La castration chimique de l’étalon : mythe ou réalité ?

La possibilité d’une castration “chimique” chez l’étalon a fait l’objet de plusieurs travaux. Les indications éventuelles d’une castration temporaire sont de calmer le comportement d’entier dans les cas suivants :

> chez les étalons qui sortent en compétition et sont susceptibles de devenir reproducteurs ;

> chez des étalons excréteurs de l’artérite virale dont le portage dans l’appareil reproducteur pourrait être totalement éliminé du fait de cet arrêt temporaire des sécrétions des hormones sexuelles ;

> chez les individus cryptorchides comme solution alternative à la chirurgie.

3 pistes existent.

PROGESTATIFS

Une administration prolongée de progestatifs a tendance à “calmer” les étalons, en réduisant l’expression de leur comportement sexuel par la modification soit de la sécrétion de certains neurotransmetteurs, soit de la sensibilité de cellules cibles à ces derniers. L’effet tranquillisant est d’ailleurs observé physiologiquement chez la jument gravide. L’altrénogest a fait l’objet du plus grand nombre d’essais, voire semble le plus utilisé sur le terrain à la dose quotidienne double de 0,088 mg/kg, sur de longues périodes. Néanmoins, outre une absence d’efficacité absolue sur le comportement, les traitements à base ? de progestatifs altèrent la fonction testiculaire sans la supprimer totalement et sans que la réversibilité du traitement soit réellement prouvée.

De plus, la prescription d’altrénogest chez un mâle reposerait sur la seule responsabilité du prescripteur : en plus d’être “hors AMM”, elle constituerait une contre-indication explicite dans l’autorisation de mise sur le marché. Enfin, cela représenterait une infraction majeure aux différentes règles de lutte contre le dopage et exposerait le praticien à des sanctions ordinales, pénales et civiles.

AGONISTES ET ANTAGONISTES DE GnRH

Une autre solution alternative à la castration chirurgicale repose sur l’utilisation soit d’agonistes gonadotropin releasing hormone (GnRH) à fortes doses (par saturation permanente des récepteurs GnRH qui provoque un arrêt des stimulations hypophysaires), soit d’antagonistes GnRH (qui se fixent de manière compétitive à la GnRH et à ses récepteurs sans les activer). Avec les 2 types de molécule, il est donc possible d’arrêter totalement et de manière réversible les stimulations gonadiques par la follicle-stimulating hormone (FSH) et la luteinizing hormone (LH), ce qui provoque une véritable castration hormonale.

Il existe depuis peu, sur le marché français, des implants à diffusion longue d’un analogue de la GnRH, la desloréline (Suprelorin®), qui dispose d’une AMM chez le chien pour induire une « infertilité temporaire » par ce mécanisme. Néanmoins, actuellement, aucun protocole faisant appel soit à des agonistes, soit à des antagonistes n’a montré une totale efficacité pour supprimer la fonction spermatique chez l’étalon. L’intensité de l’effet semble variable selon les individus. L’action sur les taux hormonaux circulants est en général nette et réversible à la fin du traitement. En revanche, celle sur le comportement sexuel semble limitée.

IMMUNISATION CONTRE LA GnRH ET VACCINS ANTI-GnRH

L’option la plus séduisante est l’immunisation des étalons vis-à-vis de la GnRH, par l’arrêt des sécrétions hypophysaires de FSH et de LH, ainsi que des différentes fonctions gonadiques.

Récemment, un vaccin GnRH dédié à l’espèce équine (Equity®) a été mis sur le marché australien, avec comme indication unique une suppression temporaire de la cyclicité ovarienne chez les juments non destinées à la reproduction. Le même laboratoire a également mis sur le marché un vaccin dédié à l’espèce porcine (Improvac®), avec comme indication une alternative à la castration des porcelets. Un 3^e vaccin du même laboratoire, adapté à l’espèce bovine (Bovipra®), est disponible en Amérique du Sud afin de supprimer temporairement la sécrétion de testostérone testiculaire et d’inhiber le comportement agressif et sexuel des mâles. Dans l’espèce équine, il y a peu de résultats publiés à partir d’une vaccination soit avec la formulation destinée aux porcelets, soit avec celle destinée aux juments. L’ensemble des 3 études sont résumées dans une seule publication (Burger et coll., 2006).

L’immunocastration est certainement, du point de vue de l’efficacité, la piste la plus prometteuse comme solution alternative à la castration chirurgicale. Cependant, la variabilité de la réponse individuelle est importante, aussi bien en termes d’intensité d’induction de l’inhibition (inégalité d’efficacité sur le comportement et la production spermatique) qu’au regard de la durée des effets. De plus, l’immunisation anti-GnRH altère la fonction testiculaire sans la supprimer totalement, et sans que la réversibilité du traitement soit prouvée. Là encore, la prescription d’un tel traitement chez un mâle reposerait sur la seule responsabilité du prescripteur, puisque “hors AMM”, et représenterait une infraction majeure aux différentes règles de lutte contre le dopage.

• Source : conférence du P^r Jean-François Bruyas (Oniris), présentée lors du congrès SNGTV 2012.