Une profession rajeunie dans un département attractif - La Semaine Vétérinaire n° 1507 du 14/09/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1507 du 14/09/2012

Dossier

Auteur(s) : SERGE TROUILLET

Une activité bovine qui se tasse, les médecines canine et équine en progression, des couples de praticiens plus nombreux qu’ailleurs et un net renouvellement des diplômés depuis 20 ans : tels sont les traits marquants d’une profession qui affiche un beau dynamisme dans le département de Haute-Loire. Le nombre de vétérinaires y a triplé en 30 ans, avec une hausse de structures mixtes, une moyenne d’âge inférieure à 40 ans et… davantage de femmes.

Chez les vétérinaires de la Haute-Loire, Gilles Bastien (L 71) fait figure de mémoire locale de la profession depuis 40 ans. Tout juste retraité, il est encore le président du syndicat départemental, à ce poste sans interruption depuis 1982 : « J’ai bien essayé, en vain, de passer la main, mais il devient difficile, dans nos départements ruraux, de convaincre de prendre une responsabilité dont on perçoit mal le contenu et les retombées. » À ses débuts, l’activité était intense : « Je cumulais la présidence avec la fonction de délégué fiscal du syndicat. C’était le début de l’assujettissement à la TVA, avec son cortège d’incidences fiscales, puis l’arrivée de la déclaration contrôlée, qui se substituait alors à l’évaluation administrative. La profession devenait plus paperassière et de nombreux confrères s’en trouvaient déstabilisés. Il fallait les aider », se rappelle-t-il.

Cette époque marquait aussi le début de l’incidence des directives européennes sur l’exercice du métier, avec les transcriptions en droit français. « Ce n’était pas la première préoccupation des vétérinaires et pourtant, nous devions leur permettre de se mettre en règle, voire d’anticiper les évolutions en cours. » Le syndicat jouait aussi un rôle dans la négociation des tarifs de prophylaxie, propres à chaque département. « Aujourd’hui, ces tarifs sont indexés, la prophylaxie a diminué, l’administration recule, ce qui était traité au niveau départemental l’est au niveau national, bref, le rôle du syndicat dans nos régions est moins visible et il ne motive guère les jeunes confrères. Et pourtant, la défense de notre profession, y compris au niveau européen, nécessite un syndicat mobilisé », analyse Gilles Bastien.

UNE CANINE SALVATRICE

L’évolution du métier, dans le département, il en a vécu chacune des étapes. Il est le témoin d’une relative stabilité du nombre de structures rurales. Une seule s’est créée à Siaugues, dans le canton de Langeac, en 1986. Le nombre de praticiens, associés ou non, a changé : « En 1980, nous étions 25 en Haute-Loire, aujourd’hui, ce nombre a triplé. Cela s’explique par l’essor de l’activité canine. Les structures naguère exclusivement rurales sont devenues mixtes. Des cabinets secondaires ont été créés en ville pour élargir la clientèle, mieux couvrir le territoire, et quelques cliniques canines sont apparues dans les zones fortement urbanisées comme Le Puy, Yssingeaux et toute la banlieue de Saint-Étienne. L’agglomération de Monistrol-sur-Loire est devenue la 2e de Haute-Loire derrière celle du Puy et devant celle de Brioude », ajoute-t-il.

L’arrivée des citadins à la campagne explique en partie cette évolution pour Jean-Luc Yonger (T 78), président du Groupement technique vétérinaire du département (GTV 43) depuis 1984 : « Il y a 30 ans, dans le meilleur des cas, nous faisions 3 ou 4 consultations canines par jour. Depuis, l’activité s’est développée, l’installation de “néoruraux” se combinant à la médicalisation fortement accrue des chiens et des chats appartenant aux éleveurs. L’animal de compagnie occupe désormais, dans tous les milieux, une place où l’affectif joue un rôle déterminant. »

LA BOVINE AVEC L’ACTIVITÉ PRÉVENTIVE

Jean-Luc Yonger voit même dans la progression de la canine le meilleur soutien de la rurale : « Ce sont les bénéfices de l’activité rurale qui ont permis, dans un premier temps, d’investir dans le matériel nécessaire à l’activité canine. Notamment grâce à la prophylaxie. Notre situation était particulière dans le département. La prophylaxie collective à grande échelle s’y est poursuivie tardivement, que ce soit la tuberculination ou les prises de sang pour la brucellose. L’éradication un petit peu plus lente de ces maladies, et surtout la volonté commune des éleveurs et des vétérinaires de ne pas alléger trop tôt les contrôles, ont généré plus longtemps des compléments de revenus qui ont permis la croissance de la canine, laquelle, en retour, soutient aujourd’hui la rurale. »

Pour les vétérinaires altiligériens, l’activité rurale a globalement tendance à se tasser. Si le nombre d’éleveurs diminue, celui des bovins se maintient. Mais la composition des cheptels varie. Dans l’ouest, les reconversions vont bon train. Les races laitières, en majorité la holstein en plaine et la montbéliarde en semi-montagne, sont encore les plus nombreuses. Mais les allaitantes (limousine, salers et aubrac) représentent dorénavant un tiers du cheptel bovin. Gilles Bastien y voit la marque d’une génération qui ne veut plus traire : « C’est la raison principale des reconversions ou des troupeaux mixtes qui se multiplient. Dans l’histoire, le vétérinaire n’est pas gagnant. Il y a moins de travail en allaitant, moins d’affections métaboliques ou infectieuses, moins de mammites que chez les laitières. Même l’obstétrique régresse car, la génétique aidant, les veaux issus de croisements sont plus petits à la naissance. Pour maintenir la rurale, il faudra développer l’activité préventive rémunérée… »

UNE ÉQUINE EN PLEINE ÉVOLUTION

Les éleveurs, dont la technicité évolue, cherchent, en favorisant les races rustiques mieux adaptées à leurs territoires, à limiter les interventions vétérinaires. Mais si la bovine se tasse, l’équine, comme la canine, progresse.

