Fragmentation du processus coronoïde médial de l’ulna - La Semaine Vétérinaire n° 1502 du 29/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1502 du 29/06/2012

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : GUILLAUME RAGETLY

Fonctions : diplomate ACVS et ECVS, chirurgien spécialiste au centre hospitalier vétérinaire de Frégis, à Arcueil (Val-de-Marne)

POINTS FORTS

– L’examen clinique aide au diagnostic d’une fragmentation du processus coronoïde : le chien est gêné lors de la flexion maximale du coude, en particulier lors de la supination, et une pression digitale de la face interne du coronoïde entraîne une réponse douloureuse.

– L’ostectomie subtotale du processus coronoïde est le traitement chirurgical de choix.

La fragmentation du processus coronoïde médial de l’ulna est la composante la plus fréquente de la dysplasie du coude. Elle est en général diagnostiquée chez les jeunes chiens (13 mois d’âge moyen au moment du diagnostic) de races de grande taille ou géantes.

PHYSIOPATHOLOGIE

Les altérations pathologiques affectent d’abord l’os sous-chondral du processus coronoïde de l’ulna, avec la formation de microfissures qui progressent jusqu’à la surface articulaire où une fragmentation peut apparaître. Ces changements se produisent typiquement à l’extrémité crânio-latérale de la face interne du processus coronoïde ou dans la région de l’incisure radiale. Bien que la cause précise de ce phénomène reste inconnue, plusieurs hypothèses sont avancées.

> Une disparité de la longueur radio-ulnaire, caractérisée par un raccourcissement du radius par rapport à l’ulna, exposerait le processus coronoïde de l’ulna à une augmentation des forces transmises par l’humérus.

> Une incongruence dynamique radio-ulnaire, caractérisée par le déplacement distal de la surface articulaire radiale proximale par rapport à la partie proximale de l’ulna, exposerait le processus coronoïde à un accroissement de la charge supportée.

> Une incongruence associée à la forme de la trochlée ulnaire, caractérisée par un décalage des contours articulaires de l’humérus et de l’ulna, résulterait en une augmentation des forces transmises par l’humérus.

> Une instabilité de rotation de l’ulna relative à l’humérus serait due à une angulation de la surface articulaire ou à une inadéquation musculo-tendineuse. Dans ces cas, une force de cisaillement latérale serait convertie en une force de compression, provoquant l’écrasement de la face médiale du processus coronoïde.

DIAGNOSTIC

Examen clinique

L’examen clinique approfondi est aussi important que les techniques d’imagerie pour établir le diagnostic. La reconnaissance de la boiterie du membre thoracique peut être relativement difficile en raison de la forte incidence de maladies bilatérales (50 à 90 %). De plus, les jeunes chiens atteints restent étonnamment mobiles, malgré des affections parfois sévères. L’évaluation de la gêne provoquée par la manipulation du coude est un indicateur fort. La gêne la plus reproductible peut être obtenue lors de la flexion maximale du coude, en particulier lors de la supination (flexion et rotation externe). Une réponse douloureuse à la pression digitale de la face interne du coronoïde est également un indicateur diagnostique. Les réponses positives à ces tests seuls, en l’absence de toute autre source identifiée de boiterie (dont l’exclusion d’une affection de l’épaule qui n’est pas toujours évidente), créent un index de suspicion élevé.

Examens complémentaires

L’identification de la fragmentation du processus coronoïde médial est difficile à l’examen radiographique (voir photo 1). Si un fragment ossifié n’est pas visible dans la région du processus coronoïde sur les vues orthogonales, une vue oblique de 15° crâniolatérale-caudomédiale peut aider à le mettre en évidence. Généralement, le diagnostic repose sur l’identification de marqueurs d’arthrose. Cependant, la sclérose subtrochléaire est parfois subtile et les ostéophytes sont souvent peu nombreux en début d’évolution. De plus, ces anomalies radiographiques sont faiblement corrélées à l’affection identifiée par la suite lors de l’inspection directe de l’articulation par arthroscopie.

Si les résultats des techniques d’imagerie non invasives sont équivoques, l’observation directe par arthroscopie est justifiée lorsque l’examen orthopédique est caractéristique (voir photo 2). Dans les autres cas, le scanner ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont à recommander. Cependant, des résultats ambigus au scanner sont parfois observés, alors qu’une fragmentation du processus coronoïde est identifiée à l’arthroscopie avec une affection sous-chondrale démontrée par l’examen histologique des fragments. À l’arthroscopie, les anomalies observées incluent une fragmentation (voir photo 3), des fissures du cartilage, une chondromalacie, une fibrillation et des lésions en miroir au niveau de l’humérus.

