Traitement chirurgical des hernies diaphragmatiques - La Semaine Vétérinaire n° 1504 du 13/07/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1504 du 13/07/2012

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : STÉPHANE BUREAU

Fonctions : praticien à la clinique Alliance à Bordeaux (Gironde), DESV en chirurgie, diplomate ECVS

POINTS FORTS

– Seule la moitié des hernies diaphragmatiques sont diagnostiquées le premier mois.

– L’oxygénation et la surveillance anesthésique garantissent la réussite thérapeutique.

– Les lésions de reperfusion, souvent fatales, sont les principales complications.

– Actuellement, le taux de mortalité est de 10 à 14 %.

Trois quarts des hernies diaphragmatiques sont consécutives à un accident de la voie publique, mais seulement 51 % sont diagnostiquées dans le premier mois : dans 10 à 50 % des cas, surtout chez le chat, aucun traumatisme n’est rapporté. La dyspnée, signe clinique le plus fréquent, n’est présente que dans 38 à 72 % des cas. Les autres signes sont plus ou moins évocateurs : vomissements, dysphagie, diarrhées, perte de poids, bruits cardiaques assourdis, borborygmes dans le thorax.

La radiographie est diagnostique dans 66 % des cas. Le recours à 2 clichés, selon 2 angles différents, se révèle souvent nécessaire. Les signes évocateurs sont une perte de la continuité diaphragmatique, une silhouette cardiaque moins nette, la présence d’anses intestinales dans le thorax et un épanchement. L’utilisation de produits de contraste est décrite et a été plébiscitée avant la vulgarisation de l’échographie. La péritonéographie consiste en l’injection de quelques millilitres de produit de contraste dans la cavité abdominale pour observer son éventuel passage dans la cavité thoracique. Cependant, lorsque l’orifice diaphragmatique est occlus par des organes abdominaux, le produit de contraste ne circule pas. Le transit baryté est diagnostique dans 80 % des cas si le tube digestif se trouve dans la cavité thoracique. Il n’est d’aucune aide si la hernie concerne le foie. L’échographie s’impose en complément de la radiographie. Elle est cependant “opérateur dépendant”. L’association des méthodes est nécessaire dans les cas douteux.

ANESTHÉSIE

Dans les années 80, le pronostic diminuait si l’opération chirurgicale était trop précoce ou au contraire trop tardive, avec une mortalité atteignant 50 %. Les études récentes ne confirment pas ces chiffres. Une meilleure connaissance de l’anesthésie, de la physiopathologie, ainsi qu’une meilleure prise en charge ont permis une réduction du taux de mortalité aux alentours de 10 à 14 %. Une intervention chirurgicale rapide n’est conseillée que lorsque l’estomac est engagé, l’intestin occlus, lors d’hémorragie ou de détresse respiratoire majeure (1 cas sur 10). Dans les autres cas, l’animal est avant tout évalué et stabilisé.

Surveillance respiratoire et cardiaque

Lors de l’anesthésie, l’animal est oxygéné pour améliorer sa FiO2 (fraction inspirée en oxygène), c’est-à-dire la quantité d’oxygène dans l’air inspiré. La ventilation assistée est mise en place dès que possible. La coloration des muqueuses est un paramètre insuffisant pour évaluer l’oxygénation. L’électrocardiogrammme (ECG) évalue la fréquence et le rythme cardiaques. L’oxymétrie pulsée mesure la saturation de l’hémoglobine en oxygène, qui doit être supérieure à 90 %, mais ne renseigne pas sur la ventilation. Ce paramètre pratique, non invasif, délivre une information continue, mais pas forcément fiable, en particulier en présence de pigmentation sur la langue, de diminution du débit cardiaque, de vasoconstriction lors d’hypothermie ou d’écrasement de la langue. Son bon fonctionnement est susceptible d’être évalué par la corrélation entre la fréquence cardiaque qu’elle indique et celle apportée par l’ECG.

La capnographie mesure le taux de CO2 dans l’air expiré, qui est en relation avec la pression artérielle en CO2, la ventilation, le débit cardiaque, le métabolisme et la perfusion. Elle renseigne sur l’efficacité de la ventilation pendant l’anesthésie. Une augmentation du CO2 signe une hypoventilation. Cette dernière est traitée par une augmentation du flux en oxygène, une hausse de la fréquence respiratoire, une ventilation à pression positive, ou par des mesures chirurgicales pour dégager rapidement les poumons ou les sécrétions.

Protocole

Après une prémédication à dose réduite par voie intra­veineuse (benzodiazépines comme le diazépam, 0,2 mg/kg ; opioïdes, morphine 0,2 mg/kg ; acépromazine, 0,02 mg/kg), l’induction au thiopental (10 mg/kg) ou au propofol (4 à 6 mg/kg) suit rapidement. L’animal est ensuite intubé et une ventilation assistée est débutée dès que possible. Réalisée au ballon ou au ventilateur, elle ne doit pas dépasser 20 cm d’eau, pour une durée d’insufflation de 1 à 2 secondes, toutes les 5 à 7 secondes. Une perfusion d’entretien classique(5 à 10 ml/kg/h) est installée.

CHIRURGIE

L’ouverture de la cavité abdominale est classique et permet de réduire la hernie, afin d’améliorer la ventilation en dégageant les poumons. Le foie est un organe délicat à manipuler : 2 doigts en crochet passés derrière le lobe hépatique permettent de le ramener dans la cavité abdominale. Pour améliorer nettement la visualisation du champ opératoire et faciliter la reconstruction diaphragmatique, le ligament falciforme est retiré.