Cette caractéristique du département n’est pas le fait du cheval lourd, relativement stable, présent notamment dans la région d’Yssingeaux. Il s’agit essentiellement du comtois, du breton et un peu du percheron. La Haute-Loire est l’un des 3 premiers producteurs de viande chevaline, mais la demande diminue fortement en France. La majorité des poulains, les “laitrons”, sont exportés vers l’Italie. La rentabilité est faible, mais elle est surtout l’affaire de passionnés qui réussissent ainsi à maintenir le cheptel.

Si l’équine se développe, c’est plutôt grâce au cheval de loisir. S’il n’y a ni écuries ni chevaux de courses en Haute-Loire, toutes les activités équestres de loisir y sont représentées : concours de sauts d’obstacles, western, endurance, randonnée, etc. « Ces chevaux sont bien médicalisés, constate Audrey Collin (L 02) dotée d’une double activité libérale, en canine et en équine. Ce sont des passionnés, bien documentés, très avertis, quitte parfois à interpréter de manière peu scientifique ! Mais ils font vacciner, ils savent ce qu’est un vermifuge. L’évolution est réelle. »

Cet essor est en outre lié à l’arrêt de l’activité de reproduction des juments par les Haras nationaux. L’insémination, le contrôle de gestation par échographie et l’identification des poulains est désormais devenue l’affaire des vétérinaires du département, pilotée par le GTV local (voir en page 29).

1 PRATICIEN SUR 3 A UN CONJOINT VÉTÉRINAIRE

Aussi, plus d’un tiers des vétérinaires ont un conjoint également praticien, même si ces couples ne travaillent pas tous dans la même structure ! La plupart d’entre eux se sont formés pendant leur cursus, qui a vu, du reste, une inversion totale de la mixité en 30 ans. « À mon époque, s’amuse Marie-Odile Yonger (T 79), nous étions 9 filles pour 100 garçons ; à celle d’Edwige et d’Arnaud Goblet (L 97), nos associés, c’est passé à la parité ; aujourd’hui, c’est plutôt 10 garçons pour 100 filles ! » Difficile en effet pour un conjoint non vétérinaire de trouver un emploi en zone rurale. La solution, c’est souvent le couple de praticiens, sous réserve qu’il y ait une activité pour les 2. L’attractivité du département, le développement de la canine, la hausse de la taille des structures et l’évolution des mentalités ont changé la donne. Cela n’a pas toujours été le cas.

Gilles Bastien se souvient : « Quand je me suis associé à Brioude, on prenait le mari, mais pas la femme. C’était le machisme de l’époque. Du coup, Jacqueline (L 72) s’est installée seule en rurale mixte à une vingtaine de kilomètres, à Brassac-les-Mines, et elle s’y est imposée ! » Il en est de même pour Marie-Odile Yonger, qui a dû commencer par du secrétariat avant de faire son trou en développant une activité canine, à l’époque embryonnaire. Les temps ont heureusement changé. Audrey Collin, dont le mari est associé à Vals-près-Le Puy, est elle-même associée à mi-temps en canine à Brives-Charensac tout en développant, seule, une activité équine à domicile.

UN ÂGE MOYEN INFÉRIEUR À 40 ANS

Il en résulte que la profession, ces dernières décennies, s’est considérablement renforcée en Haute-Loire. Tout en restant, du reste, traditionnellement libérale : moins de 20 % des praticiens sont salariés. Certes, des disparités demeurent. L’ouest du département, moins urbanisé, rend plus délicate l’installation de jeunes : « La taille des cabinets et la part grandissante de la canine ont contribué à rééquilibrer l’attractivité de notre territoire », analyse Gilles Bastien à Brioude. « Il n’en demeure pas moins que nous sommes un peu loin de tout. Clermont-Ferrand et Saint-Étienne sont à 1 heure, Lyon à 2 heures. À Langeac, un chef-lieu de canton de 4 000 habitants, le lycée le plus proche est à Brioude ! Et il n’y a pas de cinéma… », ajoute Jean-Luc Yonger.

Le phénomène est encore plus marqué pour les clientèles excentrées, où même les aides sont parfois difficiles à trouver. À Siaugues, qui n’est pourtant qu’à 15 km de Langeac, seuls des Italiens, des Espagnols ou des Roumains ont répondu il y a quel­ques années à une annonce ! Et à Landos en Lozère, le problème est le même. La profession, malgré tout, affiche globalement un beau dynamisme. Les femmes, qui représentent un tiers des diplômes, n’hésitent pas à s’installer en rurale mixte. Moins de la moitié d’entre elles, seulement, exercent en canine pure. Et puis – est-ce le fait d’un cadre de vie réputé pour son attractivité ? – la profession s’est notablement rajeunie depuis 20ans. La moyenne d’âge des vétérinaires n’y dépasse pas 40 ans.

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