, injections intracœlomiques ou perfusion via un cathéter jugulaire), flushing des cavités nasales au sérum physiologique à l’aide d’une petite aiguille ou d’un petit cathéter.

→ Mise en place d’une antibiothérapie (traitement de la mycoplasmose, prévention des sur-infections) par voies générale (enrofloxacine, 10 mg/kg/j par voie intramusculaire), locale (enrofloxacine, 1 goutte de solution buvable ou injectable dans les narines matin et soir), voire par aérosolthérapie (gentamicine, éventuellement associée à un bronchodilatateur, comme le goménol1, et à un fluidifiant des sécrétions respiratoires, comme l’acétylcystéine1).

→ Administration d’un traitement antiviral (lors de suspicion ou de diagnostic d’herpèsvirose) : aciclovir1 par voies orale (80 mg/kg/j per os) et locale lors d’atteinte oculaire (une application de pommade ophtalmique à 3 % matin et soir). Cette molécule n’est toutefois pas efficace dans tous les cas d’herpèsvirose.

  • 1 Molécule de la pharmacopée humaine.

  • 2 Par exemple auprès du laboratoire Idexx de Maisons-Alfort.

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