Hiérarchiser les dangers sanitaires - La Semaine Vétérinaire n° 1508 du 21/09/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1508 du 21/09/2012

Dossier

Auteur(s) : Stéphanie Padiolleau

L’un des piliers de la nouvelle organisation sanitaire, issue des États généraux du sanitaire, repose sur la catégorisation des maladies animales afin de déterminer leur importance et le degré d’investissement de l’État pour leur maîtrise. L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), saisie pour fournir un support scientifique, a rendu 2 avis sur les affections présentes en France, ainsi que sur les maladies exotiques susceptibles de la menacer. Décryptage.

Les États généraux du sanitaire ont modifié l’organisation du système sanitaire français pour les maladies animales. L’un de ses piliers repose sur la répartition des affections au sein de 3 catégories, lesquelles déterminent l’importance de l’investissement de l’État et des organisations professionnelles, ainsi que les actions de recherche ou de lutte à engager.

Les maladies à déclaration obligatoire (Mado) et les maladies réputées contagieuses (Marc) disparaissent, pour mieux réapparaître dans les dangers sanitaires répartis en 3 catégories :

la catégorie 1 comprend des maladies qui justifient un engagement financier et humain de l’État sur des actions de surveillance et, éventuellement, de lutte ou de maîtrise en élevage ;

la catégorie 2 regroupe des maladies pour lesquelles des actions de surveillance, et éventuellement de lutte ou de maîtrise, seront conduites de manière obligatoire sur un territoire donné, mais dont la gestion sera confiée aux professionnels ;

la catégorie 3 comprend des maladies pour lesquelles des actions volontaires seront mises en place, d’initiative professionnelle.

Pour le moment, le décret du 30 juin 2012 reprend les maladies réglementées et celles à déclaration obligatoire, en attendant une catégorisation plus récente pour les 2 premières catégories.

En préliminaire à ce classement, l’administration a donc saisi l’Anses afin de proposer une méthodologie permettant de catégoriser les maladies animales. Le travail effectué par l’agence « se limite à produire une hiérarchisation des maladies présentes en France, et ainsi à mettre à la disposition du demandeur les éléments scientifiques qui pourront être utilisés pour définir les maladies qui entrent dans les catégories définies dans l’ordonnance 2011-862 du 22 juillet 2011 ».

Ce travail n’a donc aucun caractère prospectif ou prédictif, pas plus qu’il ne tient compte de ce qui existait il y a 10, 20 ou 60 ans. Il s’agit d’une photographie subjective de l’état sanitaire des animaux d’élevage à l’endroit et au moment de l’analyse, en l’occurrence en France en 2011. Subjective, parce qu’elle dépend des critères d’inclusion et d’exclusion choisis pour dresser la liste des maladies à classer. Subjective aussi en raison du choix de ces critères et de leur notation, ainsi que de la façon de croiser les résultats et de les analyser. L’aspect prédictif se retrouve davantage dans le rapport sur les maladies exotiques qui, lui, s’attache aux affections qui n’existent pas en France, mais pourraient bien y sévir dans un futur proche.

La méthode de travail a été élaborée à partir de la méthodologie choisie par la Commission européenne et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), adaptée selon les avantages et les inconvénients déterminés pour d’autres systèmes de hiérarchisation, le tout appliqué à la situation française (voir figure ci-contre). L’ensemble a été réparti dans différents groupes de travail. Le résultat n’est pas une hiérarchie absolue. L’importance des maladies les unes par rapport aux autres est relative et dépend du contexte épidémiologique de la France métropolitaine, de l’état des connaissances à l’instant où la liste est établie, mais aussi de l’objectif recherché. On peut regretter que l’aspect socio-économique ne soit pas plus présent, en termes d’emplois générés par les filières, qu’ils soient directs (éleveurs, salariés agricoles) ou indirects (industrie agro-alimentaire, transformateurs, revendeurs).

DÉTERMINATION DE LA LISTE DES AFFECTIONS À ÉTUDIER

La Direction générale de l’alimentation (DGAL) souhaitait que les dangers ciblés par la hiérarchisation concernent l’ensemble des maladies ou infections animales présentes en élevage et qui figurent sur la liste de l’OIE, ou mentionnées par la réglementation communautaire ou nationale. Les groupes de travail et professionnels impliqués dans le projet ont ajouté ou supprimé certaines de ces affections selon des critères d’inclusion et d’exclusion donnés. Ces critères sont différents pour la hiérarchisation des maladies exotiques (voir article en page 34).

Les affections qui n’ont pas provoqué de cas cliniques depuis un certain temps, ou peu de cas, ont également été exclues. Inutile donc de chercher la fièvre aphteuse dans l’espèce bovine, la brucellose bovine, la cowdriose, etc. Beaucoup d’affections “historiques” ou présentes dans l’actualité mondiale (fièvre aphteuse, influenza aviaire hautement pathogène) entrent ainsi dans la catégorie des maladies exotiques (voir article en page 34).

Les groupes de travail par filières ont cependant pu ajouter des affections préoccupantes en élevage, soit pour leur impact sur la santé publique, soit pour leurs conséquences économiques dans la filière (par exemple, les nématodoses équines, la rhodococcose, la besnoitiose, l’aspergillose, etc.). Lorsque plusieurs espèces sont sensibles à une même maladie, celle-ci est affectée à la filière où elle fait le plus de dégâts, ou bien traitée comme une affection indépendante dans chaque filière concernée.

