UNE VIE DE CHIEN POUR LES CANIDES DE KATMANDOU

Les nuits de Katmandou ne sont jamais tranquilles. Quand, en fin de journée, l’activité des hommes se calme, que les dernières échoppes ont baissé leur rideau, que les habitants ont retrouvé leur foyer, les rues sombres deviennent le domaine des chiens errants. Ils sont des milliers à vivre dans la capitale de l’ex-royaume himalayen. En meute ou en solitaire, ils sortent de leur léthargie diurne et partent à la recherche de nourriture dans les immondices qui s’entassent sur les trottoirs. Au cœur de la nuit, les hurlements retentissent d’un bout à l’autre de la ville… Et le manège quotidien ne s’arrêtera qu’aux premières lueurs de l’aube.

Les chiens errants sont un fléau. La rage provoque chaque année la mort d’environ 200 personnes, surtout des enfants. Jan Salter, une artiste peintre installée au Népal depuis la fin des années 60, a décidé d’agir pour améliorer la cohabitation des animaux et des hommes.

Le projet KAT voit le jour en mai 2004

« J’avais rejoint une association de défense des animaux à Katmandou, mais, hélas, elle n’était pas très efficace », se souvient Jan. Elle est donc partie en Inde pour étudier des projets. Et c’est ainsi qu’en mai 2004 elle a décidé de lancer le sien, le Kathmandu Animal Treatment (KAT) Center. Le lieu, excentré, est adossé aux premières colli­nes himalayennes, loin du tumulte et de la pollution du centre. Dans la cour, des chiens en liberté accueillent bruyamment les visiteurs. Au milieu, une grande cage rassemble quelques chiens qui ont l’air en pleine forme. « Ceux-là sont destinés à l’adoption », précise Jane Salter, qui tient à faire elle-même la visite. En revanche, dans l’enclos qui se situe juste derrière, une douzaine de chiens sont plutôt mal en point. Certains ont été victimes de morsures assez spectaculaires de la part de leurs congénères. La loi de la rue ! Mais la plupart ont des problèmes de peau et ont totalement perdu leurs poils. La gale sarcoptique ou encore la démodécie sont des maladies répandues. De l’autre côté de la cour, une quinzaine de cages individuelles sont toutes occupées. « Ces chiennes vont être ou sont stérilisées, explique Jan, car le but premier du KAT, c’est de faire baisser la population canine dans les rues de Katmandou. » En 8 ans, le nombre de chiens est passé de 30 000 à 20 000. Un travail de titan, à raison de 6 ou 7 opérations quotidiennes.

La capture explicitée aux habitants

Le matin, Bal Krishna et Ganesh Chapaggi, 2 des employés, empruntent l’une des ambulances du centre. Leur mission : ramener quelques jeunes chiennes. Ils procèdent méthodiquement, quartier après quartier. La capture n’a rien de difficile. « Les chiens sont rarement agressifs, reconnaît Krishna, nous nous servons d’un petit sac de nourriture pour les faire s’approcher et nous les mettons dans la voiture ! » Pour les moins dociles, ils emploient un filet artisanal. Pendant ces opérations, ils distribuent des prospectus qui expliquent leur mission. « Car, parfois, les gens ne comprennent pas pourquoi nous capturons ces chiens ! Ce contact est important, parce qu’ils peuvent ensuite nous appeler s’ils ont des soucis avec des chiens dans leur quartier, ou s’ils trouvent un animal blessé. »

Retour au centre. Les nouveaux arrivants sont installés dans une cage où ils resteront quelques jours avant d’être relâchés dans leur quartier. Pendant que des employés procèdent aux référencements des chiens, Prabin Piya, l’un des 2 vétérinaires, anesthésie un animal qui est ensuite vacciné contre la rage. Puis, dans un second temps, le chien reçoit un numéro d’identification et un collier, « ce qui permettra aux équipes de le reconnaître dans la rue ».

Auparavant, les chiens étaient empoisonnés

Au bloc opératoire, les interventions de stérilisation vont bon train. « Nous aimerions faire tellement plus pour améliorer la qualité de vie des chiens de Katmandou, déplore Jan Salter, mais nous n’avons pas les moyens financiers de faire mieux… » Elle se souvient qu’avant la création du KAT, la municipalité de Katmandou gérait la question des chiens errants : « Chaque mois d’avril, les employés municipaux étaient chargés de déposer de la nourriture empoisonnée à la strychnine dans les rues de la ville. Le matin, des cadavres de chiens constellaient les rues. Souvent, les carcasses restaient des jours à pourrir ou étaient jetées dans les rivières. C’était atroce… »

Cette époque est révolue. Le KAT est le seul à prendre le problème à bras-le-corps. En 8 ans, 10 000 chiens ont été stérilisés, des milliers vaccinés. Grâce à Jan et à son équipe, mais aussi à quelques volontaires venus d’Occident, la vie des chiens népalais n’est plus tout à fait comme avant.

• Pour en savoir plus ou aider le KAT : www.katcentre.org.np