Prise en charge des fractures de l’aile chez les oiseaux - La Semaine Vétérinaire n° 1510 du 05/10/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1510 du 05/10/2012

Formation

FAUNE SAUVAGE

Auteur(s) : Florine Popelin Wedlarski

Fonctions : praticienne au Bioparc de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire)

POINTS FORTS

– Les fractures sont l’une des causes principales du recueil d’oiseaux sauvages.

– Leur prise en charge nécessite idéalement le recours à la chirurgie, afin d’obtenir une récupération fonctionnelle optimale dans l’optique d’un relâcher dans la nature.

Les fractures sont une cause majeure de recueil des oiseaux sauvages après un traumatisme : collision avec un véhicule ou une vitre, prédation, accident de chasse. Les plus fréquentes touchent l’aile. Le praticien doit être en mesure de diagnostiquer la fracture, d’en évaluer la gravité afin d’établir un pronostic, voire de réaliser une intervention chirurgicale, avant de transférer l’animal vers un centre de soins pour sa convalescence et sa réhabilitation.

EXAMEN CLINIQUE

Observation et palpation

Le diagnostic d’une fracture de l’aile est clinique. Il repose sur l’observation de l’attitude de l’oiseau (position des ailes par rapport au corps), avant toute contention, et sur la palpation. Lors de fracture de l’humérus ou du radius-ulna, l’oiseau tient son aile en position basse (voir photo 1). Elle est franchement pendante (les plumes traînent sur le sol) lorsque la fracture atteint le poignet ou les os de la main. À l’opposé, une fracture du coracoïde, cet os spécifique aux oiseaux qui consolide l’axe épaule-bréchet, se traduit par une aile plus remontée : comme l’épaule n’est plus soutenue, elle “tombe”, entraînant une bascule de toute l’aile, donc l’élévation de l’extrémité des rémiges au-dessus de la ligne du dos (voir photo 2). La fracture du coracoïde est la seule qui nécessite une confirmation radiologique, cet os profondément enfoui sous les épais muscles pectoraux ne pouvant être palpé. La palpation de tous les autres os des ailes est aisée, car les masses musculaires sont limitées et la peau est très fine.

Attention toutefois à manipuler l’aile avec précaution, car il est facile d’aggraver une fracture lors d’une contention un peu brutale !

Radiographie

Une fois le diagnostic établi, la radiographie permet de situer précisément la fracture et de la caractériser : simple ou multiple, oblique, esquilleuse, avec un trait de refend, etc. (voir photo 3). Les os des oiseaux sont creux et se cassent donc facilement en plusieurs fragments. En outre, les abouts osseux perforent aisément la peau fine, créant des fractures ouvertes.

La radiographie permet également de visualiser d’éventuels plombs de chasse. Si leur présence est compréhensible chez les espèces de gibiers qui sont parfois amenées au praticien (canards, bécasses, etc.), en revanche elle reflète un acte de braconnage malheureusement encore trop courant chez des animaux protégés, tous les rapaces notamment (environ 2 % des causes d’admission en centre de soins1).

Pronostic

> La caractérisation de la fracture permet de préciser le pronostic, qui doit impérativement prendre en compte la biologie de l’oiseau. L’exigence de récupération fonctionnelle n’est pas la même selon le mode de vie de chaque espèce : proie ou prédateur, sédentaire ou migrateur. Dans tous les cas, la récupération envisagée doit être optimale afin d’espérer un retour à la nature.

> Si le pronostic fonctionnel est mauvais, l’euthanasie est pratiquée. Le maintien d’oiseaux d’origine sauvage infirmes en captivité n’est ni souhaitable ni autorisé par la loi, à l’exception de quelques espèces rares et patrimoniales qui peuvent rejoindre des programmes de reproduction en captivité (grands rapaces, par exemple).

> Une fracture périarticulaire est souvent assortie d’un mauvais pronostic, car la cicatrisation entraîne généralement une ankylose de l’articulation concernée. Les fractures de la main sont également délicates à gérer, car elles sont souvent multiples et instables. Or cette partie de l’aile, sur laquelle s’insèrent les rémiges primaires, joue un rôle majeur dans le vol (poussée, portance et direction).

> L’ancienneté de la fracture est à prendre en compte. Une fracture ouverte avec extériorisation des abouts osseux depuis plusieurs jours impose souvent l’euthanasie, puisque l’amputation n’est pas envisageable. Des fractures anciennes qui commencent à cicatriser sans avoir été correctement réduites compliquent la prise en charge.

PRISE EN CHARGE

Immobilisation

La prise en charge initiale d’une fracture de l’aile est classique. Le membre est immobilisé grâce à un pansement en 82. L’aile est, en plus, plaquée contre le corps si la fracture est proximale au coude.

Nettoyage et désinfection

Les fractures ouvertes sont fréquentes et nécessitent un nettoyage minutieux, si besoin sous anesthésie générale. La zone est plumée délicatement (attention à ne pas aggraver les lésions tissulaires en arrachant la peau avec les plumes), nettoyée et désinfectée. Seules les plumes de couverture peuvent être retirées. Les rémiges (grandes plumes du vol) sont insérées sur le périoste et ne doivent pas être arrachées, au risque de traumatiser la zone d’insertion et d’empêcher une repousse correcte, ce qui condamne l’oiseau.

Attention, l’humérus est un os pneumatisé, c’est-à-dire que sa cavité interne est reliée aux poumons via les sacs aériens. Le rinçage abondant d’une fracture humérale est à proscrire, au risque de noyer l’animal.

Antibiothérapie

Les oiseaux sont assez résistants aux ostéomyélites. Néanmoins, si la fracture le nécessite (fracture ouverte, notamment par balle), un traitement antibiotique est mis en place (amoxicilline-acide clavulanique à la dose de 125 mg/kg/ 12 heures, ou clindamycine à raison de 50 mg/kg/12 heures).

Traitement antalgique

Une fois l’aile immobilisée, un antalgique peut être administré, afin d’améliorer le confort de l’oiseau et de favoriser sa prise alimentaire : butorphanol (0,1 mg/kg, par voie intramusculaire, intraveineuse ou sous-cutanée), puis relais avec un anti-inflammatoire non stéroïdien (méloxicam, 1 mg/kg/ 12 heures, par voie sous-cutanée ou per os).

PRIVILÉGIER LA CHIRURGIE

L’espèce de l’oiseau et le type de fracture conditionnent le choix thérapeutique : immobilisation ou chirurgie. Lorsqu’une intervention est indiquée, elle donne systématiquement de meilleurs résultats que l’immobilisation par contention externe, souvent responsable d’ankylose, de mal-union ou de cal vicieux qui handicapent et condamnent définitivement les oiseaux. Dans l’optique d’un retour à la nature, la chirurgie doit être privilégiée et réalisée dès que possible.

Si une contention externe est malgré tout choisie, le pansement en 8 doit être bien positionné, pas trop serré, et régulièrement renouvelé afin de manipuler l’aile : dans l’idéal, une mécanothérapie 2 fois par semaine sous anesthésie générale est recommandée, associée à des massages de la membrane alaire pour éviter sa rétraction.

Ceinture scapulaire

Les fractures des os de la ceinture scapulaire (scapula, clavicule et coracoïde) sont souvent traitées avec succès par une immobilisation de l’oiseau, maintenu dans un espace trop étroit pour qu’il batte des ailes, pendant 3 à 4 semaines, éventuellement avec l’aide d’un pansement contentif les premiers temps (cas des fractures du coracoïde). L’accès chirurgical au coracoïde est en outre difficile (nécessité de récliner d’importantes masses musculaires) et ne s’impose que pour des oiseaux lourds et puissants (grands rapaces, cygnes) chez lesquels la pose de plaques donne de bons résultats.

Humérus

Les fractures de l’humérus sont presque systématiquement très déplacées, en raison de la force des masses musculaires du bras, et souvent ouvertes, les abouts osseux ayant perforé la peau. La chirurgie est obligatoire pour obtenir une cicatrisation correcte. Un montage de type tie-in est fréquemment utilisé. Il associe un clou centro-médullaire et un hémifixateur externe.

Radius-ulna

L’avant-bras est souvent touché. La fracture peut concerner le radius, l’os le plus fin qui forme le bord d’attaque de l’aile, ou l’ulna, de diamètre plus important et qui soutient les rémiges secondaires, voire ces 2 os à la fois. Une fracture simple de l’ulna est facile à prendre en charge et ne nécessite pas forcément le recours à la chirurgie, car le radius sert d’attelle naturelle. En revanche, une fracture simple du radius impose une immobilisation chirurgicale par la pose d’un clou centro-médullaire. En effet, cet os mobile ne peut être efficacement maintenu par une contention externe. De la même façon, lors de fracture des 2 os, un traitement chirurgical est indispensable pour prévenir le risque de synostose, ce qui empêcherait tout mouvement des os l’un par rapport à l’autre (mouvements de supination et de pronation), donc le battement normal de l’aile. L’association d’un clou centro-médullaire dans le radius et d’un montage de type tie-in dans l’ulna permet d’obtenir une bonne récupération fonctionnelle.

Main

Les fractures de la main sont traitées par contention externe, à l’aide d’un pansement avec une attelle, sauf chez les oiseaux les plus gros pour lesquels un montage chirurgical de type hémifixateur externe est envisageable. L’immobilisation des rémiges primaires, qui s’insèrent sur le carpo-métacarpe les unes par rapport aux autres, permet également une bonne immobilisation de la fracture. Le pronostic fonctionnel est réservé dans tous les cas.

  • 1 Source LPO-UFCS 2009.

  • 2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1443 du 25/3/2011.

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