Formation et composition du colostrum chez la brebis - La Semaine Vétérinaire n° 1511 du 12/10/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1511 du 12/10/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/OVINS

Auteur(s) : FABIEN CORBIÈRE*, KARIM ADJOU**

Fonctions :
*maître de conférences en pathologie des ruminants à l’ENV de Toulouse. Article tiré d’une communication lors des journées des GTV à Nantes, du 23 au 25 mai 2012.

Le colostrum désigne le lait sécrété par les mammifères femelles en fin de gestation et au cours des premiers jours qui suivent la mise bas. Il est riche en protéines et en anticorps indispensables à l’immunisation du nouveau-né. Ces anticorps dépendent des agents infectieux auxquels la mère a été exposée durant sa vie, soit de façon naturelle, soit par la vaccination.

Les agneaux naissent agammaglobulinémiques. Le transfert de l’immunité naturelle s’effectue presque exclusivement par l’absorption dans les premières heures de vie, via le colostrum, d’une grande quantité d’immunoglobulines (Ig), de leucocytes et de différents facteurs antimicrobiens non spécifiques.

Outre les immunoglobulines indispensables à la mise en place d’une immunité passive et transitoire, le colostrum est une source majeure d’énergie qui permet la survie des agneaux au cours des premières heures (voir figure). L’une des principales causes de mortalité postnatale immédiate chez l’agneau est le syndrome hypothermie-inanition, qui suit l’absence de buvée précoce de colostrum (voir graphique). Comme peu de données sont disponibles aujourd’hui dans la littérature concernant l’espèce ovine, un certain nombre d’éléments seront empruntés à l’espèce bovine.

COMPOSITION DU COLOSTRUM

Le colostrum contient un fort taux de protéines relié à un extrait sec et à une densité plus élevée que dans le lait. Son taux de cendres brutes est, en moyenne, supérieur à celui du lait. La composition moyenne du colostrum de brebis (voir tableau) est cependant discutable, car les variations interindividuelles et temporelles (première traite versus jours suivants) sont importantes. Les teneurs en minéraux et en vitamines sont globalement 2 à 10 fois plus élevées que dans le lait.

Contrairement à l’homme, l’isotype majeur de colostrum chez les ruminants est l’IgG1, qui représente plus de 80 % des Ig colostrales. Les IgA, peu présentes dans le colostrum des ruminants, sont majoritaires chez l’homme.

Le colostrum est également riche en effecteurs immunitaires non spécifiques : neutrophiles, macrophages, composants sécrétoires, complément, oligosaccharides, gangliosides, protéines de la phase aiguë, ribonucléases, nombreux facteurs immunomodulateurs ou à action antimicrobienne directe, etc.

Ces différents composants sont produits par des cellules sanguines qui migrent vers le parenchyme mammaire ou directement sécrétés par l’épithélium mammaire (lactoférine, β-défensine, etc.).

FORMATION DU COLOSTRUM

La formation du colostrum dans la glande mammaire a lieu en 2 phases suivant 2 mécanismes différents. D’une part, les composants sériques sont prélevés et transférés pour s’accumuler dans la mamelle, et d’autre part, une phase sécrétoire permet l’augmentation du volume produit et la dilution des constituants sériques.

Transsudation et translocation des immunoglobulines

La quasi-totalité des IgG, 50 à 70 % des IgM et 50 % des IgA sont issues de la filtration du sérum. Le reste (moins de 5 % des IgG, 50 % des IgA, 30 à 50 % des IgM) est le produit de la synthèse locale par les plasmocytes présents dans la glande mammaire. Le transfert des Ig sériques débute plusieurs semaines avant le part et cesse brutalement au cours des heures qui le précèdent.

Tandis que les molécules d’IgG2 passent dans la mamelle selon un mode de transport passif, les IgG1 transitent de manière sélective. Ce mécanisme explique pourquoi les concentrations en IgG1 du colostrum sont bien supérieures à celles en IgG2. Ce transfert actif des IgG1 fait intervenir un récepteur spécifique (récepteur néonatal Fc ou FcRn) hétérodimère, composé d’un homologue de la chaîne a du complexe majeur d’histocompatibilité de type I (CMH-1) nommé FCGRT et de la β-2-microglobuline (B2M). Ces récepteurs apparaissent après l’involution normale de la mamelle, sur la membrane basale ou intercellulaire des cellules épithéliales nouvellement formées des acini de la glande mammaire.