CHOIX DES CRITÈRES ET NOTATION

La méthodologie retenue repose sur un certain nombre de critères, regroupés en domaines de critères (DC, voir tableaux en page 32).

L’impact économique des maladies (DC2) est difficile à évaluer en l’absence de données objectives de prévalence, de répartition géographique précise, sans parler des pertes de production immédiates et retardées, ou de celles sur la longévité des reproducteurs, les aptitudes à la reproduction et à la production. Les critères et la manière de les noter ont ainsi été étudiés pour permettre un classement des affections les unes par rapport aux autres. La liste des pertes n’est donc pas exhaustive : pas de coût par animal et par foyer. En revanche, les pertes sont évaluées sur la base de la forme la plus fréquente, et les conséquences de la maladie sur l’économie nationale d’après leur impact potentiel (tourisme, commerce).

La disparité entre les effets des zoonoses sur l’homme et sur les animaux est prise en compte. Un regret : de nombreuses maladies humaines d’origine animale ne sont pas à déclaration obligatoire ; leur fréquence, leur prévalence et leurs conséquences proviennent donc d’estimations. En revanche, une distinction est établie entre les maladies humaines attribuables aux animaux ou aux denrées nationales, ou à un séjour à l’étranger et à des denrées (crise des graines germées contaminées par E. coli O104 : H4) importées.

Pour évaluer l’impact sociétal (DC4), sont pris en compte les éléments générateurs de crise ou de réaction du grand public (atteinte du bien-être animal) et la médiatisation (ou plutôt le risque de médiatisation). C’est là peut-être qu’un impact sur l’emploi ou la réduction du nombre d’exploitants et d’exploitations aurait pu être pris en compte.

Les moyens diagnostiques et de prévention se voient offrir une part importante. En cas d’épizootie, comme avec la fièvre catarrhale ovine ou le virus de Schmallenberg, mais aussi avec des affections plus courantes, le diagnostic est primordial. Tout frein au diagnostic (disponibilité, fiabilité) augmente le risque attaché à une maladie. L’efficacité des moyens de contrôle médicaux (vaccination et traitements) est également prise en compte, de même que celle des mesures de biosécurité (maîtrise de l’exposition, désinfection, contrôle des introductions, maîtrise des contacts entre exploitations et avec la faune sauvage).

Les 2 derniers groupes de critères s’intéressent à l’impact des mesures de lutte : conséquences économiques globales (freins à la circulation et au commerce des animaux, des denrées d’origine animale). Le coût global des mesures de lutte collectives est intégré dans ces critères, ainsi que les frais supportés par l’éleveur dans une moindre mesure. L’impact sociétal est essentiellement envisagé sous l’angle des politiques d’abattage. Ces dernières années, par exemple, l’abattage total du troupeau lorsqu’un seul animal est suspect ou atteint a été remis en cause, et des systèmes d’abattage partiel ont ainsi vu le jour.

CLASSEMENTS PARTIELS ET HIÉRARCHIE FINALE

Les résultats ouvrent sur plusieurs possibilités d’interprétation. Pour toutes les filières, il existe une corrélation forte entre l’impact sur la santé humaine et l’impact sociétal, alors que ces 2 critères sont totalement indépendants des conséquences économiques et commerciales de la maladie animale dans les exploitations.

Le rapport de l’Anses propose plusieurs analyses des résultats obtenus (à choisir selon l’objectif recherché) : un classement général prenant en compte l’ensemble des critères, pondérés ou non ; un classement par domaines de critères, ou une répartition en 2 dimensions (d’après 2 domaines), etc.

L’accent est mis sur l’impossibilité d’une hiérarchie globale de toutes les affections dans l’ensemble des filières étudiées, qui prendrait tous les critères en compte, en raison de l’hétérogénéité des effectifs, des méthodes et des moyens de production, de la répartition géographique, etc.

La répartition par groupes est peut-être plus parlante, avec les maladies à fort impact sur la santé humaine et/ou sociétal, mais à conséquences économiques et commerciales faibles dans les élevages, ou bien celles qui ont des répercussions économiques désastreuses, mais aucun impact sur l’homme, qu’il soit médical ou sociétal, entre autres.

Au final, la tuberculose apparaît dans le top 10 des maladies bovines, avec la fièvre Q, la salmonellose clinique, la paratuberculose, la listériose, la fièvre catarrhale ovine, la fièvre charbonneuse et les encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST), quel que soit le mode d’agrégation des notes.

En équine, l’anémie infectieuse arrive en tête. Le classement varie ensuite selon la pondération, pour la leptospirose, l’artérite virale, la rhino­pneumonie, les babésioses et la rhodococcose.

Côté porcs, la maladie d’Aujeszky, le syndrome dysgénésique et respiratoire porcin (SDRP), la salmonellose et la brucellose porcine devancent la streptococcie porcine, la maladie de l’œdème du porc et la rhinite atrophique.

Pour les volailles, les 4 premières affections du classement sont identiques pour les 3 pondérations étudiées : maladie de Newcastel, salmonelloses, influenza aviaire faiblement pathogène et botulisme aviaire de types C et D.

  • 1 Anses, avis sur la « hiérarchisation de 103 maladies animales présentes dans les filières ruminants, équidés, porcs, volailles et lapins en France métropolitaine », juin 2012.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr