Capacités managériales : les praticiens doivent renforcer leur expertise - La Semaine Vétérinaire n° 1509 du 28/09/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1509 du 28/09/2012

Entreprise

Auteur(s) : ALEXANDRA LEBAS*, TOMMY FAMULIAK**, CYRIELLE LENTZ***, LOUISA NIGRO****, JEAN-JACQUES BENET*****

Fonctions :
*(A5, ENVA)
**(MASTER ENTREPRENEUR A DAUPHINE)
***(MASTER ENTREPRENEUR A DAUPHINE)
****(MASTER ENTREPRENEUR A DAUPHINE)
*****(PROFESSEUR À L’ENVA)

Les missions du chef d’entreprise vétérinaire évoluent. Elles exigent des compétences en gestion et en management. Une étude, menée en février 2012, met en évidence les lacunes des praticiens dans ce domaine.

Le métier et la pratique vétérinaires évoluent. Les petites structures libérales cèdent progressivement la place à de plus grandes cliniques, devenant de véritables entreprises. En conséquence, leurs dirigeants doivent être capables de remplir des missions managériales complexes, comme rentabiliser leurs investissements, assurer une meilleure couverture des besoins et offrir une plus grande disponibilité (continuité des soins, formation continue, etc.). Aussi, nombre de cliniques vétérinaires s’organisent en réseau afin d’optimiser leur activité et de mutualiser leurs moyens et leurs achats. Dans ce contexte, le spectre des compétences et des responsabilités des praticiens s’est nettement élargi. Ils doivent être capables à la fois de gérer des équipes diverses (ASV, vétérinaires salariés, etc.), de prendre en compte le développement du salariat vétérinaire, de satisfaire les nouvelles attentes des clients, tout en assurant la profitabilité de leur entreprise. Il leur est également nécessaire de maîtriser la gestion des stocks et des flux de produits, d’anticiper les investissements nécessaires en matériel, sans oublier la gestion des ressources humaines (recrutement du personnel, licenciement, etc.).

Mais les vétérinaires sont-ils bien préparés à ces nouvelles facettes de leur profession ?

Le rôle précieux du practice manager outre-Manche

Dans les pays anglo-saxons, de nombreuses cliniques choisissent de faire appel à un practice manager afin d’apporter une réponse professionnelle à leurs différents besoins managériaux. Leur personnel se forme par ailleurs au management pour savoir comment déléguer des missions au practice manager, pour suivre l’activité et diriger conformément aux attentes des décideurs que sont les associés.

Comment font les praticiens en France ?

Une enquête menée en début d’année auprès de 71 vétérinaires associés révèle une maîtrise plutôt hésitante des sciences de gestion appliquées à une structure vétérinaire (voir encadré).

La majorité des confrères déclarent ne pas se sentir à l’aise avec le domaine juridique et la gestion de cabinet. Plus en détail, le droit et la rédaction des contrats, les ressources humaines, les études de marché de la clientèle, la gestion des coûts, la publicité des produits annexes, enfin le management ne sont pas leurs points forts. En revanche, ils se déclarent plus à l’aise avec la conduite d’équipe (notamment la gestion des conflits) et la négociation. La fidélisation des clients et la tenue des comptes ne leur posent pas non plus de problèmes.

Quant aux capacités des praticiens à monter leur propre structure vétérinaire, l’étude pointe certaines lacunes (voir tableau 1). Ils se sentent plutôt démunis pour appréhender le projet de création ou de reprise d’une clinique ou d’un cabinet. Ils reconnaissent ne pas être à l’aise avec l’étude de marché, les modalités administratives et la recherche de financement. 70 % des répondants sont des praticiens canins. Si 56 % d’entre eux exercent déjà depuis 10 ans dans leur propre structure vétérinaire, en revanche, ils n’ont pas suivi de formation de gestion pendant leur cursus.

L’expertise en gestion à renforcer

Cette étude montre également un important déficit en formation continue puisque les praticiens déclarent ne pas avoir été capables de compenser leur manque de compétences en sciences de gestion par ce biais.

La plupart (89 %) des vétérinaires interrogés n’ont reçu aucune formation en sciences de gestion. Sur les 8 praticiens qui ont déclaré avoir été formés, 4 ont reçu ce type de formation au sein de leur ENV et les autres dans un établissement externe. Par ailleurs, 90 % des répondants auraient été intéressés par des cours en sciences de gestion plus précis et professionnels lors de leur formation vétérinaire.

