Le Danemark, un exemple vis-à-vis de l’antibiorésistance ?

Consacrant son atelier annuel aux préoccupations liées aux antibiotiques, la commission porcine des Groupements techniques vétérinaires (GTV) a mis en exergue l’exemple du Danemark. Les discussions concernaient la transposition possible – ou non – dans notre pays des mesures danoises prises vis-à-vis de la problématique de l’antibiorésistance.

LES MESURES DANOISES

Au Danemark, les mesures de lutte contre l’antibiorésistance ont été mises en place par étapes sur 15 ans. Les dispositions ont commencé en 1993, avec des restrictions sur les préparations extemporanées, et l’obligation du recours à la cascade de prescription. En 1995, les possibilités de profit des vétérinaires sur la délivrance d’antibiotiques ont été réduites à 5 ou 10 %.

Les prescriptions supérieures à 5 jours n’étaient plus possibles. L’utilisation de médicaments vétérinaires par l’éleveur sans consultation préalable par un praticien restait possible à condition d’instaurer un contrat de suivi sanitaire. Cet accord imposait la mise en place, pour tous les élevages, de 12 visites par an(un nombre récemment ramené à 6 pour certains ateliers).

Au Danemark, l’enregistrement s’effectue au niveau de l’élevage par celui qui délivre le médicament (le pharmacien ou l’usine d’aliments) via le système Vetstat. En France, l’enregistrement intervient à l’échelle d’une filière (via l’industrie pharmaceutique). À noter que la prescription et la délivrance du médicament sont dans les faits découplées au Danemark (même si cela n’est pas imposé).

En 1996, un pas supplémentaire est franchi, avec la limitation des incitations économiques par les firmes productrices de médicaments.

En 2002, le recours aux fluoroquinolones devient possible, uniquement avec un aval direct des autorités sanitaires. Ce recours était toutefois négligeable et, en 2003, un antibiogramme est rendu obligatoire avant la prescription de cette même famille d’antibiotiques.

Le système “carton jaune” est mis en place à l’automne 2010. Extrêmement efficace, il permet a priori 20 % de diminution en 1 an et cible les plus importants consommateurs d’antibiotiques. Cette mesure s’assortit d’un objectif précis : réduire de 10 % les quantités délivrées entre 2009 et 2013. Des seuils de quantité d’antibiotiques par jour et par animal sont définis par production. Si la moyenne glissante sur 9 mois dépasse la limite, les autorités sanitaires dressent un carton jaune à l’éleveur, qui doit contacter le vétérinaire (la consultation est payante). Si au bout de 9 mois, l’éleveur n’est pas redescendu en dessous du seuil, des injonctions supplémentaires sont possibles.

LES RÉSULTATS DU PLAN

Le système a fonctionné au Danemark, car les éleveurs, responsabilisés, ont été sensibilisés au préalable.

Par ailleurs, la réduction de l’usage des antibiotiques s’est accompagnée d’un changement d’usages. La tiamuline s’est substituée à la doxycycline et à la tylosine pour le traitement de l’entérite hémorragique à Lawsonia (avec une durée moindre : de 3 semaines à 5 à 7 jours !). L’évaluation de l’exposition des antibiotiques repose sur un nombre de jours de traitement au Danemark (ADD), et non sur un nombre de traitements comme en France. La réduction de la durée du traitement a donc diminué l’exposition aux antibiotiques.

Par ailleurs, la faible utilisation de la colistine pour les diarrhées des porcelets s’explique par le recours à l’oxyde de zinc à hauteur de 2 500 ppm, via une autorisation sous couvert de la prescription extemporanée au Danemark.

DISCUSSION

Notre confrère Fabien Larcher a recueilli « le vécu des vétérinaires » sur ce sujet au cours de ses séjours au Danemark (les praticiens danois sont partagés sur l’efficacité du découplage prescription-délivrance, par exemple).

En termes d’efficacité “quantitative”, il n’est pas aisé d’évaluer les mesures mises en place, car parallèlement, d’autres événements sont intervenus : les quantités d’antibiotiques à usage thérapeutique ont doublé entre 1996 et 2003¹, mais ce phénomène se superpose à l’arrêt des promoteurs de croissance et à la montée en force de la maladie d’amaigrissement du porcelet dans les années 1999-2000, précise Fabien Larcher. Dans ce pays dont la taille est comparable à celle de la Bretagne et des Pays-de-la-Loire additionnés, explique Jean Michel Picard (DGAL), la production équivaut à celle de cette région alors qu’il n’y a “que” 3 000 élevages de porcs (28 millions d’animaux produits et 20 % exportés), mais moins d’éleveurs qu’en France. Le contexte de production est donc fortement intensif.

Les mesures se sont traduites par une diminution de moitié du nombre d’élevages et une tendance à l’hyperproduction (900 porcs par élevage en moyenne dans ce pays).

• 1 Source : Danmap 2004. Article tiré d’une conférence de Jean-Michel Picard (DGAL) et de Fabien Larcher (Chêne vert conseil), lors du dernier congrès de la SNGTV, en mai 2012 à Nantes. Pour en savoir plus : http://www.danmap.org