TRAITEMENT

Chirurgical

L’ostectomie subtotale du processus coronoïde est devenue le traitement de choix lors de fragmentation du processus coronoïde. Elle consiste à retirer une partie de la face médiale du processus coronoïde, pour inclure la totalité de la partie articulaire distale jusqu’au niveau de l’incisure radiale (voir schéma anatomique). Cette procédure peut-être réalisée par arthrotomie ou par arthroscopie avec un ostéotome ou un shaver motorisé (voir photo 4). L’intérêt de retirer une portion non fragmentée est démontré par la découverte de microfractures sous-chondrales qui s’étendent jusqu’au bord de la ligne d’ostéotomie.

Une étude portant sur 263 chiens (437 coudes), avec un suivi à long terme, montre une résolution durable de la boiterie dès 6 semaines et une morbidité chirurgicale faible avec cette méthode.

D’autres techniques chirurgicales peuvent être utilisées, dont l’exérèse des fragments (ou souris articulaires) associée à divers degrés de débridement, d’abrasion, ou de retrait de la partie visiblement affectée de la face médiale du processus coronoïde. L’arthroscopie est, dans toutes les situations, l’approche de choix.

Pour certains cas avec une incongruence importante (au minimum 1 mm), une ostectomie ulnaire permet de corriger la disparité de longueur radio-ulnaire observée à l’arthroscopie. Cependant, son intérêt semble limité si l’incongruence est inférieure à 1 mm. En effet, après une ostectomie ulnaire, la boiterie dure plusieurs semaines et est plus importante qu’avant l’intervention ou qu’après une procédure intra-articulaire seule.

Médical

La gestion médicale est complémentaire du traitement chirurgical. Son succès repose sur le recours simultané à un exercice modéré (marche, nage), le contrôle du poids, l’emploi judicieux des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens ou analgésiques, et l’utilisation des compléments alimentaires (dont la glucosamine et la chondroïtine sulfate). D’autres thérapies d’appoint peuvent être envisagées comme l’hydrothérapie, les thérapies physiques (massage, stimulation nerveuse électrique) et alternatives (acupuncture).

AUTRES APPROCHES CHIRURGICALES

D’autres procédures chirurgicales sont envisagées depuis peu, avec un recul encore limité. Lorsqu’une instabilité primaire de rotation est suspectée, une procédure de relâchement du biceps est décrite. Elle implique une ténotomie de l’insertion du biceps.

Lorsque les lésions en miroir sont importantes, les propriétaires doivent être avertis que les chances de disparition de la boiterie ne sont pas aussi élevées. Si l’arthrose continue à beaucoup progresser, principalement du côté médial, une ostéotomie avec translation humérale (sliding humeral osteotomy) permet de transférer les forces vers le compartiment latéral. Les résultats de cette technique, décrits pour 59 coudes, sont positifs. Mais elle reste palliative, réservée aux cas où de véritables tentatives de prise en charge chirurgicale et médicale ont échoué. Enfin, lorsque l’arthrose est devenue sévère, une intervention de dernière intention, comme une prothèse de coude ou une arthrodèse, représente parfois la seule option viable pour améliorer la qualité de vie.

PRONOSTIC

Le pronostic lors de fragmentation du processus coronoïde peut être un bon avec un traitement chirurgical. Une trentaine d’études ont été réalisées avec des méthodes chirurgicales et des suivis assez différents. Globalement, 70 à 90 % des chiens montrent une amélioration ou une résolution de la boiterie avec une durée de suivi de 3 à 48 mois. Le taux de complications est faible, avec une moyenne de 20 % de mineures et moins de 5 % de majeures (souvent une arthrite septique).

Références bibliographiques

  • Fitzpatrick N, Smith T, Evans R, Yeadon R. Radiographic and arthroscopic findings in the elbow joints of 263 dogs with medial coronoid disease. Veterinary Surgery. 2009, 38:213-223.
  • Fitzpatrick N, Smith T, Evans R, Yeadon R, O’Riordan J. Subtotal coronoid ostectomy for treatment of medial coronoid disease in 263 dogs. Veterinary Surgery. 2009, 38:233-245.
  • Evans R, Gordon-Evans WJ, Conzemius MG. Comparison of three methods for the management of fragmented medial coronoid process in the dog. A systematic review and meta-analysis. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2008;21(2):106-109.
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