La fixation des IgG1 par leur région Fc est suivie de la formation de vésicules de transport qui vont traverser le cytoplasme pour déverser leur contenu dans la lumière alvéolaire.

Chez les ruminants, les IgA sanguines circulent sous forme dimérique (IgA2) et proviennent presque intégralement du tractus digestif. Au contact des cellules épithéliales mammaires, elles sont captées par un récepteur plgR (polymeric immunoglobulin receptor), puis les traversent pour être déversées au pôle apical dans la lumière alvéolaire avec un fragment du plgR nommé composant sécrétoire (SC).

Une partie des IgG, IgA et IgM est synthétisée localement par les plasmocytes d’origine sanguine présents dans le parenchyme mammaire. Les plasmocytes à IgG1 sont de loin les plus représentés (85 %), suivis des plasmocytes à IgM (13 %), alors que les plasmocytes à IgA sont peu présents (2 %).

Facteurs hormonaux

La colostrogenèse et la lactogenèse sont sous la dépendance d’équilibres hormonaux complexes, pas encore totalement élucidés. L’apparition de la structure lobulo-alvéolaire du parenchyme mammaire est assurée par des conditions hormonales qui impliquent, dans l’ordre, des hormones d’origines ovarienne et fœto-placentaire (œstrogènes et progestérone), puis des hormones antéhypophysaires (prolactine) et surrénaliennes (corticoïdes). Ces conditions particulières surviennent pendant la gestation et permettent d’aboutir au développement quasi complet de la glande mammaire pour la mise bas.

Le transfert des IgG de la circulation sanguine vers la mamelle est concomitant d’une réduction du rapport progestérone/œstrogènes plasmatiques.

Dans les heures qui précèdent la mise bas, la chute de la concentration plasmatique en progestérone et l’augmentation des œstrogènes, de la prolactine et du cortisol conduisent à une réduction du transfert des IgG1 et au début de la lactogenèse.

FACTEURS DE VARIATION DE LA PRODUCTION DE COLOSTRUM

La variabilité interraciale

La concentration en IgG du colostrum n’a fait l’objet, semble-t-il, que de peu de travaux chez le mouton. Une seule étude de grande envergure a été menée par Gilbert et coll. dans les années 80, portant sur 6 races ovines allaitantes. En tenant compte de l’âge et de la taille de la portée, ces auteurs mettent en évidence des différences de l’ordre de 16 g/l entre les extrêmes (race polypay 80 ± 4,5 g/l ; race columbia 64 ± 4,2 g/l). Les écarts bien plus importants (d’un facteur 2 à 5) observés chez les bovins, entre les races laitières et allaitantes, ne semblent pas documentés pour le moment chez les ovins.

L’âge de la mère

Il est souvent admis que, chez les bovins, les primipares produisent moins de colostrum (environ 30 % de moins) et que celui-ci est moins riche en IgG que celui des multipares. Toutefois, de nombreuses études tendent à montrer que la concentration en IgG n’est que peu influencée par la parité de la mère.

La taille de la portée

Chez la brebis, la concentration en IgG1 augmente de manière linéaire avec le nombre de fœtus, pour des portées de 1 à 3 agneaux. Les brebis ayant mis bas une portée “double” produisent davantage de colostrum que les brebis avec un seul agneau. En revanche, lors de portée “triple”, le volume de colostrum n’est pas plus élevé que pour la portée “double”.

L’alimentation pendant la gestation

Le développement mammaire et le volume de colostrum produit sont significativement moins importants chez les brebis sous-nourries.

L’état sanitaire

La présence de mammites au tarissement réduit fortement le volume de colostrum produit par le quartier atteint et est associée à une augmentation de la mortalité précoce des agneaux. De même, les infestations parasitaires peuvent conduire, par spoliation, à un état de sous-nutrition délétère.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr