Actualités épidémiologiques sur la border disease en France - La Semaine Vétérinaire n° 1510 du 05/10/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1510 du 05/10/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/OVINS

Auteur(s) : Gilles Meyer*, Karim Adjou**

Fonctions :
*maître de conférences à l’ENV de Toulouse

POINTS FORTS

– L’agent est un pestivirus très proche de celui de la diarrhée virale bovine-maladie des muqueuses (BVD-MD).

– La première détection en France remonte à 1983 dans l’Aveyron.

– Les élevages ovins allaitants sont plus touchés que les élevages laitiers.

– Le diagnostic repose sur la sérologie (Elisa).

– Le génotypage des souches isolées montre une cocirculation des génotypes BDV-3 et BDV-6 dans les élevages d’une même zone géographique

En France, la première description de la border disease date de 1983-1984 dans le bassin de Roquefort. En 6 mois, cette épizootie a atteint 112 troupeaux, causant la mort de 1 501 brebis et 23 908 agneaux. Depuis, un suivi sérologique est effectué en Aveyron, via la détection d’anticorps sanguins dans un échantillon d’animaux. À partir des années 90, le nombre de cheptels séropositifs a progressivement diminué, passant de 20 % en 1998 à une prévalence de 4 % en 2005.

Une recrudescence de l’incidence est notée depuis 2009. En 2010, toujours dans l’Aveyron, 1 723 cheptels de plus de 50 brebis ont été testés (1 335 laitiers, 373 allaitants et 13 mixtes). La proportion des élevages séropositifs était de 9,3 %, avec une différence significative entre les cheptels laitiers (6 % de séropositifs) et allaitants (22 % de séropositifs). Sur 1 200 cheptels contrôlés à la fois en 2009 et 2010, l’incidence moyenne était de 2,6 % (2 % dans les laitiers et 9 % dans les allaitants).

En 2011, 38 nouveaux cheptels ont été confirmés séropositifs en Aveyron, et une recrudescence de foyers est apparue au Pays basque. Différentes actions ont été engagées pour mieux caractériser et détecter la maladie. L’utilisation d’un test de détection d’anticorps anti-NS3 (P80) dans les laits de grand mélange a ainsi été évaluée positivement.

DIVERSITÉ GÉNOTYPIQUE DES PESTIVIRUS

Les pestivirus se caractérisent par une importante variabilité phénotypique, antigénique et génétique. La classification actuelle reconnaît 4 sous-genres ou espèces chez les pestivirus : virus de la diarrhée virale bovine de types 1 et 2 (BVDV-1, BVDV-2), virus de la border disease (BDV) et virus de la peste porcine classique (CSFV). Cependant, la classification des souches de pestivirus repose de plus en plus sur les différences de séquences de certaines régions du génome viral. La 1re région concernée est une séquence de 254 paires de bases de l’extrémité 5’ non codante, ou 5’ UTR. Plus récemment, le séquençage des parties Npro et E2 a permis d’envisager des critères de classification supplémentaires. Il est ainsi suggéré de diviser le genre pestivirus en 7 groupes génétiques et 2 rameaux divergents. Dans les 7 groupes génétiques, on retrouve les 4 sous-genres officiels (BVDV-1, BVDV-2, BDV, et CSFV), ainsi qu’un pestivirus atypique (celui de la girafe) et des isolats tunisiens regroupés sous le nom de Tunisian sheep virus (TSV).

Au sein des virus BVD, il existe plus de 400 génotypes reconnus à ce jour. Au moins 13 sous-groupes sont identifiés pour le génotype 1 (BVD1 à BVD10) et 3 pour le génotype 2 (BVD2a à BVD2c). Les 2 génotypes présentent une répartition géographique différente, les souches BVDV-2 étant plus répandues en Amérique du Nord qu’en Europe.

La diversité génétique du BDV est moins importante que celle du BVD, car toutes les souches isolées appartiennent à la même espèce. Au moins 7 groupes phylogénétiques sont toutefois identifiés. Le BDV-1 est rencontré aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, le BDV-2 en Allemangne, le BDV-3 en Suisse, en Allemagne, en Autriche et en France, le BDV-4 en Espagne et en France, les BDV-5 et BDV-6 en France et le BDV-7 en Italie.

CARACTÉRISATION DES SOUCHES EN FRANCE

Dans un premier temps, une équipe de l’ENV de Toulouse a choisi d’isoler les pestivirus responsables de la hausse des foyers depuis 2009 en Aveyron. Des échantillons sont récupérés en 2010 à partir de 8 foyers identifiés, chez des agneaux infectés permanents immunotolérants (IPI) qui présentent des tremblements, un aspect ébouriffé de la laine et une entérite avec hyperthermie. 4 isolats, obtenus par des cultures cellulaires MDBK (ATCC-22), sont confirmés dans un premier temps, par RT-PCR quantitative et par immunohistochimie, comme étant du BDV et non du BVD. Les isolats 10F405, 10F404 et 10F6390 sont non cytopathiques, alors que l’isolat 10F6678 contient à la fois des virions cytopathiques et non cytopathiques. Pour chaque isolat, les séquences nucléotidiques des régions 5’-NCR et Npro sont amplifiées et séquencées. Les séquences sont ensuite alignées avec celles de pestivirus, présentes dans la banque de données Genbank.