La suture diaphragmatique est réalisée par un surjet, à l’aide de monofil résorbable fin (3-0, voire 2-0). Un examen minutieux des organes abdominaux précède la fermeture de la paroi abdominale et la restauration du vide pleural, à l’aide d’une aiguille épi­crânienne. La fréquence de la ventilation assistée est alors de 3 à 4 mouvements par minute. L’anesthésie est réduite jusqu’à une reprise spontanée progressive de la ventilation. La durée de l’intervention chirurgicale est de 20 minutes environ.

COMPLICATIONS PEROPÉRATOIRES

Adhérences et rétraction cicatricielle

Si le diagnostic est tardif, l’omentum peut être adhérent. Il est alors sectionné et laissé en place. Les autres adhérences, intestinales ou hépatiques, sont disséquées. Au besoin, une lobectomie est pratiquée. Cette dernière est éventuellement précédée d’une sternotomie pour améliorer l’accès. Pour les lésions abdominales (nécrose du tube digestif, par exemple), un traitement spécifique est initié.

Lorsque la rétraction cicatricielle empêche la suture diaphragmatique, une incision en direction ventrale de l’orifice libère alors les tensions. La résection des bords est controversée dans la littérature. Notre confrère ne la pratique pas. Lorsque l’orifice intéresse la zone de la veine cave caudale, les points sont posés en veillant à ne pas sténoser celle-ci.

Hernie chronique

Dans certains cas rares de hernie chronique, la fermeture est difficile en raison de l’atrophie et de la réaction fibreuse : l’avancement du diaphragme permet alors de gagner quelques centimètres. D’autres techniques sont décrites :

> un morceau d’omentum pédiculé et vascularisé est placé, en double, sur un treillis de sutures. Il favorise le dépôt de fibrine. Cette technique est peu rigide, mais assez aisée ;

> un lambeau de muscle abdominal transverse rectangulaire, basé sur T13, est utilisé. La largeur doit être supérieure de 10 % environ à celle de l’orifice. Il est pivoté afin que le péritoine devienne la plèvre pariétale ;

> une mèche de polypropylène est placée, couverte par de l’omentum afin de réduire les adhérences thoraciques.

Risque de lésions pulmonaires

L’expansion pulmonaire, lors de la fermeture de l’orifice diaphragmatique pour évacuer l’air pleural, est contre-indiquée en raison des risques de lésions alvéolaires, de pneumothorax et de diminution du retour veineux.

MESURES POSTOPÉRATOIRES

L’animal est maintenu sous oxygène et surveillé jusqu’à son réveil. La sonde trachéale est laissée enplace le plus longtemps possible, jusqu’à ce qu’elle ne soit plus tolérée. La douleur est prise en charge. Plusieurs molécules sont désormais disponibles : morphine, buprénorphine, méthadone, AINS1, protocole MLK2. Le choix repose sur les habitudes du praticien et la disponibilité de ces molécules. Le conférencier utilise la morphine en phase peropératoire (0,2 à 0,5 mg/kg), suivie d’un relais après 12 à 24 heures par la buprénorphine (0,01 mg/kg par voie intramusculaire) et les AINS (méloxicam). Une antibioprophylaxie (céfalexine, ampicilline) est réalisée lors de l’induction. L’antibiothérapie n’est pas nécessaire, sauf lors de cas particuliers (lésion intestinale, hépatique, etc.). L’animal, surtout le chat, est maintenu sur un tapis chauffant. Le pneumothorax et des arythmies sont susceptibles de compliquer l’acte chirurgical : ils sont à surveiller en phase postopératoire immédiate.

COMPLICATIONS

Lésions de reperfusion

Les lésions de reperfusion, avec un œdème pulmonaire qui se développe dans les minutes, voire les heures qui suivent la chirurgie, comptent parmi les principales complications postopératoires. Elles sont ennuyeuses, car mal connues, et de pathogénie “multifactorielle”. Le risque est majoré chez des animaux qui présentent un collapsus pulmonaire chronique. Les chats semblent plus fréquemment affectés que les chiens. La recommandation actuelle pour prévenir cette complication est une insufflation progressive des poumons atélectasiés (ne pas dépasser 15 à 20 cm d’eau sur le manomètre). Si les poumons ne se développent pas (observation directe pendant l’intervention chirurgicale), un drain est placé soit en position intercostale, soit au travers du diaphragme afin de permettre une aspiration progressive de l’air sur quelques heures. Le vide pleural est ainsi restauré progressivement.

Pneumothorax

La pose d’un drain est également conseillée lorsque des dissections ont été effectuées (adhérences sur des lobes, par exemple), car elles sont souvent la cause de pneumothorax.

Hypothermie et réveils lents

Toutes les mesures sont à prendre pour éviter l’hypothermie et les réveils lents.

Pronostic

Le pronostic de la hernie diaphragmatique est relativement bon. 4 à 5 % de récidives sont décrites lorsque des fils à résorption rapide sont utilisés. L’étude de Gibson, menée sur 63 chiens et 29 chats présentant une hernie diaphragmatique opérée dans les 24 heures, rapporte une mortalité de 10 %. Sur des hernies plus anciennes (supérieures à 2 semaines, étude de Minihan), la mortalité s’élève à 14 %.

  • 1 Anti-inflammatoires non stéroïdiens.

  • 2 Morphine, lidocaïne, kétamine.

  • Gibson TW, Brisson BA, Sears W.: Perioperative survival rates after surgery for diaphragmatic hernia in dogs and cats: 92 cases (1990-2002). J Am Vet Med Assoc. 2005 Jul 1;227(1):105-9.
  • Minihan AC, Berg J, Evans KL.: Chronic diaphragmatic hernia in 34 dogs and 16 cats. J Am Anim Hosp Assoc. 2004 Jan-Feb;40(1):51-63.
  • Marks SL. : Nasal oxygen insufflation. J Am Anim Hosp Assoc. 1999 Sep-Oct;35(5):366-7.
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