Comment expliquer ce manque de compétences reconnu spontanément par les vétérinaires dans cette enquête ? Pour Brice Masson (T 08), praticien à Epernay (Marne), « gérer un client difficile, expliquer et valoriser nos actes cliniques auprès des propriétaires d’animaux requiert des talents de communication que nous ne possédons pas forcément. Il convient de savoir présenter les choses clairement. Davantage de formation dans ce domaine est nécessaire. Lorsque je vois le temps que passent mes employeurs à la gestion de l’entreprise, je réalise que cette partie représente l’une des grosses lacunes de notre cursus ».

De son côté, Tristan Labrador (N 08), qui exerce à Boussac (Creuse), déplore ses lacunes de gestionnaire : « J’ai découvert le monde de la gestion d’entreprise. C’est un véritable casse-tête que l’école ne nous apprend absolument pas à résoudre, alors que beaucoup d’entre nous se destinent à l’exercice libéral. Ce serait bien d’avoir quelques cours de gestion d’entreprise. »

Pierre Henri (A 09), chef d’entreprise, soulève aussi ce manque de formation en gestion et en création d’entreprise. Selon lui, il serait fort utile d’ajouter à l’enseignement vétérinaire certains modules tels que l’étude de marché, la réalisation d’un budget, les différents types d’entreprise à créer, les besoins de trésorerie, la préparation des entretiens avec la banque, ou encore les prévisions du chiffre d’affaires afin d’optimiser ses investissements (voir tableau 2).

Les ENV face aux exigences européennes

De jeunes praticiens, soumis désormais à l’obligation professionnelle de maîtriser diverses capacités managériales, reconnaissent que leurs compétences en sciences de gestion sont limitées. Quant aux praticiens plus expérimentés, ils admettent ce manque d’expertise, mais n’ont pas compensé ce déficit par la formation continue.

En outre, il apparaît également une certaine réticence spontanée des étudiants vétérinaires par rapport à ce domaine, car leur engagement est relativement altruiste. Cela transparaît dans les mots qu’ils utilisent pour décrire le métier de vétérinaire : « animal », « soigner », « chirurgie », « médecine ». Le monde de l’entreprise et le volet financier, par exemple, ne sont pas du tout envisagés. L’enseignement, principalement voué au côté médical, comme le souligne le rapport de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres), renforce encore ce phénomène. Les éléments de formation ne sont ainsi pas suffisants, et les étudiants ou les jeunes diplômés ne sont a priori que peu réceptifs aux discours liés aux sciences de la gestion.

Pourtant, les choses bougent. Les ENV abordent de plus en plus ces sujets au sein de leur formation : une adaptation nécessaire aux besoins des diplômés et aux exigences des instances nationale et européenne.

ÉCHANTILLONNAGE ET MÉTHODOLOGIE

→ L’étude a été menée par les auteurs de l’article. L’échantillon constitué a respecté la répartition des vétérinaires sur le territoire français. 316 questionnaires ont été envoyés par courriel, selon un échantillonnage proportionnel par région de vétérinaires tirés au sort, permettant a priori d’obtenir un panel représentatif. L’échantillon prévu était conforme à la répartition des vétérinaires par régions (dont 13,2 % en Île-de-France, 8,8 % en Rhône-Alpes, 7 % en Provence-Alpes-Côte d’Azur, selon l’étude Xerfi).

→ 71 vétérinaires ont répondu au questionnaire, soit un taux de participation de 23 %. La répartition sur le territoire des répondants n’est pas disponible, ce qui n’exclut pas un biais d’échantillonnage.

→ Les questions posées font appel à du déclaratif : quand les vétérinaires déclarent qu’ils ne sont pas performants, il est présumé qu’il existe un déficit dans la maîtrise des sciences de gestion. Si le biais de mesure existe, il est négligeable. Au contraire, il peut être supposé que les vétérinaires ayant répondu ont un attrait particulier pour les sciences de gestion susceptible d’entraîner un biais d’échantillonnage. S’il existe, ce biais aurait tendance à surestimer le niveau des praticiens dans le domaine.

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