L’analyse des résultats montre que, pour chaque foyer, les séquences des isolats sont identiques (entre 99,4 et 100 % d’identité). En revanche, entre 2 foyers, même proches de moins de 10 km, les isolats affichent des séquences divergentes entre 74,2 et 86,2 % d’identité. 2 génotypes au moins, le BDV-3 et le BDV-6, cocirculent dans une même région. Ces résultats corrèlent ceux de Dubois et coll. (2006), à partir de prélèvements positifs à la border disease obtenus entre 1985 et 2006 dans 4 régions françaises (Centre, Aquitaine, Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur).

Cette étude montre que 3 génotypes existent en France (BDV-3, BDV-5, BDV-6) et que des isolats de BDV de génotypes différents cocirculent en Aveyron. Le génogroupe 6 ne concerne que les souches détectées dans l’Hexagone depuis les années 90, alors que le génotype 3 est aussi identifié en Allemagne et en Suisse. Ces isolats sont génétiquement différents de la souche aveyronite de génotype 5, isolée dans les années 1983-1984. Cependant, il n’existe à l’heure actuelle aucune donnée publiée reliant la diversité génétique et le pouvoir pathogène viral ou la nature de la réponse immunitaire.

PRÉVENTION MÉDICALE

La vaccination est un moyen de lutte efficace contre l’infection par les pestivirus. Elle permet d’empêcher l’apparition de formes cliniques de la maladie, de diminuer l’excrétion du virus consécutive aux infections transitoires, et de restreindre, voire d’éviter, la naissance de nouveaux animaux IPI, en protégeant le fœtus contre une infection transplacentaire en début de gestation.

Aujourd’hui, il n’existe pas de vaccin possédant une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la prévention de l’infection par le BDV chez les ovins. Les seuls vaccins disponibles et utilisés sur le terrain, dans le cadre de la cascade, sont dirigés contre le BVDV, notamment le vaccin atténué Mucosiffa® et le vaccin inactivé Bovilis BVD®. Ces 2 vaccins ne possèdent pas de souches de BDV dans leur composition.

Dans l’espèce bovine, l’efficacité ces 2 vaccins contre une infection transitoire et contre une infection fœtale à BVD-1 est démontrée en station expérimentale. En revanche, ces vaccins n’ont pas fait l’objet d’essais dans l’espèce ovine afin de vérifier leur efficacité protectrice contre une épreuve virulente à BDV. Le recours à un vaccin destiné à une autre espèce soulève plusieurs questions concernant l’efficacité de la protection croisée et le choix du schéma vaccinal, notamment la dose à administrer. La notion de posologie est, en particulier, extrêmement importante pour l’usage des vaccins inactivés, car la souche virale ne se réplique pas chez l’animal. Sur le terrain, il est habituel de vacciner les moutons avec la moitié ou le quart de la dose utilisée chez le bovin. Cependant, le rationnel scientifique de ce protocole n’est pas clairement établi.

ÉCHANGES DE PESTIVIRUS ENTRE OVINS ET BOVINS

> Aussi appelée “maladie de la frontière” parce qu’elle est apparue en 1959 dans des élevages ovins situés entre l’Angleterre et le Pays de Galles, la border disease est décrite depuis dans de nombreuses parties du monde.

> Elle est due à un flavivirus (anciennement Togavirus) du genre Pestivirus très proche des virus de la maladie des muqueuses (BVD) chez les bovins et de la peste porcine classique (PPC).

Des contaminations croisées entre les bovins et les caprins sont d’ailleurs possibles. Ce petit virus enveloppé (50 nm) est très fragile dans le milieu extérieur. La maladie est peu fréquente, mais de répartition mondiale.

> Tout comme pour la BVD, son impact économique dans les élevages est difficile à évaluer. Chez les adultes, les symptômes se résument à une baisse de fertilité et à quelques avortements, excepté lors d’infection par une souche hypervirulente (cytopathogène) qui provoque alors la petega ovina (peste ovine), un syndrome hémorragique suraigu, mortel dans 10 à 30 % des cas.

> La transmission horizontale et verticale du virus, ainsi que l’existence d’animaux porteurs et immunotolérants (IPI) rend difficile son éradication. Lorsqu’une brebis est infectée durant la gestation avant l’installation de l’immunocompétence fœtale (entre le 60e et le 85e jour, voir figure), elle développe une placentite nécrosante qui peut aboutir à un avortement, ou guérir et conduire à la naissance d’un agneau IPI.

> Les pestivirus s’échangent aisément entre les espèces bovine et ovine. Un épisode de border disease a ainsi été causé par la transmission du virus BVD-MD des bovins aux moutons. La situation opposée, c’est-à-dire la transmission du BDV ou de la BVD-MD des ovins aux bovins, n’est pas rapportée à ce jour dans des conditions naturelles. Toutefois, cette transmission est plausible, surtout dans le cas des souches de virus de la BVD-MD isolées de manière fréquente chez les ovins. Aussi, il est difficile d’attribuer une spécificité d’hôte aux pestivirus des petits ruminants.

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